L’inaccessible finance durable !

L’inaccessible finance durable !

 

Par Nicolas Mackel, PDG de Luxembourg for Finance, l’agence de développement de la place financière du Luxembourg.( dans l’Opinion)

 

Au terme de plus de deux ans d’efforts pour maintenir leurs économies à flot pendant la pandémie de Covid-19, les gouvernements européens consacrent désormais (et à juste titre) une part importante de leur attention et de leur énergie à soutenir les efforts de l’Ukraine contre l’agresseur russe. A tel point que l’urgence immédiate de ce conflit semble avoir repoussé à plus tard la question cruciale de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les rapports du Giec sont de plus en plus alarmants : le dernier en date, publié en avril, estime ainsi que si le pic mondial des émissions de CO2 n’est pas atteint avant 2025, il n’y aura plus aucune chance de limiter la hausse des températures à moins de 1,5°C. Nous aurions alors échoué à atteindre les objectifs fixés, dix ans après la signature de l’Accord de Paris. Or, force est de constater que nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire. Est-il normal que 30 ans après le sommet de la Terre de Rio, et 25 ans après le protocole de Kyoto visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, 70 % du mix énergétique européen soit toujours composé d’énergies fossiles ? En trois décennies, la réduction de cette dépendance n’a été que de 11 %… Pour passer à une économie décarbonée d’ici à 2050, la part du mix énergétique devra pourtant tomber sous les 30 % !

Dans son discours déjà tristement célèbre, Stuart Kirk, le chef mondial de l’investissement responsable chez HSBC Asset Management, s’est égaré en voulant minimiser les risques liés au changement climatique. Il avait toutefois raison lorsqu’il a déclaré que les humains sont parfaitement capables d’y faire face. Les êtres humains sont particulièrement doués pour s’adapter lorsqu’une catastrophe imminente s’approche à grands pas. Nous avons colmaté le trou dans la couche d’ozone. Nous sommes passés de l’identification d’un nouvel agent pathogène, à l’observation de la réaction de notre système immunitaire contre celui-ci, au développement et au test d’un vaccin contre le virus de la Covid-19, et ce, en moins de 12 mois. Un rythme quatre fois plus rapide que tout autre déploiement de vaccins dans l’histoire.

Les nouvelles technologies nécessiteront un financement important, et s’il est clair qu’atténuer les effets des énergies fossiles est primordial, il est tout aussi fondamental de financer des projets qui assureront la résilience et l’adaptabilité des sociétés dans le futur. C’est à ce niveau aussi qu’il nous faut agir plus vite. Les données montrent qu’au sein de l’ensemble des technologies brevetées, la part des technologies directement liées à l’adaptation au changement climatique était à peu près la même en 1995 qu’en 2015.

« Le défi est énorme : il faudrait en effet mobiliser 4 000 milliards de dollars par an d’ici à 2030 et 100 000 milliards de dollars d’ici à 2050 »

En plus d’accélérer le développement de solutions grâce aux nouvelles technologies, il faudra mieux isoler nos bâtiments, aider les entreprises à financer leur transition en leur apportant les fonds nécessaires pour mettre en place de nouveaux procédés de production ou déployer des infrastructures utilisant les énergies renouvelables. Le défi est énorme : il faudrait en effet mobiliser 4 000 milliards de dollars par an d’ici à 2030 et 100 000 milliards de dollars d’ici à 2050.

Or, bien que les investissements dans les projets durables aient augmenté à un rythme impressionnant au cours des dernières années, plusieurs études dressent un bilan clair : le taux de pénétration de la finance durable sur les marchés financiers reste, de manière frustrante, globalement faible. La finance verte devra donc accélérer son développement si nous voulons réussir à atteindre les objectifs fixés à Paris et éviter un cataclysme.

Mais au sein de chaque crise se cache une opportunité. Si à court terme, nous allons probablement revenir au charbon et augmenter notre dépendance à l’énergie nucléaire, cette période verra aussi décoller les investissements dans la recherche et les projets d’énergies renouvelables. D’une part, parce que continuer à s’approvisionner en énergie auprès de la Russie tourne en ridicule tout ce pour quoi la finance durable se bat, et d’autre part, parce que le Giec nous a clairement avertis quant aux conséquences irréversibles que nous subirons si nous n’atteignons pas le pic d’émissions avant 2025.

Si, comme le suggèrent les données, nous sommes en retard dans l’atténuation du changement climatique, nous ne pouvons pas nous permettre de prendre également du retard dans le processus d’adaptation ! C’est ici que Kirk a tort : il ne s’agit nullement « d’une hyperbole infondée et complice », mais d’un appel à l’action pour financer de futurs projets et technologies qui assureront sur le long terme la prospérité de toute l’humanité.

Nicolas Mackel est PDG de Luxembourg for Finance.

0 Réponses à “L’inaccessible finance durable !”


  • Aucun commentaire

Laisser un Commentaire




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol