Archive mensuelle de mai 2022

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Choisir entre sobriété choisie et sobriété imposée

Choisir entre sobriété choisie et sobriété imposée  

 

Un papier du « Monde » souligne la nécessité de changer nos pratiques, accepter de reconsidérer nos modes de vie individuels et collectifs en faisant par exemple rouler moins de voitures ou en consommant moins de viande. Si la puissance publique ne s’empare pas de ces questions, le risque est grand que la sobriété finisse par s’imposer brutalement au lieu d’être choisie.

 

Nous n’avons pas encore bien mesuré l’ampleur des bouleversements économiques, sociaux et sociétaux qu’implique la lutte contre le réchauffement climatique. Désormais érigé en priorité du nouveau quinquennat, l’objectif d’Emmanuel Macron de faire de la France le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles d’ici trente ans n’implique pas seulement de modifier de fond en comble l’offre d’énergie. Il suppose aussi de réduire substantiellement notre consommation. Ces derniers mois, le mot « sobriété » a pris de la consistance dans le débat public. Il suggère la nécessité de baisser fortement la demande générale en énergie. Reste à savoir à quel prix.

 

Dans le discours qu’il a prononcé à Belfort, le 10 février, Emmanuel Macron a choisi de prendre le contre-pied des décroissants en plaidant qu’il est possible de réduire la consommation d’énergie sans renoncer au service rendu, en s’appuyant sur le progrès technique. De fait, une meilleure isolation des bâtiments publics et des logements réduit de facto la consommation d’énergie.

Cependant, de plus en plus de travaux scientifiques montrent que le retard est devenu tel qu’on ne peut plus espérer limiter le dérèglement climatique en misant uniquement sur l’efficacité ou l’innovation technologiques. Il faut changer nos pratiques, accepter de reconsidérer nos modes de vie individuels et collectifs en faisant par exemple rouler moins de voitures, voler moins d’avions ou en mettant moins de viande dans nos assiettes.

Le fait qu’aucun débat serein n’ait pu à ce jour émerger autour du thème de la sobriété est un vrai problème. Très vite, les esprits s’enflamment, les anathèmes fusent, bloquant toute esquisse de projection collective autour d’un nouveau modèle de développement et de nouvelles formes de solidarité à inventer. Il n’est pourtant pas anodin que le dernier grand mouvement social en France ait eu pour origine la taxe carbone, qui avait été conçue pour inciter les Français à réduire leur dépendance aux énergies fossiles. Socialement mal calibré, le dispositif a montré jusqu’à l’absurde que, pour espérer aboutir, il devait d’abord viser les plus gros pollueurs, c’est-à-dire les ménages les plus riches, et non pas frapper les plus vulnérables.

En France, plus de 5 millions de ménages se trouvent encore en situation de précarité énergétique. Dans le monde entier, plus de 750 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité. Au-delà des foyers et des individus, la question est surtout collective. Systémique. Elle oblige à repenser la société telle qu’elle va, son rapport au travail, à la mobilité, à la consommation, au logement.

 

Comment réduire la consommation générale tout en permettant à chacun de bénéficier d’un accès essentiel à l’énergie ? Est-il possible, voire souhaitable, de consommer moins tout en continuant à produire des richesses, donc à suivre les indicateurs habituels de la croissance ? Ou alors faut-il donner une autre définition, d’autres indicateurs économiques ou sociaux à la croissance ?

Tous ces thèmes doivent être rapidement portés par la puissance publique, qui dispose des instruments de prospection permettant d’éclairer et de soutenir le débat. Si elle ne le fait pas, le risque est grand que la sobriété finisse par s’imposer brutalement au lieu d’être choisie avec tous les risques de tension sociale et de violence que cela entraîne.

En matière d’environnement, il est clair que toute évolution significative devra d’une part s’inscrire dans le temps et que les propositions à effet immédiat relèvent de l’illusion. Une politique écologique par ailleurs pour être efficace devra combiner des mesures de nature étatique, des mesures économiques autant que la prise de conscience et le changement de comportement des ménages et des citoyens NDLR

Macron doit choisir entre monarchie et démocratie

 

 

Macron doit choisir entre monarchie et démocratie

Le président de la République ne réussira pas à lutter contre le réchauffement climatique, à réformer l’éducation nationale ou à réorganiser l’offre de soins sans remettre les Français dans le jeu, estime dans sa chronique Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ». Pour cela, il doit faire émerger de nouveaux relais, alors que toutes les intermédiations sont en crise. Elle l’ampleur du divorce démocratique qui mine le pays et rend éminemment difficile l’idée même de réforme

 

La feuille de route délivrée vendredi 27 mai par Elisabeth Borne aux membres du gouvernement est indexée sur la très forte défiance politique qui paralyse le pays. « Rapidité, efficacité, résultats », a ordonné la première ministre pour tenter de réhabiliter l’action publique alors que de nombreux Français doutent que l’Etat puisse encore quelque chose pour eux. Dans le même temps, le président de la République est à la recherche d’une méthode permettant d’associer les Français aux réformes.


La combinaison de ce double impératif, agir vite tout en prenant le temps de concerter et d’embarquer un maximum d’acteurs, résume la difficulté du quinquennat qui s’ouvre. Des chantiers majeurs doivent être rapidement conduits, comme la transition écologique, le nouveau contrat éducatif, la lutte contre les déserts médicaux, parce que les signaux sont devenus alarmants : la planète se réchauffe à vue d’œil ; l’hôpital craque ; l’éducation nationale traverse une crise de vocation sans précédent.

Tout est à rebâtir ; or personne ne sait très bien par quel bout tous ces chantiers seront pris. La seule réforme qui a été clairement énoncée pendant la campagne présidentielle – repousser à 65 ans l’âge du départ à la retraite – suscite une telle opposition dans l’opinion publique et une telle fronde chez les syndicats qu’on se demande comment elle pourra voir le jour.

Divorce démocratique

Longtemps, le mot réforme a rimé, en France, avec épreuve de force. Certains gouvernements de droite ont même jaugé la profondeur de leur action au nombre de journées de grève que celle-ci déclenchait, y voyant une façon de galvaniser leurs électeurs et le moyen de solidifier leur base électorale. Le mouvement des « gilets jaunes », qui a marqué le précédent quinquennat, a remis les pendules à l’heure. Il a révélé l’effondrement du clivage gauche-droite, la marginalisation des syndicats, l’invisibilité d’une partie de la société et sa tentation de recourir à la violence pour obtenir réparation parce qu’elle se sentait elle-même violentée.

 

Combinée à la montée de l’abstention, cette irruption a mis au jour l’ampleur du divorce démocratique qui mine le pays et rend éminemment difficile l’idée même de réforme : bouger, c’est prendre le risque de la rupture ; rester les bras ballants, c’est accroître aussi sûrement le risque de rupture. La seule voie de passage consiste à retisser le lien entre la base et le sommet, associer les Français au changement, partager les responsabilités.

Dans le nouveau rôle qu’il s’assigne, Emmanuel Macron a beaucoup à se faire pardonner. Il a incarné la verticalité tout au long de son premier mandat, à la fois par penchant naturel et parce qu’il voulait marquer une franche rupture avec l’émollient quinquennat de François Hollande. Ses opposants, issus de la gauche et de la droite de gouvernement, le rendent responsable de la montée des extrêmes et de leur propre affaiblissement, ce qui est beaucoup lui prêter. Au PS comme à LR, le ver était dans le fruit depuis de longues années. Les syndicats, CFDT comprise, lui reprochent d’avoir voulu les marginaliser, ce qui est une façon de nier leurs propres limites liées à l’étroitesse de leur base. L’accumulation du contentieux est telle que le chef de l’Etat ne trouvera pas beaucoup d’alliés dans les forces politiques et syndicales en présence, au moment où le débat politique a tendance à se polariser et se radicaliser.

Climat : Des technologies mortelles

Climat : Des technologies mortelles

 

 

Le fait que les techniques de géo-ingénierie soient mises à l’agenda des réflexions de la nouvelle Commission mondiale sur la gouvernance des risques liés au dépassement climatique devrait susciter une profonde inquiétude, alerte le journaliste Stéphane Foucart dans le « Monde ».

 

Sur le front du climat, l’information la plus frappante de ces derniers jours n’est ni la sécheresse qui s’installe en France, ni la succession des canicules qui ont mis plusieurs semaines durant des dizaines de millions d’Indiens et de Pakistanais au seuil de l’invivable. Non : l’actualité climatique la plus inquiétante de ces dernières semaines est la création, au sein du Forum de Paris sur la paix, de la Commission mondiale sur la gouvernance des risques liés au dépassement climatique. Le lancement de ses travaux, le 17 mai, est passé inaperçu en France, où seul Le Monde, sous la plume d’Audrey Garric, en a rendu compte. Son mandat devrait pourtant retenir toute notre attention.

 

La quinzaine de membres de cette commission – anciens commissaires européens, chefs d’Etat ou ministres de pays du Nord et du Sud, diplomates de haut niveau, etc. – se pencheront sur des problématiques qui n’ont jusqu’ici jamais été examinées à un tel niveau. Cette fois, il est officiellement question de réfléchir aux conditions de déploiement de techniques de géo-ingénierie – c’est-à-dire des méthodes de modification climatique à grande échelle –, non seulement sur leur faisabilité, leurs bénéfices et leurs risques, mais aussi leur gouvernance.

Le simple fait que ces techniques soient aujourd’hui officiellement mises à l’agenda devrait susciter une profonde inquiétude. Cela signifie d’abord que l’espoir s’estompe de voir le climat terrestre préservé d’une dérive catastrophique. Ensuite, la radicalité de certaines solutions envisagées pour maintenir l’habitabilité d’une Terre surchauffée donne à comprendre la gravité de la situation. Certaines de ces technologies relèvent d’un cauchemar dystopique inimaginable il y a seulement quelques années. Elles sont désormais sur la table – pas encore celle de la diplomatie de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, mais au moins dans son antichambre.

« Si la réduction considérable et rapide des émissions doit être l’objectif central de toute politique climatique, l’action collective contre le [réchauffement] doit prendre en compte l’ensemble des réponses possibles pour réduire activement les risques, explique ainsi la nouvelle commission dans sa présentation. Ces options comprennent des mesures d’adaptation considérablement élargies pour réduire la vulnérabilité climatique, l’élimination du carbone pour retirer le dioxyde de carbone de l’atmosphère, et éventuellement la géo-ingénierie solaire pour refroidir la planète en réduisant le rayonnement solaire entrant. »

Démocratiser les flux d’information et d’influence

Démocratiser les flux d’information et d’influence

 

La maîtrise des flux de communication et d’influence par un petit nombre d’entreprises qui favorisent  le buzz contribue à maintenir un modèle injuste et insoutenable, souligne dans une tribune au « Monde » un collectif de onze universitaires et responsables associatifs, qui propose  un renouveau du débat public.

 

La maîtrise de l’information constitue un enjeu fondamental pour formater l’opinion. L’ambiguïté sur cette question provient  notamment que les grands médias ont désormais un modèle économique qui repose essentiellement sur la publicité qui diffuse une culture de consumérisme totalement contraire le plus souvent aux préoccupations environnementales  .NDLR

 

 

 

La campagne présidentielle vient de le démontrer une nouvelle fois, notre démocratie est en souffrance. Notre incapacité à débattre sérieusement pour agir face aux défis qui s’imposent à nous, à commencer par celui de la crise climatique, est le symptôme d’un appauvrissement systémique du débat public. Paradoxalement, cette situation résulte en grande partie du rôle central pris dans notre société par l’industrie de la communication et de l’influence.

Le président réélu a indiqué vouloir mettre l’écologie au centre de son second mandat et adopter une nouvelle méthode pour lutter contre la fatigue démocratique. Nous croyons que les futurs élus de la nation doivent prendre leurs responsabilités pour montrer qu’une telle double transformation est possible.

Ils défendront à n’en pas douter la démocratie représentative, fortement attaquée sous la dernière législature. Dès lors, qu’ils défendent aussi la démocratie au-delà du cénacle parlementaire et des institutions, en soutenant, de manière transpartisane, une politique de régulation des activités de communication en faveur de la société civile.

