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La démolition de l’universalisme français

La démolition de l’universalisme français 

par Laurence Burgorgue-Larsen, Professeure à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Membre de l’Institut de Recherche en droit international et européen de la Sorbonne
(Une version synthétique de cet article a été publié in Questions internationales, QI n°105, Janvier-Février 2021).

 

L’Universalisme des droits de l’homme est abîmé, car il est âprement rejeté. Les temps sont loin où le consensus international à leur égard était à son firmament. En effet, au moment où le monde célébrait le 50ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1998), la guerre froide n’était plus le logiciel idéologique qui scandait les relations internationales, tandis que la Déclaration et le Programme de Vienne sur les droits de l’homme (1993) étaient à mettre à l’actif triomphant de l’Organisation des Nations Unies qui en faisait l’alpha et l’oméga de son engagement. La juridictionnalisation de la protection des droits de l’homme sur les trois continents n’était pas discutée et une nouvelle vague de constitutionnalisme octroyait une place de premier choix aux droits et à leur garantie, y compris ceux en provenance des instruments internationaux. La démocratie libérale apparaissait comme l’horizon indépassable de l’Histoire, au point que Francis Fukuyama en prédisait la « fin »[1]. Vingt ans plus tard, les métamorphoses du monde ont profondément entamé cette vision, sans doute trop idyllique, où le « projet » des droits de l’homme semblait largement accepté, et donc acquis une fois pour toutes. Une telle vision du monde apparaît, aujourd’hui, plus que jamais discutable. La crise est à son paroxysme.

Elle l’est, tout d’abord, dans le champ des idées. Le rang des intellectuels qui dénoncent les droits de l’homme comme une idéologie impérialiste comme les autres ne cesse d’enfler. Qu’il s’agisse d’auteurs issus du Global North ou du Global South, ils se rejoignent sur le même constat : l’âge d’or des droits de l’homme n’est plus. Le Crépuscule de l’Universel est annoncé par la Française Chantal Delsol, professeur émérite de philosophie et membre de l’Académie des Sciences morales et politiques[2]. Dans un essai très critique, elle dénonce les excès de l’Occident dans sa volonté d’imposer, coûte que coûte, sa vision au reste du Monde ; elle comprend, voire légitime, les rejets de certaines cultures occidentales et surtout des cultures non occidentales – comme les cultures asiatiques – à l’endroit de ce qu’elle nomme « les perversions de la liberté »[3] ; elle explique la mécanique du rejet d’un Universalisme vu comme indifférent aux particularismes culturels, notamment ceux qui attribuent aux groupes et à la religion, une place de choix. Ce qu’elle nomme les « cultures holistes » sont en guerre contre l’individualisme, à juste raison, écrit-elle. Leur « rapt d’identité » est tel que les ressentiments sont à leur firmament. Les excès dans l’inflation des droits individuels – vus comme une décadence insupportable – ne pouvaient qu’engendrer de furieux backlash où l’esprit de revanche se déploie.  A l’autre bout du globe, s’exprimant pourtant à partir d’une autre situation, le professeur de droit international américano-kenyan, Makau Mutua, dénonce avec constance dans ses travaux académiques, l’idéologie des droits de l’homme. Incarnation d’un projet libéral occidental décrié, elle serait devenue une ‘religion sectaire’[4]. Il dénonce l’hypocrisie de l’Universalisme qui ignore les autres approches culturelles qui se déploient en Chine, en Inde, au Moyen-Orient et en Afrique, et qui contestent fortement le corpus normatif de l’Universel. Ces deux auteurs dont les idées convergent, ne sont que la face émergée de courants intellectuels de plus en plus visibles et audibles dans de nombreux pays à travers le monde[5]. Ils pointent les béances entre le discours sur les droits de l’homme et la réalité. Ne sont-elles pas sans cesse traversées par les turpitudes des nations occidentales, trop promptes à se draper dans l’éthique universelle pour mieux promouvoir et défendre leurs intérêts nationaux ? Ne sont-elles pas inquiétées, alors qu’elles sont elles-mêmes à l’origine de graves violations des droits de l’homme ? L’invasion par les troupes américaines de l’Irak, la pratique de la torture dans les geôles d’Abu Ghraib, la zone de non-droit de la prison de Guantanamo, l’utilisation des drones qui tuent sans distinguer les combattants des civils, sont autant de réalités incarnant l’archétype de la duplicité de l’« Ouest ». L’impunité occidentale accompagnée de son discours moralisateur, poussent les autres cultures à s’affranchir d’un Universalisme vu comme profondément inique et impérialiste.

