Electricité : Un marché faussé

Electricité : Un marché faussé

 

L’ingénieure et syndicaliste Anne Debrégeas s’insurge contre le recours au mensonge par les autorités européennes et les pouvoirs publics comme ultime moyen de défense du marché de l’électricité.

 

L’envolée des prix du marché de l’électricité semble ne jamais devoir s’arrêter, dépassant régulièrement les 300 euros par mégawattheure (€/MWh). Pour atténuer les effets sociaux et économiques délétères de ces hausses, l’Etat multiplie les mesures transitoires, aussi coûteuses qu’inefficaces sur le long terme, alors que les profits des grands énergéticiens explosent.

 

Ces prix de marché, essentiellement guidés par les cours mondiaux du gaz, sont sans rapport avec les coûts de production français (autour de 50 €/MWh) mais aussi européens, faisant dire à Bruno Le Maire en septembre : « Les marchés de l’électricité européens sont aberrants. » Il est indéniable que, sans les marchés, les factures continueraient à refléter les coûts du système électrique, qui n’ont évolué que de 5 % en deux ans.

Défendre l’indéfendable

Pourtant, leurs promoteurs persistent et signent : le marché ne serait pas responsable de la hausse des prix. Ils contestent même que la baisse des prix était un objectif initial de l’ouverture des marchés. Ces défenseurs du marché n’hésitent pas à user d’arguments manifestement faux pour défendre l’indéfendable. En voici quelques exemples.

  1. Confrontés à une envolée particulièrement spectaculaire des factures, l’Espagne et le Portugal ont obtenu une dérogation, justifiée, selon Mme van der Leyen, présidente de la Commission européenne, par « leur situation particulière », les deux pays ayant « des bouquets énergétiques composés en majorité d’énergies renouvelables et comptant très peu d’interconnexions avec le marché européen ». Pourtant, les prix de marché de l’Espagne et du Portugal ont été, ces derniers mois, plus bas et moins volatils que ceux de l’Allemagne ou de la France, pourtant bien interconnectée et moins pourvue en énergie solaire et éolienne : 220 €/MWh en Espagne depuis début 2022 (prix spot) contre 233 €/MWh en France, une situation comparable à 2021 (96 €/MWh en Espagne contre 109 en France) voir le lien . L’explication est donc incompatible avec les faits. En revanche, ces pays ont une autre spécificité, passée sous silence : les factures des consommateurs reflètent plus fidèlement ces prix de marché, conformément à une « tarification dynamique » poussée par la Commission européenne. C’est donc l’application zélée des règles européennes de marché qui a conduit aux difficultés particulières de l’Espagne, et non son bouquet énergétique ni le niveau de ses interconnexions.
  2. Selon la Commission de régulation de l’énergie, la création du marché européen de l’électricité n’a pas modifié les principes sous-jacents à la tarification de l’électricité. Pourtant, les tarifs recouvraient historiquement les coûts de production, ce qui n’est manifestement plus le cas !
  3. En France, « le prix marginal du nucléaire fait le prix de marché », d’après l’ex-directeur de RTE et artisan du marché André Merlin. Si c’était vrai, le prix de marché en France serait de l’ordre de 10 €/MWh, ce qui n’a jamais été le cas, même avant les déboires actuels de la filière nucléaire. Quelle que soit la part du nucléaire ou des renouvelables da

uno Le Mairens la production et même lorsque la France exporte son électricité, les prix de marché, déterminés par le coût marginal du parc européen, suivent essentiellement les prix de la production à gaz ou à charbon

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