Qu’il s’agisse de vendre aux personnes un « bonheur » par la consommation, ou bien de tromper les citoyens sur les pratiques sociales et environnementales réelles des grandes entreprises, le secteur de la communication dans toutes ses composantes – publicité, marketing promotionnel, communication « RSE » (responsabilité sociétale des entreprises) et relations publiques – n’a jamais déployé des activités d’influence aussi intenses sur nos sociétés et nos vies, encore renforcées par le basculement dans l’ère numérique.

En organisant l’obsolescence marketing de produits que beaucoup jettent et rachètent toujours plus rapidement, la communication commerciale maintient une économie de surconsommation de masse qui rend possible le modèle de surproduction et ses dérives. Elle contribue activement au dérèglement accéléré du climat et à l’épuisement des ressources naturelles. Indirectement, elle déstabilise aussi notre démocratie.

Les dépenses publicitaires colossales des marques leur permettent de diffuser leurs discours, mais aussi de contrôler une grande partie du financement des médias publicitaires et des industries culturelles.

Dans ce contexte, les frontières entre information, communication et divertissement se brouillent, et le clash et le buzz prennent le pas sur l’analyse et l’investigation. Sur Internet, une poignée d’entreprises géantes développent des stratégies de captation de l’attention pour augmenter leurs revenus tirés de la publicité ciblée et de la surveillance de masse.

 

Supprimer tout ce qui freine le développement des énergies renouvelables !

Supprimer tout ce qui freine le développement des énergies renouvelables !

 

 

L’éphémère ministre de l’environnement, Corinne Lepage, observe, dans une tribune au « Monde », que la filière nucléaire ne suffira pas à renforcer notre indépendance énergétique et à réduire notre empreinte carbone.

Sa position consistant à supprimer  ce qui freine le développement de tous les renouvelables paraît cependant particulièrement simpliste et même démagogique. Il faut dire que l’avocate ne s’est jamais signalée par une grande compétence en matière de politique énergétique. Ce qu’elle affirme en particulier à propos du nucléaire témoigne de l’ignorance de l’intéressée concernant cette filière en même temps que sa mauvaise foi. NDLR

 

Dans le dernier quart du XXe siècle, en seulement vingt ans, la France a été capable de construire une cinquantaine de réacteurs nucléaires. Cet exploit, nous devons le renouveler aujourd’hui. Mais attention, il ne s’agit plus seulement de construire de nouveaux réacteurs nucléaires ; il s’agit avant tout de construire des infrastructures équivalentes pour produire de l’électricité, à partir des énergies renouvelables. C’est d’ailleurs la proposition communautaire en réponse à la crise ukrainienne.

Nous pouvons très certainement le faire, à la condition de supprimer tous les freins qui existent actuellement au développement des énergies renouvelables et de l’autoconsommation collective. L’Union européenne tend également à le penser, puisqu’elle a reconnu qu’investir massivement pour doter notre pays des entreprises capables d’améliorer les procédés, de construire les infrastructures et de les entretenir était un droit.

Et nous n’avons pas d’autres choix que de le faire aujourd’hui. En effet, tous les voyants sont au rouge sur la filière nucléaire. Même si nous voulions et pouvions réaliser dans les vingt ans à venir six réacteurs EPR, cela ne résoudrait en rien nos problèmes actuels et à venir. Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire a très clairement indiqué devant la représentation nationale, le 17 mai, que la prolongation à soixante ans de la durée de vie de nos centrales était plus qu’improbable, et que même la prolongation à cinquante ans était problématique.

 

Nos réacteurs les plus jeunes, mais aussi les plus puissants, sont pour l’essentiel à l’arrêt du fait d’un phénomène de corrosion dû à des problèmes de conception. En conséquence, les scénarios RTE basés sur le maintien d’une forte puissance nucléaire jusqu’à l’arrivée des nouveaux réacteurs sont remis en cause. Quant à la réalisation des EPR, elle se heurte manifestement à des problèmes de conception en ce qui concerne les réacteurs en cours de construction dont le retard s’accumule. Cela vaut pour Flamanville comme pour Hinkley Point, ce qui rend très aléatoire le calendrier envisagé. A ceci s’ajoutent deux problèmes immédiats, à la fois pratiques et juridiques.

Le premier est celui de l’indisponibilité de la moitié du parc nucléaire. L’Autorité de sûreté nucléaire a indiqué que cette indisponibilité pouvait être amenée à croître, ce qui pose réellement des problèmes d’alimentation en électricité et entraîne la surenchère des coûts due à notre importation massive. Dès lors, seuls la sobriété et un plan massif d’énergie renouvelable peuvent être des solutions immédiates.

Interdiction du trafic de faux avis sur internet

Interdiction du trafic de faux avis sur internet 

Le trafic de faux avis notamment sur Internet est devenu une sorte d’arme marketing. Des avis qui peuvent évidemment émaner directement de l’entreprise vendeuse, d’intermédiaire qui vendent ces faux avis ou tout simplement du tri qui élimine les vis-à-vis défavorables. Une directive européenne entre en vigueur samedi en France pour mieux réguler certaines pratiques commerciales. Adoptée en novembre 2019 par le Parlement européen et le Conseil européen, la directive dite «Omnibus» est officiellement mise en oeuvre samedi dans tous les États de l’Union européenne.

«L’Europe prend la tête d’une réglementation accrue des places de marché et des sites e-commerce. De nombreuses entreprises américaines opérant en Europe devront suivre le mouvement», estime dans une note John Hornell, vice-président de Pasabi, une société qui propose des solutions d’authentification pour les commerces en ligne.

En France, la directive a été transposée par une ordonnance en décembre 2021. Parmi les mesures prévues, la réglementation oblige les places de marché dans le commerce en ligne à vérifier que les avis publiés sous les produits proposés à la vente ont bien été émis par des personnes ayant acheté le produit en question.

Elles devront aussi donner certaines informations supplémentaires au consommateur, comme l’existence d’un «lien capitalistique» entre le vendeur et la place de marché, ou demander le consentement du consommateur lorsque le droit de rétractation ne s’applique pas.

 

 

Par ailleurs, pour lutter contre les annonces de réduction de prix excessives, calculées à partir de prix de référence gonflés, les commerçants devront afficher le prix de référence à partir duquel la réduction est calculée.

Covid France 31 mai 2022 : baisse avec+4.673 nouveaux cas confirmés en 24h.

On enregistre ce lundi 30 mai 2022 :4.673 nouveaux cas confirmés en 24h,  148.251 morts au total, +85 morts supplémentaires. Le nombre de décès en EHPAD et EMS fait état de 28.866 (0) décès au total. Le nombre total de décès en milieu hospitalier est lui de 119.385 (+85 en 24h).

Le taux de reproductivité R est de 0,74 le taux d’incidence à 184,68 et la tension hospitalière à 19,6 %. Le taux de positivité est à 13,1 %.

La France compte actuellement 15.488 (-158) personnes hospitalisées et 992 (-22) malades en réanimation.

Selon les données de Santé Publique France, Découvrez le bilan des différentes régions françaises et leur évolution :

  • Ile-de-France : 4.005 (-34) hospitalisées, 299 (-16) en réanimation et +9 décès en 24h
  • Grand Est : 1.097 (-30) hospitalisés, 84 (-3) en réanimation et +13 décès en 24h
  • Hauts de France : 1.303 (-6) hospitalisés, 96 (-5) en réanimation et +9 décès en 24h
  • Auvergne Rhône Alpes : 1.593 (-42) hospitalisés, 91 (-2) en réanimation et +11 décès en 24h
  • Provence-Alpes Côte d’Azur : 1.404 (-8) hospitalisé, 82 (0) en réanimation et +8 décès en 24h
  • Bretagne: 527 (+23) hospitalisés, 38 (0) en réanimation et +2 décès en 24h
  • Normandie : 1.171 (-49) hospitalisés, 31 (-3) en réanimation et +10 décès en 24h
  • Nouvelle-Aquitaine : 1.029 (-10) hospitalisés, 65 (+5) en réanimation et +5 décès en 24h
  • Pays de la Loire : 275 (0) hospitalisés, 20 (-1) en réanimation et +2 décès en 24h
  • Occitanie: 1.213 (+1) hospitalisés, , 86 (+2) en réanimation et +6 décès en 24h
  • Centre-Val de Loire : 671 (-22) hospitalisés, 34 (-5) en réanimation et +5 décès en 24h
  • Bourgogne-Franche-Comté : 613 (+6) hospitalisés, 30 (+1) en réanimation et +4 décès en 24h

Economie, politique, société: les plus lus (30 mai 2022- 5h30)

Inflation: Hausse ou stabilisation ?

Inflation: Hausse ou stabilisation ?

 

Aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe, les Banques Centrales sont sur le point d’accélérer leur mouvement de normalisation. Pourtant, nous pensons que le pic inflationniste est proche d’être atteint. Par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé d’Amplegest.

La stabilisation à un haut niveau pourrait être effectivement stabilisée par un net tassement de la croissance constatée un peu partout dans le monde. Reste que certains éléments inflationnistes découlent de causes structurelles qui pourraient faire durer assez longtemps une partie de la hausse des prix. NDLR

 

Le consensus table désormais sur la mise en œuvre de l’une des hausses à hauteur de 250 points de base pour les taux courts américains d’ici à la fin de l’année, ce qui implique une nette augmentation du rythme des relèvements. En Europe, la BCE qui ne devait pas agir avant 2023 pourrait désormais procéder à sa première hausse aux alentours de septembre 2022. Le contexte inflationniste justifie cet ajustement rapide, avec des rythmes de hausse des prix très supérieurs aux objectifs des Banques Centrales. L’institution monétaire chinoise qui avait déjà remonté ses taux, peut désormais se consacrer à la préservation de la croissance domestique, menacée à court terme par la résurgence de la pandémie.

Les deux incertitudes liées à la durée de la guerre en Ukraine et à l’importance de la vague de Covid en Chine rendent l’analyse aléatoire à court terme. Dans les deux cas, une amélioration rapide aurait des effets désinflationnistes immédiats (via les matières premières pour l’Ukraine et le rétablissement de la chaîne d’approvisionnement pour la Chine). Un prolongement de ces deux aléas ne ferait qu’arrimer l’inflation à des hauts niveaux.

Pourtant, il semblerait qu’un pic soit proche pour l’inflation mondiale. Tout d’abord, on remarque une augmentation récente de la production de pétrole dans le monde (notamment aux Etats-Unis avec la réouverture de puits exploitant le pétrole de schiste). Dans le même temps la demande stagne voire décroit légèrement. Un éventuel boycott du pétrole russe pourrait contrer cette tendance mais on constate que le monde finit toujours par s’adapter aux évènements, fussent-ils une guerre. Une baisse ou même une stagnation du prix des matières premières, compte tenu des effets de base, provoquerait une décrue de la partie conjoncturelle de l’inflation. C’est une hypothèse crédible à l’horizon du second semestre 2022.

La partie plus structurelle de l’inflation liée aux salaires, aux loyers ou au sous-investissement des entreprises touche surtout les Etats-Unis, même si en Europe la perception de l’inflation par les ménages provoque davantage de revendications salariales. On constate toutefois un ralentissement de la progression du salaire horaire américain, qui reste autour de +6%. Les loyers américains sont tirés par la pénurie de logements, qui mettra du temps à se résorber. L’inflation structurelle aux Etats-Unis est bien installée mais ne devrait pas s’accélérer à court-terme.

 

L’activité économique, qui était jugée trop forte par les Banques Centrales, va ralentir sous l’effet conjugué des politiques monétaires et des évènements internationaux. Mais la croissance mondiale reste solide. La valeur du PIB américain au premier trimestre (-1,4%) ne doit pas être surinterprétée car largement dépendante d’un effet commerce extérieur (-3,2%) et stocks (-0,8%). Les composantes internes de l’activité sont toujours fortes : la consommation tient à des hauts niveaux, aidée par une épargne abondante et l’investissement des entreprises accélère pour faire face au déficit d’offre par rapport à la demande. En Europe la croissance est également en léger repli mais les dernières statistiques de la consommation, des commandes de biens d’équipement ainsi que du niveau d’emploi laissent augurer d’une activité toujours solide. Une aggravation ou une extension du conflit ukrainien serait en revanche un facteur de faiblesse de l’activité.