Ces questions, sans cesse débattues dans les cercles académiques, ont puissamment investi, aujourd’hui, le champ politique. Les évolutions fulgurantes des relations internationales ont été propices à ce profond changement de paradigme. Les attentats du 11 septembre 2001 annonçaient déjà le déclin de l’Universel, ou plutôt, le combat de certaines cultures afin d’imposer au Monde une autre vision des rapports humains et de la vie en société. Car, depuis lors, c’est de cela dont il s’agit : une inflexible rivalité entre deux visions du Monde. La religion musulmane fut instrumentalisée à des fins de conquête, tant des esprits que des territoires. Le terrorisme islamiste ne frappait plus uniquement les pays du Moyen-Orient, mais saisissait également les terres occidentales. Un affrontement idéologique à l’échelle planétaire prenait place. Le « choc des civilisations » de Samuel Huntington[6], prenait le pas sur la vision de la « fin de l’Histoire » de Francis Fukuyama. Dans le même temps, la centralité de l’Occident s’effritait. Des autocrates cultivant le mythe de « l’homme fort » et le culte de la personnalité, manipulant toutes les règles juridiques pour se maintenir au pouvoir, mirent en place diverses offensives afin de retrouver une puissance perdue, reconquérir une superbe d’antan. Les obsessions de Vladimir Poutine pour la puissance impériale russe ; de Recyep Erdogan pour l’empire Ottoman ; de Xi Jingping pour l’empire du Milieu, sont transformées en calculs et conquêtes géostratégiques ainsi qu’en politiques économiques agressives. Leur dessein est d’autant plus aisé à mettre en œuvre, que la traditionnelle superpuissance occidentale expérimente une déroute démocratique de premier ordre et renoue avec l’unilatéralisme. Les Etats-Unis de Donald Trump ont fait vaciller l’Ouest et son autorité passée. Ils ne sont plus les promoteurs du Human Rights’narrative qui allait toujours de pair avec la promotion de la démocratie : ad intra, ils promeuvent le slogan « Law and Order » lourd de sens historique ; criminalisent les migrants, y compris les mineurs isolés et font primer la santé économique sur la santé biologique ; ad extra, ils délaissent leurs alliés traditionnels (notamment les pays de l’Union européenne) et renforcent leurs liens avec des régimes pudiquement appelés « autoritaires », comme l’Arabie Saoudite de Mohamed Ben Salma (MBS) qui commandita, au vu et au su de la Communauté internationale, l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Si l’élection de Joe Biden est porteuse de plus d’équilibres et si son administration a déjà commencé à rectifier nombre des disruptions de l’administration républicaine, les dégâts engendrés par la politique de D. Trump seront durables. De nombreuses approches politiques disruptives, usant des mêmes ressorts populistes, permirent à d’autres personnalités d’orchestrer de très astucieux hold-up électoraux, promettant la fin de la corruption des élites gouvernantes, le rétablissement de l’ordre, de la sécurité et de la grandeurs passés, et l’établissement d’une gouvernance effective et socialement équitable. La démocratie et les droits de l’homme ne furent point à l’ordre du jour de leur campagne. Ainsi, des hommes (qui se révélèrent rapidement agir en autocrates) prirent la tête de pays aussi important que l’Inde (Narendi Modi), l’Indonésie (Joko Widodo) et les Philippines (Rodrigo Dutertre) pour l’Asie ; le Brésil pour l’Amérique latine (Jair Bolsonaro) ou encore le Rwanda (Paul Kagamé) pour l’Afrique.  Le droit n’est plus un instrument mis au service des check and balances et du respect des droits de l’homme ; il est instrumentalisé afin de renforcer la verticalité du pouvoir exécutif[7]. Le populisme fit des ravages partout dans de nombreux pays, développés ou pas, au point qu’historiens et politologues s’accordent sur l’existence indéniable d’un « populist turn »[8] souvent associé à l’implantation de ce que Fareed Zakaria, le premier, avait vu venir : l’illibéralisme[9]. Ce dernier se déploie tous azimuts, y compris à l’intérieur d’ensembles organisationnels dont on aurait pu penser qu’ils pouvaient agir tels des remparts infranchissables à de telles déflagrations. Ce fut l’inverse.  Les petits pays d’Europe centrale et orientale – ceux notamment du « Groupe de Visegrad – qui intégrèrent l’Union européenne et le Conseil de l’Europe dans la foulée de la désintégration communiste ; adoptèrent les règles du constitutionnalisme libéral, associées à celle du libéralisme économique ; acceptèrent d’être soumis au contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme, finirent par se rebeller. L’homo economicus, individualiste et détaché de toute attache religieuse, est assez vite apparu étranger à leur histoire. Trop de droits, pour trop d’individus, dans trop de contextes « décadents » et sécularisés, tueraient ce qui fait le sel des identités hongroises, polonaises, tchèques etc… Ces pays se jouèrent des alertes et des mises en garde de l’Union européenne ; cette dernière fut impuissante à rendre efficaces ses mécanismes consistant à préserver l’Etat de droit. Partant, au sein même de l’Union, un front de résistance conservateur et illibéral se constitua. Le ver était dans le fruit.

