La taxe carbone aux frontières: Une taxe contre la compétitivité
Les présidents de trois grandes fédérations industrielles, Guillaume de Goÿs (aluminium), Henri Morel (industries mécaniques) et Laurent Tardif (industries électriques) alertent, dans une tribune au « Monde », sur les dangers de la mise en œuvre d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières par l’Union européenne.
Une taxe carbone contestée par les industriels et d’une manière générale par ceux qui importent. Une taxe fondée sur la fameux théorie du signal prix qui serait un fiscalité verte mais qui demeure tout simplement une taxe qui viendra affecter la compétitivité. Une manière de se tirer une balle dans le pied pour réduire la régulation du champ environnemental à un impôt. Ou le piège d’une seule vision fiscaliste dans lequel sont tombés cerains écolos et économistes récupérateurs.NDLR
Le Conseil européen est parvenu le 15 mars à un accord sur le règlement établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Il examine maintenant le projet de réforme du système d’échange de quotas d’émission (SEQE).
Le Parlement européen doit, quant à lui, se prononcer sur ces textes les 7, 8 et 9 juin. Ces deux textes sont clés pour permettre à l’Union européenne d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050.
Quand ce dispositif entrera en vigueur, les industries européennes des secteurs concernés (acier, aluminium, électricité, engrais et ciment) ne bénéficieront plus de la gratuité de quotas carbone. Parallèlement, afin d’éviter les « fuites de carbone », c’est-à-dire le risque de délocalisation d’activités fortement émettrices de CO2 vers des pays tiers, le MACF imposera aux importateurs de ces mêmes produits d’acheter des quotas carbone.
En l’état, si ce nouveau dispositif permet de donner un « signal prix » pour stimuler les investissements bas carbone dans les secteurs concernés, il transfère de fait aux industries aval le risque de fuite de carbone. A titre d’exemple, les fabricants européens de pièces mécaniques, de compresseurs, de batteries, de robots de cuisine ou de matériaux de construction, verront leur coût de production augmenter au sein de l’Union européenne du fait de la réforme du SEQE et de l’introduction du MACF.
Mais ces mêmes produits fabriqués dans des pays tiers et ensuite importés en Europe ne seront pas impactés par le dispositif puisque le MACF et le SEQE ne prennent en compte que les matières premières brutes. La taxe carbone aux frontières présente des risques ignorés de délocalisation.
Une perte de compétitivité
Si nous saluons l’initiative d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières comme nouvelle étape de la transition écologique de l’Union européenne, nous pensons que cette transition ne doit pas se faire au prix de nouvelles délocalisations ni au détriment de la compétitivité de nos industries.
Or, le dispositif, dans son état actuel, risque d’avoir des effets à l’opposé de l’objectif recherché : au lieu d’inciter à décarboner la production des pays tiers et à se fournir en matières premières moins carbonées pour les secteurs aval, ce mécanisme va inciter les clients européens à acquérir des produits manufacturés en dehors de l’Union à moindre coût et entraînera une perte de compétitivité des industriels européens à l’exportation.
La perte de compétitivité des entreprises européennes utilisatrices des produits couverts entraînera d’importantes fuites de carbone et des délocalisations. A court terme, c’est une large partie de la chaîne de production européenne qui sera fragilisée, mettant à mal l’ambition de reconquête de notre souveraineté économique et industrielle, dont la crise ukrainienne et la pandémie nous ont rappelé l’urgence capitale.
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