Le contexte de hausse des taux et les évènements internationaux ont provoqué une baisse de l’ensemble des actifs risqués : les obligations ont subi des replis significatifs en avril alors que les marchés actions ont poursuivi leur déclin. La période reste compliquée et nous incite à une certaine prudence à court terme. Pourtant, la publication des bénéfices pour le premier trimestre 2022 est globalement rassurante et nous conforte dans notre volonté de conserver à moyen terme nos positions sur de belles sociétés à forte visibilité. Ces périodes de volatilité sont propices à quelques mouvements opportunistes sur les portefeuilles risqués pour tenir compte des exagérations constatées, tout en restant focalisés sur les actifs de qualité.

Emmanuel Auboyneau

Pour une démocratie participative dans les entreprises

 Pour une démocratie participative dans les entreprises

 

 

Un sujet social, politique, économique pourtant stratégique et qui n’a pratiquement pas trouvé sa place dans la campagne électorale française en cours. Pourtant quatre spécialistes du management, dont deux chercheurs néerlandais et suédois, expliquent, dans une tribune au « Monde », comment faire du dialogue professionnel un objectif commun des dirigeants et des syndicalistes pour améliorer la qualité du travail.

 

Les dirigeants d’entreprise et les représentants du personnel devraient s’entendre pour développer le dialogue professionnel, c’est-à-dire la participation directe des travailleurs. L’enjeu, c’est le développement des personnes et des organisations ; essentiel pour améliorer la qualité du travail.

Ce dialogue professionnel doit permettre aux travailleurs de réfléchir sur le travail au sein des équipes, avec les manageurs de proximité : sur la manière dont il est organisé, le séquencement des tâches, les rythmes de travail, la polyvalence, les critères de qualité du travail pour les clients, patients ou usagers, et pour la préservation de l’environnement.

La communication est parfois abondante dans les entreprises, mais celle-ci ne fait pas des travailleurs les acteurs de leur propre travail, des transformations technologiques ou organisationnelles, de leur avenir et de celui de leur entreprise. Cela génère de la frustration.

L’actualité montre que les besoins des salariés sont avant tout matériels dans une période d’incertitude et d’augmentation accélérée des prix à la consommation. Mais la possibilité pour chacun de se réaliser par le travail, d’être reconnu par ses pairs et les manageurs, de pouvoir travailler en confiance reste essentielle. La démocratie ne peut fonctionner uniquement à l’échelle de la société. Elle doit se développer dans l’entreprise en renforçant la participation directe des travailleurs.

Une stratégie syndicale affirmée de soutien à la participation directe des travailleurs peut constituer une voie pour le renouveau du syndicalisme ; pour un syndicalisme capable de renouer avec sa base.

Cela est de la responsabilité conjointe des dirigeants et des syndicalistes. L’intérêt commun est celui du progrès social et économique ; d’un juste équilibre du progrès pour les individus et pour les organisations. Cette méthode axée sur le dialogue professionnel évite de s’enfermer ou de s’opposer sur des modèles d’organisation du travail par trop abstraits pour les travailleurs.

C’est par la participation directe des travailleurs que l’autonomie au travail advient et que l’on peut s’inscrire dans une organisation apprenante. L’entreprise y a intérêt pour instaurer un progrès réellement continu et pour réussir ses transformations technologiques ou organisationnelles.

Dans la période, c’est aussi un enjeu pour l’attractivité des emplois. Les syndicats devraient soutenir ce développement d’un dialogue professionnel constructif, dans l’intérêt des travailleurs, mais aussi de celui des syndicats, afin d’inverser une courbe de désyndicalisation qui peut entraîner l’effondrement de la solidarité entre les différentes composantes du monde du travail.

Société : La démolition de l’universalisme français

Société : La démolition de l’universalisme français

Par Laurence Burgorgue-Larsen, Professeure à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Membre de l’Institut de Recherche en droit international et européen de la Sorbonne
(Une version synthétique de cet article a été publié in Questions internationales, QI n°105, Janvier-Février 2021).

 

 

 

L’Universalisme des droits de l’homme est abîmé, car il est âprement rejeté. Les temps sont loin où le consensus international à leur égard était à son firmament. En effet, au moment où le monde célébrait le 50ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1998), la guerre froide n’était plus le logiciel idéologique qui scandait les relations internationales, tandis que la Déclaration et le Programme de Vienne sur les droits de l’homme (1993) étaient à mettre à l’actif triomphant de l’Organisation des Nations Unies qui en faisait l’alpha et l’oméga de son engagement. La juridictionnalisation de la protection des droits de l’homme sur les trois continents n’était pas discutée et une nouvelle vague de constitutionnalisme octroyait une place de premier choix aux droits et à leur garantie, y compris ceux en provenance des instruments internationaux. La démocratie libérale apparaissait comme l’horizon indépassable de l’Histoire, au point que Francis Fukuyama en prédisait la « fin »[1]. Vingt ans plus tard, les métamorphoses du monde ont profondément entamé cette vision, sans doute trop idyllique, où le « projet » des droits de l’homme semblait largement accepté, et donc acquis une fois pour toutes. Une telle vision du monde apparaît, aujourd’hui, plus que jamais discutable. La crise est à son paroxysme.

Elle l’est, tout d’abord, dans le champ des idées. Le rang des intellectuels qui dénoncent les droits de l’homme comme une idéologie impérialiste comme les autres ne cesse d’enfler. Qu’il s’agisse d’auteurs issus du Global North ou du Global South, ils se rejoignent sur le même constat : l’âge d’or des droits de l’homme n’est plus. Le Crépuscule de l’Universel est annoncé par la Française Chantal Delsol, professeur émérite de philosophie et membre de l’Académie des Sciences morales et politiques[2]. Dans un essai très critique, elle dénonce les excès de l’Occident dans sa volonté d’imposer, coûte que coûte, sa vision au reste du Monde ; elle comprend, voire légitime, les rejets de certaines cultures occidentales et surtout des cultures non occidentales – comme les cultures asiatiques – à l’endroit de ce qu’elle nomme « les perversions de la liberté »[3] ; elle explique la mécanique du rejet d’un Universalisme vu comme indifférent aux particularismes culturels, notamment ceux qui attribuent aux groupes et à la religion, une place de choix. Ce qu’elle nomme les « cultures holistes » sont en guerre contre l’individualisme, à juste raison, écrit-elle. Leur « rapt d’identité » est tel que les ressentiments sont à leur firmament. Les excès dans l’inflation des droits individuels – vus comme une décadence insupportable – ne pouvaient qu’engendrer de furieux backlash où l’esprit de revanche se déploie.  A l’autre bout du globe, s’exprimant pourtant à partir d’une autre situation, le professeur de droit international américano-kenyan, Makau Mutua, dénonce avec constance dans ses travaux académiques, l’idéologie des droits de l’homme. Incarnation d’un projet libéral occidental décrié, elle serait devenue une ‘religion sectaire’[4]. Il dénonce l’hypocrisie de l’Universalisme qui ignore les autres approches culturelles qui se déploient en Chine, en Inde, au Moyen-Orient et en Afrique, et qui contestent fortement le corpus normatif de l’Universel. Ces deux auteurs dont les idées convergent, ne sont que la face émergée de courants intellectuels de plus en plus visibles et audibles dans de nombreux pays à travers le monde[5]. Ils pointent les béances entre le discours sur les droits de l’homme et la réalité. Ne sont-elles pas sans cesse traversées par les turpitudes des nations occidentales, trop promptes à se draper dans l’éthique universelle pour mieux promouvoir et défendre leurs intérêts nationaux ? Ne sont-elles pas inquiétées, alors qu’elles sont elles-mêmes à l’origine de graves violations des droits de l’homme ? L’invasion par les troupes américaines de l’Irak, la pratique de la torture dans les geôles d’Abu Ghraib, la zone de non-droit de la prison de Guantanamo, l’utilisation des drones qui tuent sans distinguer les combattants des civils, sont autant de réalités incarnant l’archétype de la duplicité de l’« Ouest ». L’impunité occidentale accompagnée de son discours moralisateur, poussent les autres cultures à s’affranchir d’un Universalisme vu comme profondément inique et impérialiste.

Ces questions, sans cesse débattues dans les cercles académiques, ont puissamment investi, aujourd’hui, le champ politique. Les évolutions fulgurantes des relations internationales ont été propices à ce profond changement de paradigme. Les attentats du 11 septembre 2001 annonçaient déjà le déclin de l’Universel, ou plutôt, le combat de certaines cultures afin d’imposer au Monde une autre vision des rapports humains et de la vie en société. Car, depuis lors, c’est de cela dont il s’agit : une inflexible rivalité entre deux visions du Monde. La religion musulmane fut instrumentalisée à des fins de conquête, tant des esprits que des territoires. Le terrorisme islamiste ne frappait plus uniquement les pays du Moyen-Orient, mais saisissait également les terres occidentales. Un affrontement idéologique à l’échelle planétaire prenait place. Le « choc des civilisations » de Samuel Huntington[6], prenait le pas sur la vision de la « fin de l’Histoire » de Francis Fukuyama. Dans le même temps, la centralité de l’Occident s’effritait. Des autocrates cultivant le mythe de « l’homme fort » et le culte de la personnalité, manipulant toutes les règles juridiques pour se maintenir au pouvoir, mirent en place diverses offensives afin de retrouver une puissance perdue, reconquérir une superbe d’antan. Les obsessions de Vladimir Poutine pour la puissance impériale russe ; de Recyep Erdogan pour l’empire Ottoman ; de Xi Jingping pour l’empire du Milieu, sont transformées en calculs et conquêtes géostratégiques ainsi qu’en politiques économiques agressives. Leur dessein est d’autant plus aisé à mettre en œuvre, que la traditionnelle superpuissance occidentale expérimente une déroute démocratique de premier ordre et renoue avec l’unilatéralisme. Les Etats-Unis de Donald Trump ont fait vaciller l’Ouest et son autorité passée. Ils ne sont plus les promoteurs du Human Rights’narrative qui allait toujours de pair avec la promotion de la démocratie : ad intra, ils promeuvent le slogan « Law and Order » lourd de sens historique ; criminalisent les migrants, y compris les mineurs isolés et font primer la santé économique sur la santé biologique ; ad extra, ils délaissent leurs alliés traditionnels (notamment les pays de l’Union européenne) et renforcent leurs liens avec des régimes pudiquement appelés « autoritaires », comme l’Arabie Saoudite de Mohamed Ben Salma (MBS) qui commandita, au vu et au su de la Communauté internationale, l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Si l’élection de Joe Biden est porteuse de plus d’équilibres et si son administration a déjà commencé à rectifier nombre des disruptions de l’administration républicaine, les dégâts engendrés par la politique de D. Trump seront durables. De nombreuses approches politiques disruptives, usant des mêmes ressorts populistes, permirent à d’autres personnalités d’orchestrer de très astucieux hold-up électoraux, promettant la fin de la corruption des élites gouvernantes, le rétablissement de l’ordre, de la sécurité et de la grandeurs passés, et l’établissement d’une gouvernance effective et socialement équitable. La démocratie et les droits de l’homme ne furent point à l’ordre du jour de leur campagne. Ainsi, des hommes (qui se révélèrent rapidement agir en autocrates) prirent la tête de pays aussi important que l’Inde (Narendi Modi), l’Indonésie (Joko Widodo) et les Philippines (Rodrigo Dutertre) pour l’Asie ; le Brésil pour l’Amérique latine (Jair Bolsonaro) ou encore le Rwanda (Paul Kagamé) pour l’Afrique.  Le droit n’est plus un instrument mis au service des check and balances et du respect des droits de l’homme ; il est instrumentalisé afin de renforcer la verticalité du pouvoir exécutif[7]. Le populisme fit des ravages partout dans de nombreux pays, développés ou pas, au point qu’historiens et politologues s’accordent sur l’existence indéniable d’un « populist turn »[8] souvent associé à l’implantation de ce que Fareed Zakaria, le premier, avait vu venir : l’illibéralisme[9]. Ce dernier se déploie tous azimuts, y compris à l’intérieur d’ensembles organisationnels dont on aurait pu penser qu’ils pouvaient agir tels des remparts infranchissables à de telles déflagrations. Ce fut l’inverse.  Les petits pays d’Europe centrale et orientale – ceux notamment du « Groupe de Visegrad – qui intégrèrent l’Union européenne et le Conseil de l’Europe dans la foulée de la désintégration communiste ; adoptèrent les règles du constitutionnalisme libéral, associées à celle du libéralisme économique ; acceptèrent d’être soumis au contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme, finirent par se rebeller. L’homo economicus, individualiste et détaché de toute attache religieuse, est assez vite apparu étranger à leur histoire. Trop de droits, pour trop d’individus, dans trop de contextes « décadents » et sécularisés, tueraient ce qui fait le sel des identités hongroises, polonaises, tchèques etc… Ces pays se jouèrent des alertes et des mises en garde de l’Union européenne ; cette dernière fut impuissante à rendre efficaces ses mécanismes consistant à préserver l’Etat de droit. Partant, au sein même de l’Union, un front de résistance conservateur et illibéral se constitua. Le ver était dans le fruit.