Le constat est sombre. De toutes parts, à l’extérieur de l’Occident comme en son sein, le libéralisme politique, ferment de l’universalisme des droits de l’homme, est puissamment contesté. Si les relations internationales constituent le théâtre le plus visible des affrontements idéologiques, celui de la production du droit, prima facie plus discret, l’est pourtant tout autant. Les ennemis de l’Occident forgent des discours de la contestation à travers la production de textes juridiques alternatifs à la Déclaration Universelle (I). C’est encore à travers le droit qu’ils tentent de démanteler les structures mises en place après 1945 afin de réussir à transformer les rapports de force en leur sein (II).

I. L’UNIVERSALISME CONTESTÉ. LES DISCOURS DE LA CONTESTATION

L’élaboration, l’adoption et la diffusion de la Déclaration de 1948 fait partie d’un « discours » sublimé sur l’universalité des droits : a narrative. Cette histoire – diffusée par les Nations Unies et les élites internationales sécularisées – a placé le langage des droits de l’homme au-dessus des autres histoires et langages. Ce langage devint rapidement insensible à l’existence d’autres matrices. Alors qu’il n’accordait que peu de place aux cultures – synonyme de traditions, d’us et coutumes arriérés, qu’il convenait de faire évoluer vers la modernité – des contre-discours prirent corps. A mesure que le Human Right’s narrative était sacralisé, il n’eut de cesse d’être contesté. L’opposition idéologique qui traverse le champ politique international contemporain peut se résumer par la confrontation entre les droits (individuels) contre les cultures (notamment religieuses). Cette summa divisio se manifeste hors l’Occident (A) comme en son sein (B). Elle structure de nos jours les relations internationales car le monde s’est décentré : l’Ouest n’est plus omnipotent. Le présent, et certainement encore plus le futur, appartiennent à des puissances non-occidentales.

A. La contestation hors l’Occident

Les Etats et/ou groupes d’Etats représentant d’autres sensibilités, d’autres histoires, d’autres cultures que celles en provenance de l’Ouest, utilisèrent – tel un miroir au texte de 1948 – la technique juridique de la Déclaration afin d’affirmer et promouvoir « leurs » valeurs non-occidentales. La spécificité culturelle était brandie au nez de l’Occident comme un étendard politique contestataire, désirant en finir avec ce qui fut longtemps, également, un « complexe du colonisé ». Ils jouèrent le mimétisme technique afin de forger et diffuser des contre-discours. Aux langages des droits, ils opposèrent le langage des cultures ; à l’histoire de l’Universalisme, ils convoquèrent celle des Particularismes ; à l’approche centrée sur l’humain, ils décentrèrent le débat vers l’identité.

L’Asie fut à la pointe, dans les années 1990, de l’asiatisme, ou plus prosaïquement de la défense des « valeurs asiatiques ». Bien qu’il y eut une part non négligeable d’éléments conjoncturels qui poussèrent Lee Kuan Yew – Premier ministre pendant 30 ans (1959-1990) du micro-Etat singapourien situé à la pointe méridionale de la Malaisie – dans le lancement (agressif) d’une campagne idéologique contre l’universalisme occidental, il ne faut pas négliger ce que cette critique laissait transparaître. Tout d’abord, une revanche des anciens colonisés qui pouvaient, enfin, s’opposer frontalement aux anciens colonisateurs occidentaux[10] ; ensuite, une manière de légitimer une politique ultra-répressive qui se retrouva sous les feux des projecteurs internationaux. En tout état de cause, la rhétorique des « valeurs asiatiques » repose sur trois prémisses. Tout d’abord, les droits de l’homme et la démocratie ne sont pas universels mais sont uniquement l’apanage d’une construction des sociétés occidentales, qui n’a pas à être « imposée » à l’Asie. Ensuite, les sociétés asiatiques placent les valeurs communautaires, et la déférence à l’égard de l’autorité, au-dessus de l’individualisme et de la liberté de pensée et d’action. Enfin, l’Etat et la société sont des composantes d’une seule unité holistique ; partant, une attaque contre l’Etat constitue une attaque contre la société toute entière. Les implications d’une telle philosophie politique sont simples : les droits de l’homme et la démocratie sont des obstacles à la stabilité collective et au développement national qui supposent, à l’inverse, des leadership autoritaires[11]. Si ce débat disparut quelque peu de la scène idéologique asiatique avec les succès politiques et économiques de Taïwan et de Corée du Sud notamment, il réapparut à la faveur de l’irruption de nouveaux leaders populistes comme Rodrigo Dutertre et Joko Widodo.

