Prévention santé : lutter contre les lobbys

Prévention santé : lutter contre les lobbys

 

Pour une « démocratie sanitaire dynamique », il faut une information accessible, transparente et objective des consommateurs, et une totale indépendance vis-à-vis du secteur économique, plaident, dans une tribune au « Monde », Bernard Basset, François Boudillon et Serge Hercberg, médecins et spécialistes en santé publique.

 

Tous les acteurs de la santé publique peuvent se réjouir que la prévention soit devenue officiellement une priorité jusqu’à être mise en valeur dans l’intitulé du ministère « de la santé et de la prévention », confié à Brigitte Bourguignon. Depuis des décennies, la prévention n’avance qu’en réaction aux crises sanitaires qui en démontrent à la fois la pertinence et l’efficacité.

Nous ne pouvons qu’espérer que cette nouvelle mandature soit l’occasion de bâtir une véritable politique publique de la prévention, et non pas un catalogue de mesures (et d’annonces gouvernementales), mais un programme d’ensemble cohérent et à la hauteur des enjeux. Car le constat et les obstacles sont connus de longue date.

Le choix des priorités s’impose en grande partie car nous connaissons sans conteste les plus grands déterminants de la santé : la consommation d’alcool et de tabac, la malbouffe et la sédentarité, les expositions environnementales nocives. Nous savons aussi qu’agir sur ces déterminants permet d’améliorer l’espérance de vie sans incapacité.

Mais le simple énoncé de ces priorités incontournables est aussi celui de ses plus grandes difficultés, car une prévention efficace va heurter les intérêts de secteurs économiques qui se sont toujours opposés à des mesures telles qu’une information accessible, transparente et objective des consommateurs. Ne serait-ce, par exemple, que pour informer les femmes du danger de l’alcool pendant la grossesse, responsable du syndrome d’alcoolisation fœtale dont l’incidence serait de 1,3 pour 1 000 naissances vivantes par an (selon la Haute Autorité de santé).

 

De la même manière, le lobby de l’agroalimentaire combat sans relâche la diffusion du Nutri-Score si facile à comprendre par le consommateur, qui permet d’améliorer les comportements d’achat et de faire évoluer la qualité nutritionnelle des produits en incitant les industriels à améliorer leur composition. C’est pourquoi il faut naturellement poser en principe que l’information en santé et les messages sanitaires doivent être totalement indépendants du secteur économique, et sous la seule responsabilité de la ministre de la santé et de la prévention.

 

Le choix de l’efficacité pour la prévention, c’est aussi utiliser des outils qui ont fait leurs preuves. L’arme du prix, via les taxes, est de ceux-là, qu’il s’agisse de la taxe sur les boissons sucrées, du prix des cigarettes ou du prix minimum par unité d’alcool. L’encadrement de la publicité pour les produits nocifs pour la santé (alcool y compris le vin, aliments gras, sucrés, salés…) devrait aller de soi, et de pair avec une information fiable. Or nous voyons, depuis trente ans, l’impossibilité de faire passer une loi réglementant le marketing et la publicité pour la junk food, ainsi que les attaques contre cette loi exemplaire qu’est la loi Evin [relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme].

 

 

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