Le constat est sombre. De toutes parts, à l’extérieur de l’Occident comme en son sein, le libéralisme politique, ferment de l’universalisme des droits de l’homme, est puissamment contesté. Si les relations internationales constituent le théâtre le plus visible des affrontements idéologiques, celui de la production du droit, prima facie plus discret, l’est pourtant tout autant. Les ennemis de l’Occident forgent des discours de la contestation à travers la production de textes juridiques alternatifs à la Déclaration Universelle (I). C’est encore à travers le droit qu’ils tentent de démanteler les structures mises en place après 1945 afin de réussir à transformer les rapports de force en leur sein (II).

I. L’UNIVERSALISME CONTESTÉ. LES DISCOURS DE LA CONTESTATION

L’élaboration, l’adoption et la diffusion de la Déclaration de 1948 fait partie d’un « discours » sublimé sur l’universalité des droits : a narrative. Cette histoire – diffusée par les Nations Unies et les élites internationales sécularisées – a placé le langage des droits de l’homme au-dessus des autres histoires et langages. Ce langage devint rapidement insensible à l’existence d’autres matrices. Alors qu’il n’accordait que peu de place aux cultures – synonyme de traditions, d’us et coutumes arriérés, qu’il convenait de faire évoluer vers la modernité – des contre-discours prirent corps. A mesure que le Human Right’s narrative était sacralisé, il n’eut de cesse d’être contesté. L’opposition idéologique qui traverse le champ politique international contemporain peut se résumer par la confrontation entre les droits (individuels) contre les cultures (notamment religieuses). Cette summa divisio se manifeste hors l’Occident (A) comme en son sein (B). Elle structure de nos jours les relations internationales car le monde s’est décentré : l’Ouest n’est plus omnipotent. Le présent, et certainement encore plus le futur, appartiennent à des puissances non-occidentales.

A. La contestation hors l’Occident

Les Etats et/ou groupes d’Etats représentant d’autres sensibilités, d’autres histoires, d’autres cultures que celles en provenance de l’Ouest, utilisèrent – tel un miroir au texte de 1948 – la technique juridique de la Déclaration afin d’affirmer et promouvoir « leurs » valeurs non-occidentales. La spécificité culturelle était brandie au nez de l’Occident comme un étendard politique contestataire, désirant en finir avec ce qui fut longtemps, également, un « complexe du colonisé ». Ils jouèrent le mimétisme technique afin de forger et diffuser des contre-discours. Aux langages des droits, ils opposèrent le langage des cultures ; à l’histoire de l’Universalisme, ils convoquèrent celle des Particularismes ; à l’approche centrée sur l’humain, ils décentrèrent le débat vers l’identité.

L’Asie fut à la pointe, dans les années 1990, de l’asiatisme, ou plus prosaïquement de la défense des « valeurs asiatiques ». Bien qu’il y eut une part non négligeable d’éléments conjoncturels qui poussèrent Lee Kuan Yew – Premier ministre pendant 30 ans (1959-1990) du micro-Etat singapourien situé à la pointe méridionale de la Malaisie – dans le lancement (agressif) d’une campagne idéologique contre l’universalisme occidental, il ne faut pas négliger ce que cette critique laissait transparaître. Tout d’abord, une revanche des anciens colonisés qui pouvaient, enfin, s’opposer frontalement aux anciens colonisateurs occidentaux[10] ; ensuite, une manière de légitimer une politique ultra-répressive qui se retrouva sous les feux des projecteurs internationaux. En tout état de cause, la rhétorique des « valeurs asiatiques » repose sur trois prémisses. Tout d’abord, les droits de l’homme et la démocratie ne sont pas universels mais sont uniquement l’apanage d’une construction des sociétés occidentales, qui n’a pas à être « imposée » à l’Asie. Ensuite, les sociétés asiatiques placent les valeurs communautaires, et la déférence à l’égard de l’autorité, au-dessus de l’individualisme et de la liberté de pensée et d’action. Enfin, l’Etat et la société sont des composantes d’une seule unité holistique ; partant, une attaque contre l’Etat constitue une attaque contre la société toute entière. Les implications d’une telle philosophie politique sont simples : les droits de l’homme et la démocratie sont des obstacles à la stabilité collective et au développement national qui supposent, à l’inverse, des leadership autoritaires[11]. Si ce débat disparut quelque peu de la scène idéologique asiatique avec les succès politiques et économiques de Taïwan et de Corée du Sud notamment, il réapparut à la faveur de l’irruption de nouveaux leaders populistes comme Rodrigo Dutertre et Joko Widodo.

Cette convocation de la religion contre un Occident universaliste sécularisé où la foi est déposée dans la dignité de l’être humain et non dans ses croyances, est symptomatique de la fracture qui parcourt les autres cultures non-occidentales. L’exemple du monde arabo-musulman est topique en la matière. L’Arabie saoudite qui œuvre de façon puissante au sein de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) a participé à faire adopter au Caire, le 5 août 1990, la Déclaration sur les droits de l’homme en Islam[12]. Ni son Préambule, ni ses 16 articles ne font référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme ; en revanche, la Ummah islamique y est centrale[13]. Les droits fondamentaux et les libertés publiques sont considérés comme faisant « partie intégrante de la Foi islamique » et, ce faisant, il est interdit de soumettre l’homme « à une quelconque pression ou de profiter de sa pauvreté ou de son ignorance pour le convertir à une autre religion ou à l’athéisme » (article 10), ni de contrevenir aux « principes de la Sharia » (article 22), laquelle constitue la « seule source de référence pour interpréter ou clarifier tout article de cette Déclaration » (article 25). Le relativisme culturel, fossoyeur de l’universalisme, fut également la tactique de l’Eglise orthodoxe russe. En 2006, sous la présidence du patriarche Alexis II, le Xème Concile mondial du peuple russe[14] – sous la houlette du métropolite Kirill, chef du département des relations extérieures de l’Eglise orthodoxe –adoptait une Déclaration des droits et de la dignité de l’homme, véritable alternative à la Déclaration universelle de 1948. Elle s’oppose explicitement aux excès de l’individualisme et considère qu’il est impossible de détacher les droits de l’homme de la morale[15].

B. La contestation au sein de l’Occident

Les valeurs charriées par le monde occidental sont doublement mises en cause de l’intérieur par deux types de populations qui sont reliées entre elles par un point commun : l’importance de leurs croyances religieuses. Là s’arrêtent toutefois les analogies car les uns (les Musulmans) sont des ressortissants de pays occidentaux qui, à titre individuel, entendent vivre selon leurs us et coutumes ; les autres (les Chrétiens) voient leur identité être utilisée, pour ne pas dire instrumentalisée, par des gouvernements illibéraux qui sont entrés en dissidence contre l’Occident en démantelant, un à un, les éléments des régimes démocratiques libéraux.

De nombreuses populations de confession musulmane sont nées et vivent sur le sol de moult pays occidentaux, conséquences complexes de l’augmentation des flux migratoires découlant de la colonisation, accentuée par la globalisation et la perpétration de conflits en tous genres. Très souvent en mal d’intégration, ces populations ont tendance à se replier sur leurs cultures d’origine. Se sentant, à tort ou à raison, rejetées ; sensibilisées aux discours religieux conservateurs alimentées par des réseaux puissants où les contre-discours lancés contre l’Universalisme font florès, ces populations revendiquent de façon visible leur appartenance religieuse. Dans le cadre de constructions individuelles et collectives complexes, ces manifestations sont, tout à la fois, l’exercice paisible d’une religion par l’affirmation d’une autonomie personnelle, mais également une revanche politique (comme descendants d’anciens peuples colonisés) alliée, très souvent, à une revendication identitaire. Cette irruption de la religiosité dans des sociétés occidentales largement sécularisées, engendre des tensions, des incompréhensions, voire même des contestations judiciaires. L’affaire S.A.S portée devant la Cour européenne des droits de l’homme en fut une manifestation criante[16]. Elle mit dos à dos, la construction d’une société occidentale – la société française in casu qui entendait coûte que coûte maintenir un de ses principes fondateurs qu’est l’universalisme républicain[17] – et l’expression publique et radicale de la foi religieuse d’une citoyenne française, de confession musulmane, qui désirait porter la burqa en tous lieux. Le choc des cultures fut flagrant. Il fut symptomatique de l’anxiété de multiples sociétés occidentales devant la montée en puissance de revendications multiculturelles déstabilisantes[18]. Alors que l’Occident sécularisé les avait longtemps ignorées – qui n’a pas en tête un des couplets de la très populaire chanson de John Lennon, Imagine, où il conçoit un monde paisible, sans pays et… sans religions[19] – il est désormais saisi par une angoisse existentielle profonde : celle d’une perte de sa propre identité par la mise à l’écart des valeurs universelles qui l’ont façonné[20]. Cette anxiété devant la montée en puissance du multiculturalisme se trouve décuplée du fait de la mutation du paysage international où l’ «Ouest» n’est plus leader, dépassé par de nouvelles puissances qui entendent bien anéantir l’arrogance occidentale.

Dans le même temps, mais dans un contexte politique différent, des pays Est-européens sont rentrés en opposition avec ces mêmes valeurs occidentales. Dans ce qui constitue une attaque en règle du libéralisme politique, la séparation des pouvoirs est démantelée et certaines interprétations des droits de l’homme (jugées décadentes) sont vivement contestées.  L’exemple hongrois le démontre à l’envi. Alors que l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2011 ne passa pas inaperçue[21] – suscitant l’émoi de la Commission de Venise[22], tant au regard de son contenu que de ses modalités d’approbation, écartant du processus constituant l’opposition et les membres de la société civile, elle fut néanmoins promue aisément.

Ce qui permit au parti de Viktor Orbán de remporter aisément les élections en 2010 et d’être en position de force pour enclencher, dans la foulée, la mécanique réformatrice, législative et constitutionnelle fut notamment le degré d’insatisfaction d’une grande partie de la population tant à l‘endroit du gouvernement en place à cette époque, qu’à l’égard du processus de transition lui- même. Il fut alors aisé au Fidesz d’instrumentaliser ce sentiment en clamant que, de transition démocratique réelle, il ne fut pas question au début des années 1990. Le temps était donc venu pour une « véritable » révolution, que le Fidesz allait mettre en œuvre. Il est crucial ici de relever un élément commun à d’autres scénarios populistes : la rapidité avec laquelle une fois au pouvoir, le gouvernement agit pour démanteler ce qui constitue l’essence même de l’Etat de droit : la séparation des pouvoirs avec, normalement à la clé, l’indépendance des tribunaux. En effet, avant même que la Constitution n’entre en vigueur le 1er janvier 2012, le Parlement hongrois avait préparé et adopté une série de textes législatifs modifiant en profondeur le fonctionnement démocratique du pays. Elles concernaient la liberté de la presse, le droit pénal, le droit de la famille et de la nationalité, le droit des élections, le statut des Eglises, et last but not least, le fonctionnement de la Cour constitutionnelle. La « déconsolidation » ne s’arrêta pas là : dans les derniers jours de l’année 2011, le Parlement adoptait une « Disposition transitoire à la Loi Fondamentale » avec rang constitutionnel dont le but fut de suppléer littéralement la nouvelle Constitution qui n’était pas encore entrée en vigueur. A partir de là, le pouvoir incarné dans la personne de Viktor Orbán n’a eu de cesse de détricoter les acquis démocratiques de la séparation des pouvoirs et de s’opposer à l’Union européenne, incarnant un Establishment corrompu loin des préoccupations du « Peuple » hongrois unifié sur la base d’un discours jouant sur les affects identitaires. A partir de cette réforme constitutionnelle, la rhétorique populiste continua à sévir afin de permettre le renouvellement du maintien au pouvoir du Fidesz et de son leader : les fake news devinrent « la narration officielle », après le musèlement de la presse libre[23]. Une telle politique fut clairement revendiquée et affichée ; elle fut brandie – et continue plus que jamais de l’être – comme un étendard de l’identité nationale hongroise. Le discours de Viktor Orbán du 26 juillet 2014 en est l’emblème[24]. Il affirme que le « nouvel Etat que nous sommes en train de construire en Hongrie est un Etat illibéral, un Etat non libéral » qui ne « rejettera pas les principes fondamentaux du libéralisme comme la liberté », mais qui en revanche, «ne fera pas de cette idéologie l’élément central de l’organisation de l’Etat », qui « inclut une approche différente, spéciale, nationale. » Et de poursuivre : « il est impossible de construire un nouvel Etat basé sur des fonctions illibérales et nationales au sein de l’Union européenne[25].» En transformant une expression au point d’en faire la marque de fabrique du constitutionnalisme populiste, il instrumentalisait, ni plus ni moins, ce que le politologue américain, Fareed Zacharia, dès 1997, avait décrit dans un article publié dans la revue Foreign affairs.

Que dire du cas Polonais[26], sinon que le démantèlement démocratique se fit sans que la Constitution du 2 avril 1997 n’ait été touchée ? Grandement inspiré par l’approche hongroise du Fidesz[27], le parti « Droit et Justice » (PiS), arrivé au pouvoir en 2015, déploya un éventail de mesures législatives qui se chargea de mener une attaque en règle, très rapide, de tout ce qui pouvait entraver l’action des autorités nouvellement élues. En l’espace de deux ans à peine, pas moins de treize lois ayant affecté de façon profonde toute l’architecture du système judiciaire, ont été adoptées. Autrement dit, le démantèlement au-delà de sa célérité a été systémique comme le souligne avec justesse Wojciech Sadurski[28]. Ainsi, les éléments clés du fonctionnement et des pouvoirs de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême, des juridictions ordinaires, du Conseil national de la Magistrature, des services du Procureur et de l’Ecole nationale de la Magistrature ont été profondément modifiés[29]. Le point commun de ces réformes législatives est le pouvoir octroyé à l’Exécutif, comme au Législatif (qui est également entre les mains du PiS et plus précisément d’un seul homme, Kacyńsky), d’intervenir de façon significative dans la composition, les pouvoirs, l’administration et le fonctionnement de ces diverses institutions, sans que la Cour constitutionnelle puisse intervenir. Le professeur Wojciech Sadurski – qui a analysé de façon particulièrement fouillée la situation polonaise – considère qu’elle met en scène un « anti-constitutional populist backsliding » (une régression populiste anticonstitutionnelle), expression qu’il estime la plus adéquate pour décrire de la situation de son pays. Il met parfaitement en évidence que l’adoption de nombreuses lois eut clairement pour objectif de contourner de précises dispositions constitutionnelles, tant dans le domaine de la justice (constitutionnelle et ordinaire), que dans le champ du pluralisme des médias notamment. Il laisse à voir que la centralisation du pouvoir est telle que le siège du PiS en est même devenu l’emblème[30]. Dans un tel contexte, Adam Bodnar – Ombudsman polonais qui représente encore une des rares institutions indépendantes en Pologne –  pose parfaitement les termes de la problématique : «Poland is currently facing new challenges – how to protect human rights in a country where constitutional review is subject of political manipulation and where the Constitution of 2 April 1997 was de facto changed via legislative mean, while the original text of the Constitution remain intact[31] ? »

Ces deux pays européens au sens géographique et institutionnel du terme – ils sont en effet situés au cœur de l’Europe et sont membres de l’Union européenne – bien qu’ils soient traversés par plusieurs différences, n’en sont pas moins animés par une obsession commune : celle de ne pas perdre leur « identité » de pays chrétiens blancs[32]. Cette « guerre culturelle » comme la nomme Jacques Rupnik, est un élément majeur de ce repli nationaliste populiste. Elle n’est pas déclenchée uniquement en Pologne et en Hongrie, mais se manifeste également au-delà des frontières de l’Union européenne. On la retrouve dans les discours de Vladimir Poutine qui fustige la décadence et la permissivité de l’Europe (qui fait fi des valeurs traditionnelles, notamment en matière de mariage et d’orientation sexuelle) ou encore Donald Trump lequel, en voyage officiel à Varsovie, encouragea la Pologne à être un rempart de la civilisation occidentale pour « la famille, la liberté, le pays et pour Dieu »[33].

Dans ce contexte, les atteintes à l’égard des acquis démocratiques et le combat contre les interprétations libérales des droits de l’homme, deviennent systémiques. Le contentieux devant la Cour européenne des droits de l’homme le démontre avec éclat : c’est tantôt la destitution discrétionnaire des juges qui est en cause[34] ; tantôt les atteintes au pluralisme de l’expression (notamment des partis d’opposition)[35] et des dissidents[36] ; tantôt le traitement des étrangers[37]. Si on resserre l’analyse plus spécifiquement sur le contentieux russe devant la Cour de Strasbourg, on découvre, en lisant les allégations en défense avancées par le gouvernement, à quel point l’Etat défend une vision « traditionnelle » des rapports entre les hommes et les femmes[38] ; une vision où les homosexuels n’ont pas droit de cité[39] et où la liberté d’expression doit s’arrêter à la porte des Eglises[40], autant d’éléments qui renouent avec les fondements de la Déclaration adoptée en 2006 par l’Eglise orthodoxe russe.

II. L’UNIVERSALISME DÉMANTELÉ. LES STRATÉGIES DU DÉMANTÈLEMENT

Les stratégies de démantèlement de l’Universalisme passent par deux types d’approches complémentaires : l’instrumentalisation et le contournement/exclusion.

Instrumentaliser les outils du multilatéralisme est désormais une politique juridique éprouvée déployée au sein des organisations universelles et régionales par des Etats qui entendent promouvoir leurs valeurs alternatives. En un mot, les fora et les règles du multilatéralisme sont habilement maîtrisés et utilisés pour mieux détruire, de l’intérieur, les valeurs libérales qui les fondent depuis 1945 (A). En parallèle, des stratégies exogènes sont activées pour, purement et simplement, s’exclure des règles du jeu collectif afin de ne plus être contraints par ce qui apparaît, aux yeux des régimes populistes et autoritaires, comme une doxa devenue insupportable (B).

A. Le multilatéralisme instrumentalisé

L’instrumentalisation du multilatéralisme se manifeste à travers deux stratégies qui manient toutes les deux, mais de façon différente, les règles classiques du droit international. Il s’agit tout d’abord d’arriver à modifier les rapports de force au sein des grandes organisations internationales existantes ; il s’agit, ensuite, d’utiliser les fora judiciaires ou quasi-judiciaires – notamment ceux des organes de protection des droits de l’homme – pour faire valoir une autre interprétation des droits et libertés.

Obtenir un changement de rapports de force au sein des organisations et institutions de la famille des Nations Unies, au sein de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe, de l’Union africaine, de l’ASEAN etc…a pour dessein, in fine, de faire valoir et, si possible, de faire triompher une nouvelle doxa : un nouveau discours alternatif à l’Universalisme. Tantôt les particularismes culturels et religieux vont en constituer l’Alpha et l’Oméga ; tantôt le rejet de l’impérialisme (universel) en sera la matrice ; tantôt une identité historique et politique sublimée sera brandie en étendard d’un nouveau rapport au droit international, qui trop longtemps incarna un ordre post-45 désormais décrié et désavoué. Quelles que soient les justifications avancées, le dessein est identique : il est question de marginaliser l’universalisme des droits de l’homme et la démocratie libérale. Pendant de nombreuses années, l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) a déployé une offensive sans précédent au sein des instances onusiennes dans un dessein très précis : arriver à imposer la sanction de la « diffamation » de l’Islam. Cette démarche témoigna d’une volonté de sanctifier les religions en général et l’Islam en particulier, dans le prolongement de la fatwa lancée contre Salman Rushdie suite à la publication des Versets sataniques en 1989 ; en un mot, mettre hors d’atteinte les religions de toute critique, au mépris de la liberté d’expression[41]. A cette sanctuarisation de la religion, s’ajouta le maintien et la défense de préceptes religieux dans le monde de la Cité : la Chari’a – en vigueur dans de nombreux pays musulmans – heurtant nombre de valeurs universelles. La tentative échoua, mais elle fut caractéristique d’une utilisation offensive et stratégique des fora du multilatéralisme pour mieux en détruire les principes constitutifs[42].

Si on se tourne vers l’Asie, il est topique de constater qu’en 2017, Rodrigo Dutertre, alors Président de l’ASEAN, décida expressément de promouvoir un agenda régional mettant l’accent sur la nécessité d’adopter des mesures draconiennes contre le crime ; de marginaliser les discussions sur les droits de l’homme et la démocratie ; de sanctifier la souveraineté et le principe de non-ingérence dans les affaires des Etats du Sud-Ouest asiatique et de promouvoir, last but not least, l’intégration régionale dans un « ASEAN way that will guide us »[43]. Cette démarche fut analysée de façon technique par le constitutionnaliste et internationaliste américain Tom Ginsburg qui, détaillait avec moult détails, dans un article à l’American Journal of International Law les stratégies des pays du continent asiatique consistant à créer de nouvelles normes afin de faire prévaloir leur point de vue « autoritaire » au sein des organisations régionales sises en Asie[44]. Et si le droit international devenait globalement « autoritaire » dans quelques années, au fur et à mesure de l’affaiblissement de l’Occident et de la montée en puissance des Etats autoritaires et illibéraux ?

L’autre technique d’instrumentalisation du droit international et des mécanismes du multilatéralisme se situe au niveau des organes de protection des droits de l’homme. Il s’agit de jouer sur la multiplicité des fora de protection et/ou de tenter, coûte que coûte, grâce au mécanisme de tierce intervention[45], de modifier le cours de la jurisprudence sur l’interprétation des droits. Si les activistes musulmans échouèrent devant la Cour européenne à obtenir la mise en jeu de la responsabilité internationale de la France du fait de l’interdiction de la burqa dans l’espace public[46], ils réussirent à l’obtenir devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies[47]. Ce faisant, la stratégie consistant à user habilement du forum shopping porta ses fruits et jeta le trouble sur la cohérence des valeurs à l’échelle internationale. A l’opposé du spectre religieux, les chrétiens s’organisèrent également afin de faire valoir une autre interprétation des droits, plus en conformité avec leurs fois religieuses. La « guerre des culture » (war cultures) naissait aux Etats-Unis dans les années 1990 à travers la création de puissantes ONG conservatrices[48], qui s’implantèrent en Europe pour certaines d’entre elles. Les questions dites « sociétales » – où la famille, le mariage, la religion, la vie et la mort sont en jeux – polarisent les sociétés, brouillent la qualité des débats nationaux et structurent des alliances stratégiques. Il s’agit alors de combattre, d’une manière ou d’une autre (la fin justifiant les moyens), les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui ne correspondent pas aux visions du monde que les associations et/ou ONG conservatrices entendent promouvoir. L’European Center for Law and Justice (ECLJ) fait partie de ces ONG laquelle, fort de son statut consultatif spécial obtenu auprès des Nations Unies depuis 2007 ; de son excellente stratégie communicationnelle qui lui permet d’avoir des entrées sur les sites internes des grands quotidiens nationaux, orchestre une critique « politique » des arrêts de la Cour, sous couvert d’une expertise juridique devant tendre, par définition, à la neutralité axiologique. Créée entre autres par Jay Alan Sekulow – avocat américain converti au christianisme et considéré comme l’un des 25 Evangélistes les plus influents aux Etats-Unis – l’ECLJ constitue le prolongement en Europe de l’American Center for Law and Justice (ACLJ) qui s’est créé pour être un contrepoids à l’Union américaine pour les libertés civiles (American Civil Liberties Union, ACLU). L’ONG européenne dont le siège est à Strasbourg, entend promouvoir la liberté religieuse, la famille et la vie (comprenez la vie des enfants à naître). Articles de presses, séminaires, aide juridique gratuite, tierces interventions devant la Cour (article 36 §4 de la Convention), font partie de son quotidien. La « spécialisation » sur les affaires religieuses de l’ECJL – en étant une association créée par un avocat chrétien évangéliste – permet de discerner le fil rouge qui étreint ses approches stratégiques, tout à la fois contentieuses et médiatiques[49]. Sa stratégie offensive ne se contente pas de jouer avec les ressorts techniques de la procédure devant la Cour ; elle consiste également à délégitimer les juges en personne. La campagne contre les juges de la Cour européenne lancée par l’ECLJ, commença par la publication d’un rapport qui présentait prima facie la forme d’une recherche[50], qui dévoila de drôles de conclusions (il fut reproché, notamment, à la Cour d’admettre trop d’ONG dites « libérales » au titre de la tierce intervention, alors que l’ECLJ est passé maître dans la mobilisation de ladite procédure), et termina par une campagne de presse – jouant avec les ressorts du story telling – orchestrée de concert avec l’hebdomadaire Valeurs actuelles et le directeur de l’ONG (G. Puppinck).  Des articles au vitriol furent et continuent d’être régulièrement distillés au sujet de « l’infiltration » de la Cour par les « amis » de Georges Soros. Les méthodes utilisées par Viktor Orban en Hongrie – consistant à diaboliser le philanthrope américain au point, notamment, de faire adopter une loi sur la transparence pour interdire le financement des ONG libérales[51], se dissémine en France[52]… Au cœur de l’Occident, ses valeurs libérales sont discutées, contestées jusque devant le prétoire des juges.7

B. Le multilatéralisme contourné

Le contournement du multilatéralisme passe par une stratégie de sortie : elle est le signe du déploiement d’une politique juridique extérieure marquée par une radicalité affichée et revendiquée. Dénoncer l’appartenance à des organisations internationales, à des traités multilatéraux ou encore à des systèmes juridictionnels de garantie des droits de l’homme – autant d’approches permises par les règles du droit international public – devient une politique en soi, le curseur d’un nouveau rapport au monde.

Dénoncer des traités internationaux est devenue une constante de la politique juridique extérieure de nombreux Etats. C’est évidemment l’approche états-unienne qui a frappé les esprits, tant sa mise en œuvre fut massive et rapide. America First fut le soubassement idéologique d’une cette politique radicale de rupture. Le divorce était consommé avec le multilatéralisme très vite après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Le 23 janvier 2017, les Etats-Unis annonçaient avec fracas leur retrait du Traité de libre-échange transpacifique (TPP) ; ils poursuivaient, le 1er juin 2017, en se retirant de l’Accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique, tandis qu’ils récidivaient, quelques mois plus tard, le 12 octobre 2017, avec le retrait de l’Unesco. Le désengagement continua en 2018 avec le retrait du Conseil des droits de l’homme[53] et de l’accord sur le nucléaire iranien. Les arguments avancés étaient de deux sortes : tantôt de tels traités étaient néfastes pour les Américains, tantôt les institutions dont les Etats-Unis se retiraient avaient développé un parti-pris « anti-israélien ».

Cette stratégie de « sortie » n’est pas le seul fait du « géant » nord-américain. A l’autre bout du spectre politique, le Venezuela d’Hugo Chávez puis de Nicolás Maduro, après avoir déployé des attaques en règle contre les organes interaméricains de protection des droits de l’homme (qui seraient sous l’emprise impérialiste des Etats-Unis), finit par dénoncer, tant la juridiction de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (2012), que son appartenance à l’organisation panaméricaine, i.e., l’Organisation des Etats américains (2017). Cette mise à l’écart délibéré des mécanismes de contrôle existant sur le continent, est particulièrement préoccupante. En témoigne les conclusions de la Mission indépendante d’établissement des faits du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui mit en lumière la commission de graves violations dans le pays[54] et, quand, dans la foulée, 23 anciens chefs d’Etat et de gouvernement latino-américains et espagnols, au moyen d’une déclaration adoptée le 23 septembre 2020[55], en appelèrent solennellement à la Cour pénale internationale afin qu’elle assume ses responsabilités devant les exactions commises… En Afrique, le dogme de la non-ingérence dans les affaires intérieures, fut l’argument politique avancé par les gouvernements de Paul Kagamé (Rwanda), John Magufuli (Tanzanie), Patrice Talon (Bénin) et Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), quand ils décidèrent de retirer leur déclaration d’acceptation de juridiction de la Cour africaine, respectivement en 2013, 2019 et 2020. Le Rwanda n’accepta point que des opposants politiques firent valoir leur droit devant la Cour d’Arsuha ; la Tanzanie estima insupportable de voir son système judiciaire défaillant passé au crible des standards exigeants de la Cour, tandis que le Bénin et la Côte d’Ivoire s’insurgèrent contre des arrêts, ainsi que des ordonnances de mesures provisoires, qui mettaient à jour les manœuvres politiciennes des autorités de ces Etats afin d’écarter de la scène politiques leurs rivaux[56]

***

Les forces politiques qui ont décidé de rejeter l’esprit de la Déclaration universelle sont, de nos jours, puissantes. Les critiques ne sont plus uniquement le fait de quelques cercles intellectuels, mais ont envahi la sphère politique. Les rapports de force à l’échelle internationale ayant profondément changé ; l’Occident étant singulièrement marginalisé, les valeurs alternatives – longtemps vues comme des épiphénomènes – sont en train peu à peu de s’imposer. Les contre discours « anti-droits » grandissent, finissent par s’imposer et modifier en profondeur les rapports entre les individus au sein de nombreuses sociétés, occidentales et non-occidentales, mais également au sein de nombreuses organisations internationales qui incarnaient, jusqu’à présent, le triomphe des « valeurs libérales ».

Cela ne veut pas dire que les défenseurs de l’ « esprit de 1948 » aient disparu, bien évidemment. Ils existent sur tous les continents (intellectuels, activistes, simples citoyens). Cela ne veut pas dire que les organisations multilatérales aient cessé de défendre les valeurs sur lesquelles reposent leurs actions [57]. Toutefois, les années à venir vont être marquées par une crispation croissante. La bipolarisation, nouveau marqueur des relations disloquées entre les citoyens d’un même pays, va continuer de s’étendre à l’échelle internationale : la guerre des valeurs n’est pas prête de s’éteindre. Si l’Universalisme des droits a déjà été traversé par diverses crises, celle-là est sans doute une des plus préoccupantes. Le combat sera long et difficile afin de préserver les acquis de 1948.

[1] F. Fukuyama, La Fin de l’Histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 1992. Une nouvelle édition a été publiée en 2018 avec une présentation d’H. Védrine (656 p.). Il est intéressant de noter que la revue Commentaire publiait, dès 1989, une traduction en français d’une conférence que l’auteur américain avait donné au Olin Center de Chicago, et qui s’intitulait « La fin de l’Histoire ? », Commentaire, 1989/3, pp. 457-469.

[2] C. Delsol, Le crépuscule de l’Universel. L’Occident postmoderne et ses adversaires, un conflit mondial des paradigmes, Paris, Les éditions du Cerf, 2020, 377 p.

[3] Ibid., p. 67 : « Voués à la comparaison avec l’Occident sûr de lui et prosélyte, les Asiatiques revendiquent d’abord le droit à la différence, affirmant qu’il n’existe pas un modèle unique et mondial de société. Ils rejettent l’universalisation occidentale, non seulement par la relativisation, mais par la critique du modèle dominant : les perversions de la liberté. »

[4] Sa critique est acerbe : « Western human rights scholars and advocates – and their acolytes in the Global South – have been akin to a choir in church. Advocacy and defense of human rights are done with a religious zeal. The reason is that human rights have become the moral argument for the liberal project », M. W. Mutua, « Is the Age of Human Rights Over ?», S.A. McClennen, A. Schultheis Moore (ed.), Routledge Companion  Literature and Human Rights, p. 450.

[5] La critique des droits de l’homme a bien évidemment toujours existé – comme le démontre l’essai éclairant de J. Lacroix et JP Pranchère, Le procès des droits de l’homme, Paris, Seuil, 2016, 339 p. ou encore l’opus classique de M. Villey, Le droit et les droits de l’homme, Paris, PUF, 1983, 169 p. – toutefois elle dépasse aujourd’hui de très loin le cercle des intellectuels.

[6] S. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 2000, 545 p. La version originale fut publiée en anglais en 1993.

[7] Cette tendance de fond est étudiée avec brio par M. Versteeg, T. Horley, A. Menge, M. Guim, M. Guirguis, « The Law and Politics of Presidential Term Limit Evasion », Columbia Law Review, 2020, pp. 173-248.

[8] P. Rosanvallon, « Penser le populisme », La vie des idées.fr., Extrait de la leçon inaugurale prononcée lors de la 26ème Rencontres de Pétrarque 2011, organisée autour du thème : le peuple a-t-il un avenir ? ; P. Ory, Peuple souverain. De la révolution populaire à la radicalité populiste, Paris, Gallimard, 2017, 252 p. ; J-W, Müller, Qu’est-ce que le populisme ? Définir enfin la menace, Paris, Gallimard, 2017, p. 30. (Coll. Essai Folio). (Titre original Was Ist Populismus ? Ein Essay, 2016).

[9] F. Zacharia, « The rise of Illiberal Democracy », Foreign Affairs 76, November-December 1997, pp. 22-45. Il approfondissait ses réflexions dans son ouvrage traduit en français et publié chez Odile Jacob, L’avenir de la liberté. La démocratie illibérale aux Etats-Unis et dans le monde, Paris, Odile Jacob, 2003, 339 p.

[10] J-L. Margolin, « Le confucianisme et son double : anatomie du débat singapourien sur les valeurs asiatiques », Mots. Les langages du politique, 2001, pp. 51-70.

[11] F. Zakaria, « A Conversation with Lee Kuan Yew », Foreign Affairs, March/April 1994.

[12] Résolution 49/19-P, https://www.oic-iphrc.org/fr/data/docs/legal_instruments/OIC_HRRIT/942045.pdf

[13] Le premier paragraphe du préambule se lit ainsi : « Réaffirmant le rôle civilisateur et historique de la Ummah islamique, dont Dieu a fait la meilleure Communauté; qui a légué à l’humanité une civilisation universelle et équilibrée, conciliant la vie ici-bas et l’Au-delà, la science et la foi; une communauté dont on attend aujourd’hui qu’elle éclaire la voie de l’humanité, tiraillée entre tant de courants de pensées et d’idéologies antagonistes, et apporte des solutions aux problèmes chroniques de la civilisation matérialiste; »

[14] Il s’agit d’une assemblée d’ecclésiastiques, de fidèles et de représentants de l’Etat.

[15] A. Krassikov, « La menace d’une idéologie ‘russe-orthodoxe’ », Etudes, 2005, pp. 321-328.

[16] Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 1er juillet 2014, SAS c. France.

[17] En légiférant ce faisant pour bannir de l’espace public tout insigne « dissimulant le visage », voy. la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010.

[18] En effet, de plus en plus de sociétés occidentales affrontent avec difficulté – pour ne pas dire anxiété – les implications du multiculturalisme, décidant de proscrire de l’espace public toute manifestation religieuse vestimentaire jugée ‘excessive’, car en totale contradiction avec leurs « valeurs ». Sur les réponses du droit international à l’augmentation des demandes de reconnaissances culturelles diverses, voy. A. Xanthaki, « Multiculturalism and International Law : Discussing Universal Standards », Human Rights Quaterly, 2010, Vol.32, pp. 21-48.

[19] Imagine, 1971. Il s’agit du deuxième couplet : « Imagine there’s no countries, It isn’t hard to do, Nothing to kill or die for, No religion too, Imagine all the people living life in peace… ». Comme le souligne Heiner Bielefeldt – ancien Rapporteur spécial des Nations-Unies pour la liberté de religion et de croyance – une telle vision du monde est très répandue dans de nombreuses sociétés occidentales, voy. H. Bielefeldt, “Misperceptions of Freedom of Religion or Belief”, Human Rights Quaterly, Vol. 35, n°1, February 2013, pp. 33-68, spec. p. 49.

[20] La littérature anglo-saxonne est, à cet égard, d’un utile secours pour décrypter ces peurs identitaires, voy. J. R. Bowen, Blaming Islam, The Mit Press, 2012, 121 p. ; M. Nussbaum, The New Religious Intolerance. Overcoming the Politics of Fear in an Anxious Age, Cambridge, Harvard University Press, 2012, 304 p.

[21] A. Badó, P. Mezei, « Comparativism and the New Hungarian Fundamental Law-Taking Raz Seriously », International and Comparative Law Review, 2017, Vol. 17 n°1, pp. 109-127.

[22] La nouvelle Constitution hongroise, adoptée le 18 avril 2011 par l’Assemblée nationale et signée par le Président de la République le 25 avril 2011, est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Cette nouvelle constitution a donné lieu à de vifs échanges de vues sur le plan national et international (voir les avis CDL (2011) 016 et CDL (2011) 001 de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (la Commission de Venise), la résolution n° 12490 déposée le 25 janvier à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, les déclarations du Conseil et de la Commission ainsi que la résolution du Parlement européen du 5 juillet 2011. On renvoie ici à l’Editorial comment de L. Azoulai, « Hungary’s new constitutional order and « European Unity », Common Market Law Review, 2012, 49, pp.871-883.

[23] Voir l’entretien avec Peter Kreko, Directeur du Think Tank atlantiste et libéral, Political Capital dans Le Monde du 9 avril 2018.

[24] Discours du Premier ministre Victor Orbán à l’occasion du 25ème anniversaire de l’Université libre d’Etat. Reproduite sur le site officiel du gouvernement hongrois, http:// www.kormany.hu/en/the-prime-minister/the-prime-minister-s-speeches/prime-minister-viktor-orban-s-speech-at-the-25th-balvanyos-summer-free-university-and-student-camp. Il se trouve traduit en anglais sur le site « Budapest Beacon ».

[25] Les extraits en anglais se lisent ainsi : « Meaning, that Hungarian nation is not a simple sum of individuals, but a community that needs to be organized, strengthened and developed, and in this sense, the new state that we are building is an illiberal state, a non-liberal state. It does not deny foundational values of liberalism, as freedom, etc.. But it does not make this ideology a central element of state organization, but applies a specific, national, particular approach in its stead. ».

[26] W. Sadurski, « How Democracy Dies (in Poland) : A Case Study of Anti-Constitutional Populist Backsliding », Sydney Law School, Legal Studies Research Paper, n°18/01, January 2018, 72 p. (http://ssrn.com/abstract=3103491). Ce constitutionnaliste polonais, dont la notoriété est internationale, est aujourd’hui professeur en Australie ; il fait l’objet de plusieurs procès, tant en matière civile que pénale. Daniel Sarmiento, le directeur de la revue juridique EU law Live, l’a interviewé afin de mieux comprendre ces attaques judiciaires lancées par les autorités polonaises à son encontre, voy. « A Conversation with Professor Wojciech Sadurski on the Rule of Law crisis in Poland » https://eulawlive.com/podcast/.

[27] « Budapest à Varsovie » (Budapest to Warsaw) telle fut la formule utilisée par Kacyński quand son Parti (le PiS) a commencé à exercer le pouvoir en 2015.

[28] W. Sadurski, « How Democracy Dies (in Poland) … », op.cit., pp. 4-5

[29] A. Bodnar, « Protection of Human Rights after the Constitutional crisis in Poland », Jahrbuch des öffentlichen rechts der Gegenwart, S. Baer, O. Lepsius, C. Schônberger, C. Waldhoff, C. Walter (dir.), Mohr Siebeck, 2018, pp.639-662. Le début de l’article d’Adam Bodnar, Défenseur du Peuple polonais résume tout… : « In 2015-2017 the attempt to dismantle rule of law guarantees was undertaken in Poland. The new government of the « Law and Justice » party (PiS) won the majority in elections in October 2015. A number of reforms were introduced. Most importantly, the independence of the Constitutional Court was undermined. The paralysis of the typical daily operation of the Constitutional Court allowed the ruling majority to pass legislation that aimed to centralize state power. The legislation (except for one law) was never verified by the Constitutional Court. In 2017, the ruling majority passed legislation threatening judicial independence, most notably the Supreme Court and the National Council of Judiciary. », pp. 639-640.

[30] W. Sadurski, « How Democracy Dies (in Poland) … », op.cit., p. 10 : « “Nowogrodzka” (the Warsaw address of the PiS headquarters, where Kaczyński has his main office) became synonymous with the true locus of power. When ministers need a strategic decision to guide their action, they “go to Nowogrodzka Street”. »

[31] A. Bodnar, « Protection of Human Rights after the Constitutional crisis in Poland », Jahrbuch des öffentlichen rechts der Gegenwart, S. Baer, O. Lepsius, C. Schônberger, C. Waldhoff, C. Walter (dir.), Mohr Siebeck, 2018, Ibid., p. 640.

[32] Le témoignage d’Adam Bodnar est édifiant à cet égard : « Another set of anti-constitutional actions by the government was its policy towards refugees and migrants. Poland is one of the most homogenous member states of the European Union, with 98% of the population belonging to the Polish nation, and over 90% being Roman Catholic. The migration crisis in Europe coincided exactly with the electoral campaign. Therefore, the topic of migration and relocation of refugees within the EU, according to the scheme agreed on by the EU, was subject of intense discussion during the electoral campaign and its aftermath. The argument of a general fear of the Polish society towards migration was used both as a justification of certain legislative reforms (especially surveillance powers of secret service as well as method to increase popular support of government policies. In consequence, Poland has refused to participate in the EU relocation scheme», voir « Protection of Human Rights after the Constitutional crisis in Poland », Jahrbuch des öffentlichen rechts der Gegenwart, S. Baer, O. Lepsius, C. Schônberger, C. Waldhoff, C. Walter (dir.), Mohr Siebeck, 2018, pp. 650-651.

[33] Cité par J. Rupnik, « The Crisis of Liberalism », Journal of Democracy, Vol. 29, July 2018, pp. 24-38, spec. p. 27.

[34] Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 23 juin 2016, Baka c. Hongrie.

[35] Cour européenne des droits de l’homme, 16 septembre 2014, Karácsony et autres c. Hongrie ;Cour européenne des droits de l’homme, 16 septembre 2014, Szél et autres c. Hongrie ; Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 20 janvier 2020, Magyar Kétfarkú Kutya Párt c. Hongrie.

[36] La « saga » navalny devant la Cour européenne des droits de l’homme le démontre,

[37] Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 21 novembre 2019, Ilias et Ahmed c. Hongrie ; Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 21 novembre 2019, Z.A. et autres c. Russie.

[38] Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 2012, 22 mars 2012, Konstantin Markin c. Russie.

[39] Cour EDH, 20 juin 2017, Bayev et autres c. Russie.

[40] Cour EDH, 17 juillet 2018, Mariya Alekhina et autres c. Russie.

[41] Robert C. Blitt, « The Bottom Up Journey of “Defamation of Religion” from Muslim States to the United Nations : A Case Study of the Migration of Anti-Constitutional Ideas, Studies in Law, Politics and Society, 2011,pp.121-211.

[42] Pour plus de détails sur cette stratégie, voy. N. Haupais, « Sur de nouveaux concepts onusiens : la diffamation des religions et la lutte contre les ‘phobies’ religieuses », Société, droit et religion, 2011, n°1, pp. 29-43.

[43] Cité par R. J. Heydarian, « Penal Populism in Emerging Markets. Human Rights and Democracy in the Age of Strongmen », G.L. Neuman (eds.), Human Rights in Time of Populism. Challenges and Responses, Cambridge, Cambridge University Press, 2020, p. 152.

[44] T. Ginsburg, « Authoritarian International Law », AJIL, 2020, pp. 221-260.

[45] Dans le cadre du mécanisme européen de garantie, c’est l’article 36 §4 de la Convention qui permet aux Etats, au Commissaire européen aux droits de l’homme ainsi qu’à des individus ou des ONG, de présenter des interventions devant la Cour.

[46] Voy. l’arrêt SAS c. France déjà cité.

[47] Comité des droits de l’homme des Nations Unies, 7 décembre 2018, Sonia Yarker (communication n°2747/2016) et Miriana Hebbadj (communication n°2807/2016). On lira avec intérêt l’opinion dissidente du juge tunisien Yadh Ben Achour qui s’exprimait ainsi afin de contester le constat établi par la majorité des membres du Comité : « 5. Le Comité admet dans les deux cas d’espèce que « le port du voile intégral relève d’une coutume d’une partie des fidèles musulmans et qu’il s’agit de l’accomplissement d’un rite et de la pratique d’une religion ». Cependant les constatations du Comité n’expliquent pas cette mystérieuse transfiguration d’une coutume en une obligation religieuse à caractère cultuel, au sens de l’article 18 du Pacte. En vérité, le port du niqab ou de la burqa est une coutume suivie dans certains pays dits « musulmans » qui, par l’effet de l’islamisme politique et des tendances rigoristes, a été artificiellement raccrochée à certains versets du Coran, notamment le verset 31 de la sourate de La Lumière et le verset 59 de la sourate des Coalisés. Pourtant, les savants les plus autorisés de l’islam ne reconnaissent pas la dissimulation du visage comme une obligation religieuse. En admettant même que le port du niqab soit interprété, comme le veut le Comité, comme l’expression de la liberté de religion, il faut rappeler que toutes les interprétations ne se valent pas au regard d’une société démocratique ayant pour fondement de son système juridique les droits de l’homme, les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte, et ayant érigé le principe de laïcité en principe constitutionnel, en particulier dans le contexte historique et juridique particulier de la France. Certaines interprétations ne peuvent avoir droit de cité. »

[48] C. McCrudden, « Transnational Culture Wars », IJCL, 2015, pp. 434-462. Voir également son ouvrage, Litigation Religions : An Essay on Human Rights, Courts and Beliefs, OUP, New-York, 2018, 196 p.

[49] L’affaire E.S. contre Autriche est un très bon exemple à cet égard. Pour une analyse critique de la stratégie d’instrumentalisation de cet arrêt menée par l’ECLJ, voy. L. Burgorgue-Larsen, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme (sept.-déc. 2018)», Actualité juridique de droit administratif, 28 janvier 2019, pp. 169-179.

[50] Les ONG et les juges de la CEDH, 2009-2019, Strasbourg, Février 2020, 218 p.

[51] R. Uitz, « Human Rights Watchdogs Face Illiberal Rullers in Europe », A. Sajó, R. Uitz (eds.), Critical Essays on Human Rights Criticism, Eleven International Publishing, 2020, 199-224). Cette législation n’a pas obtenu le cap du respect du droit de l’Union et la Hongrie fut condamnée pour manquement aux règles du droit de l’Union voy. CJUE, Gde Ch., 18 juin 2020, Commission européenne soutenue par la Suède contre la Hongrie, C/78-18.

[52] Pour plus de détails sur l’importation de cette culture war devant la Cour interaméricaine (en plus de la Cour européenne), on renvoie à L. Burgorgue-Larsen, Les 3 Cours régionales in context, La Justice qui n’allait pas de soi, Paris, Pedone, 2020, spec. p. 355 et s.

[53] Il fut institué par la Résolution 60/251, en ayant pour mission de « promouvoir le respect universel et la défense de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, pour tous, sans distinction aucune et de façon juste et équitable ». Il est composé de 47 Etats membres, élus par l’AG des Nations Unies suivant le principe d’une répartition géographique équitable, pour des mandats de trois ans renouvelables une fois.

[54] Conseil des droits de l’homme, 15 septembre 2020, A/HRC/45/33. La Mission était composée de Marta Valiñas (Portugal), de Paul Seils (Royaume-Uni) et Francisco Cox (Chili). (https://www.ohchr.org/SP/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26247&LangID=S).

Ukraine: L’Allemagne rechigne à fournir des armes

Ukraine: L’Allemagne rechigne à fournir des armes

 

Selon le quotidien allemand Die Welt, Berlin a réduit au minimum ses livraisons d’armes à l’Ukraine depuis plusieurs semaines. Entre le 30 mars et le 20 mai, seules deux livraisons ont été effectuées vers Kiev: des mines antichars et des pièces de rechange pour des mitraillettes. (info BFM)

On est loin des missiles sol-air envoyés le 25 mars dernier, date de la dernière livraison d’armes à l’Ukraine. Surtout, ce sont les chars Leopard qui sont attendus mais, là encore, la livraison se fait attendre. Selon la presse allemande, cette lenteur s’explique par les retards concernant la formation des soldats ukrainiens. Les 15 premiers appareils ne devraient donc pas arriver avant fin juillet les 15 suivants sont attendus fin août.

Le problème, c’est que l’Ukraine manque cruellement d’armes alors que l’offensive russe se renforce dans l’est du pays. Surtout, les livraisons effectuées tranchent avec les annonces de Berlin qui avaient laissé filtrer des chiffres bien plus importants concernant les chars: 50 voire 100 appareils étaient prêts à être livrés.

L’Allemagne avait été critiquée en avril pour son manque de soutien à l’Ukraine. Le chancelier Olaf Scholz avait alors tenté un revirement en débloquant un milliard d’euro d’aides militaires pour Kiev.

Interrogé sur les retards, le président de la commission des affaires étrangères du Bundestag Michael Roth (SPD, parti de la coalition au pouvoir) assure ne « pas avoir l’impression que quelqu’un freine délibérément » les livraisons d’armes.

Le ministre de l’Économie Robert Habeck (Verts, parti de la coalition au pouvoir) est lui aussi monté au créneau ce dimanche rejetant aussi les accusations. « En tant que plus grande économie de l’UE, nous sommes un pays dont on attend beaucoup » a-t-il reconnu auprès de Die Welt, assurant néanmoins que des soldats ukrainiens étaient actuellement entrainés sur des obusiers PzH-2000 dont 7 exemplaires doivent être livrés à Kiev.

De son côté, la France reste très discrète sur les armes exportées. Pendant la campagne présidentielle, le président de la République Emmanuel Macron avait évoqué des canons Caesar et des missiles antichars Milan. L’ensemble des livraisons est évalué à 100 millions d’euros par le gouvernement.

Rachat d’Alstom et GE : La sulfureuse dimension fiscale

Rachat d’Alstom et GE : La sulfureuse dimension fiscale

 

 

Grâce à la bénédiction de Macron, les turbines d’Alstom de Belfort ont été rachetées dans des conditions sulfureuses. Un rachat pourrait être lié à des intérêts politico-financiers facilités par des optimisations fiscales.Le géant industriel américain General Electric (GE) a eu recours à de l’optimisation fiscale en France entre 2015 et 2020, lui permettant de transférer jusqu’à 800 millions de profit à l’étranger, selon des informations publiées dimanche par le site d’investigation Disclose d’après le Figaro.

Depuis le rachat de l’usine de turbines de Belfort à Alstom en 2015, la multinationale américaine aurait fait échapper 800 millions d’euros de bénéfices vers la Suisse et l’État américain du Delaware, soit un manque à gagner entre 150 et 300 millions pour le fisc français, selon les bilans de l’usine et des audits consultés par Disclose.

Selon ce montage financier, l’usine de Belfort était une «unité de fabrication sous contrat» ou «prestataire» de filiales suisses de GE, qui se chargent des ventes et engrangent la plupart des bénéfices. L’usine de turbines pour centrales électriques versait également des redevances à sa maison mère américaine pour l’utilisation de sa marque et de ses technologies. Bercy aurait validé au préalable le schéma fiscal, selon un protocole de «relation de confiance» avec l’administration fiscale, indique Disclose.

Dans leur assignation déposée en décembre 2021, le syndicat Sud Industrie et le Comité social et économique (CSE) de GE reprochaient à l’entreprise d’avoir minoré le résultat fiscal de l’entité turbines à gaz de Belfort (GE EPF) par le biais de transfert de richesses vers des filiales à l’étranger, où la fiscalité est plus avantageuse. Ils réclament un rattrapage de participation sur la période 2015-2020.

Le CSE estimait à environ un milliard d’euros le montant des profits localisés dans les paradis fiscaux au détriment de GE EPF ces dernières années. EDF a annoncé depuis le rachat d’une partie des activités du site pour 1,2 milliard de dollars.

Le paradoxe c’est que EDF a été contraint par le gouvernement de racheter une partie de l’activité des turbines de GE !
Alstom, c’est le péché originel dans l’aventure macronienne », estimait il y a quelques mois Jérôme Sainte-Marie, président de la société d’études PollingVox. Une opération vécue comme un abandon de souveraineté et qui « a donné l’impression que l’intérêt national était mal défendu »; Un euphémisme !

 

 

Crises mondiales: risque de contagion ?

Crises mondiales: risque de contagion   ?

 

L’hyper globalisation nous rend irrémédiablement dépendants les uns des autres, et ce à l’échelon universel  estime  Michel Santi, économiste  (dans la Tribune)  (*)

 

Tant et si bien que des sanctions punitives dirigées contre un pays de taille moyenne affectent désormais les chaînes de production à l’autre bout de la planète pour se retourner in fine contre ceux qui les décrètent.

La campagne de Russie se déroule à l’évidence au plus mal pour cette nation. Si ce n’est que la Russie est toujours puissante -non pas tant de son arme nucléaire – que de la dépendance d’elle de la part du reste du monde. Une cinquantaine de pays disséminés à travers le globe consomment ainsi le blé russe et ukrainien, dont certains de manière critique comme l’Egypte ou la Turquie qui importent près de 65% de leurs besoins de ces deux belligérants. On a donc bien compris aujourd’hui que la Russie, que l’Ukraine mais également que la Biélorussie sont essentielles pour notre approvisionnement alimentaire et que des perturbations durables auront à l’évidence des conséquences désastreuses. Une famine mondiale n’est pas exclue car le pire effet des sanctions contre la Russie n’est même encore perçu – sur nous et par nous.

En effet, la pénurie de fertilisants est la menace suprême qui pèse dans un contexte général où ces sanctions commencent à peine à affecter les chaînes d’approvisionnent. Pour la toute première fois dans l’Histoire moderne, c’est la totalité des fermiers et producteurs autour du monde qui commencent à durement ressentir, au niveau de leurs récoltes menacées de dévastation, la pénurie naissante des fertilisants d’origine chimique dont les prix sont déjà en augmentation de 75% sur une année. Les exploitations de café au Costa Rica, de soja au Brésil, de pommes de terre au Pérou sont en passe d’être décimées de l’ordre des 30 à 50% en l’absence de ces fertilisants. C’est l’ensemble du continent africain qui est sur le point de subir des récoltes de riz et de maïs en chute de près de 40% également, et le monde entier des augmentations de prix sans précédent sur toute une série de denrées allant des produits laitiers à la viande. Et ne nous y trompons pas, car cette insécurité et ce stress alimentaires – ainsi que le choc hyper inflationniste qui les accompagne – sont là pour durer, et ce même si la guerre en Ukraine s’arrêtait aujourd’hui comme par enchantement.

C’est en effet pas moins de 3 milliards 300 millions d’individus qui sont dépendants – pour se nourrir – de fertilisants d’origine chimique. C’est donc l’Humanité qui risque fort de sombrer dans ce qui menace d’être la pire famine de l’Histoire du monde. Est-il nécessaire de décrire les effets à court terme d’une telle malnutrition qui se déclineront en mouvements sociaux violents lesquels dégénèreront en émeutes et en morts ? Il faut renvoyer dos à dos ces économistes prétendant que l’implosion de l’économie russe n’aura qu’un impact provisoire sur nos existences sous prétexte que son PIB atteint à peine celui de la Hollande et de la Belgique réunies. Ces calculs et prévisions fallacieux ne tenant compte que de la taille d’une économie en valeur absolue rappellent ceux qui avaient sous-estimé les ravages de la chute de Lehman Brothers qui n’était en soi pas un établissement très important. Ces experts – de ce passé et de ce jour – négligent les effets dominos de la faillite de banques, et à plus forte raison de la chute de nations, dans un environnement de globalisation et d’interdépendance intenses.

Après une pandémie dont certains pays ne sont pas encore sortis et qui aura traumatisé notre génération, il est peut-être temps de nous rendre compte que la solution optimale au problème russo-ukrainien n’est pas de ce monde, qu’une guerre n’est jamais totalement gagnée, que l’émotion au niveau géopolitique est rarement bonne conseillère, qu’il est enfin temps de ramener tout ce monde à la raison.
______

(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d’Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l’auteur d’un nouvel ouvrage : « Le testament d’un économiste désabusé ».
Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Environnement : La décarbonation n’est pas une simple affaire de fiscalité

Environnement : La  décarbonation n’est pas une simple affaire de fiscalité

 

L’assureur Pascal Demurger, Directeur général de la MAIF, dans une tribune au « Monde », répond au Medef qui a invoqué la réduction des impôts de production comme solution pour décarboner l’économie. Estimant cette proposition insuffisante, il explique que c’est d’abord aux entreprises de s’engager pleinement et sincèrement dans cette transformation.

 

À juste titre l’auteur de la tribune considère qu’on ne peut réduire les solutions la décarbonation à une affaire fiscale. Pourtant la voie dans laquelle s’engouffrent  aussi économistes, écolos et utopistes. Les uns pour récupérer la thématique et l’insérer dans une logique de marché, les autres pour donner des raisons supplémentaires à leur lutte contre l’économie de marché. La martingale fiscale est une sorte de solution miracle en France ; une solution avec laquelle on pense soigner toutes les maladies économiques, écologiques et même sociétales quand il s’agit en fait d’engager des processus très complexes sur longue durée articulant des champs d’action à caractère systémique. L’écologie réduite seulement à une augmentation de taxe relève du slogan caricatural 

 

Tribune.

 

Décarboner notre pays ne passe pas par une simple politique économique conjoncturelle. C’est changer nos fondamentaux pour répondre à une urgence vitale et assurer notre pérennité.

Bien entendu, mener une telle transition a un coût colossal, même s’il est bien moindre que celui de l’inaction. Selon le think tank Institute for Climate Economics, il faudrait au moins, dès 2023, 13 à 15 milliards d’euros d’investissements publics et privés supplémentaires en France chaque année pour tenir les objectifs de l’accord de Paris.

Comment garantir ces nouveaux investissements pour le climat ? Pas en appliquant une simple baisse des impôts de production. Baisser ces impôts sans condition, c’est améliorer les marges, la compétitivité coût et la rentabilité. C’est utile au sein d’une économie ultra-concurrentielle, mais ça n’a pas de lien, voire pas d’impact, sur la transition que nous devons mener.

Réussir la décarbonation de notre économie impose de changer beaucoup plus profondément notre logiciel.

C’est d’abord aux entreprises elles-mêmes de s’engager pleinement et sincèrement dans cette transformation. C’est leur responsabilité et leur intérêt. Alors que nous fêtons les trois ans de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, votée en 2019), une solution leur tend les bras : le passage en société à mission. Quelle meilleure méthode pour garantir son engagement que de se fixer des objectifs environnementaux et sociaux ambitieux, publics et contrôlés chaque année ?

Devenir société à mission, c’est bien plus que s’accorder un supplément d’âme : c’est se donner une raison d’être autre que le seul profit sans lendemain, c’est se fixer un objectif pour assurer sa pérennité dans un monde en crise et se donner les moyens de l’atteindre. Déjà, le mouvement s’accélère : en mars 2022, le nombre des entreprises à mission avait doublé en un an. Elles concernent désormais plus de 500 000 salariés, avec une place croissante des grandes entreprises.

C’est ensuite à l’Etat d’amplifier cette dynamique en engageant une politique économique qui récompense la vertu écologique. Au-delà des investissements publics directs, la priorité de la puissance publique doit être de favoriser les entreprises aux stratégies de décarbonation ambitieuses, celles qui prennent des risques à court terme au service du long terme. A ce jour, rien n’est organisé de cette manière et une baisse aveugle des impôts ne changera pas la donne. Il faut en réalité activer tous les leviers verts à la main de l’Etat.

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