Cette convocation de la religion contre un Occident universaliste sécularisé où la foi est déposée dans la dignité de l’être humain et non dans ses croyances, est symptomatique de la fracture qui parcourt les autres cultures non-occidentales. L’exemple du monde arabo-musulman est topique en la matière. L’Arabie saoudite qui œuvre de façon puissante au sein de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) a participé à faire adopter au Caire, le 5 août 1990, la Déclaration sur les droits de l’homme en Islam[12]. Ni son Préambule, ni ses 16 articles ne font référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme ; en revanche, la Ummah islamique y est centrale[13]. Les droits fondamentaux et les libertés publiques sont considérés comme faisant « partie intégrante de la Foi islamique » et, ce faisant, il est interdit de soumettre l’homme « à une quelconque pression ou de profiter de sa pauvreté ou de son ignorance pour le convertir à une autre religion ou à l’athéisme » (article 10), ni de contrevenir aux « principes de la Sharia » (article 22), laquelle constitue la « seule source de référence pour interpréter ou clarifier tout article de cette Déclaration » (article 25). Le relativisme culturel, fossoyeur de l’universalisme, fut également la tactique de l’Eglise orthodoxe russe. En 2006, sous la présidence du patriarche Alexis II, le Xème Concile mondial du peuple russe[14] – sous la houlette du métropolite Kirill, chef du département des relations extérieures de l’Eglise orthodoxe –adoptait une Déclaration des droits et de la dignité de l’homme, véritable alternative à la Déclaration universelle de 1948. Elle s’oppose explicitement aux excès de l’individualisme et considère qu’il est impossible de détacher les droits de l’homme de la morale[15].

B. La contestation au sein de l’Occident

Les valeurs charriées par le monde occidental sont doublement mises en cause de l’intérieur par deux types de populations qui sont reliées entre elles par un point commun : l’importance de leurs croyances religieuses. Là s’arrêtent toutefois les analogies car les uns (les Musulmans) sont des ressortissants de pays occidentaux qui, à titre individuel, entendent vivre selon leurs us et coutumes ; les autres (les Chrétiens) voient leur identité être utilisée, pour ne pas dire instrumentalisée, par des gouvernements illibéraux qui sont entrés en dissidence contre l’Occident en démantelant, un à un, les éléments des régimes démocratiques libéraux.

De nombreuses populations de confession musulmane sont nées et vivent sur le sol de moult pays occidentaux, conséquences complexes de l’augmentation des flux migratoires découlant de la colonisation, accentuée par la globalisation et la perpétration de conflits en tous genres. Très souvent en mal d’intégration, ces populations ont tendance à se replier sur leurs cultures d’origine. Se sentant, à tort ou à raison, rejetées ; sensibilisées aux discours religieux conservateurs alimentées par des réseaux puissants où les contre-discours lancés contre l’Universalisme font florès, ces populations revendiquent de façon visible leur appartenance religieuse. Dans le cadre de constructions individuelles et collectives complexes, ces manifestations sont, tout à la fois, l’exercice paisible d’une religion par l’affirmation d’une autonomie personnelle, mais également une revanche politique (comme descendants d’anciens peuples colonisés) alliée, très souvent, à une revendication identitaire. Cette irruption de la religiosité dans des sociétés occidentales largement sécularisées, engendre des tensions, des incompréhensions, voire même des contestations judiciaires. L’affaire S.A.S portée devant la Cour européenne des droits de l’homme en fut une manifestation criante[16]. Elle mit dos à dos, la construction d’une société occidentale – la société française in casu qui entendait coûte que coûte maintenir un de ses principes fondateurs qu’est l’universalisme républicain[17] – et l’expression publique et radicale de la foi religieuse d’une citoyenne française, de confession musulmane, qui désirait porter la burqa en tous lieux. Le choc des cultures fut flagrant. Il fut symptomatique de l’anxiété de multiples sociétés occidentales devant la montée en puissance de revendications multiculturelles déstabilisantes[18]. Alors que l’Occident sécularisé les avait longtemps ignorées – qui n’a pas en tête un des couplets de la très populaire chanson de John Lennon, Imagine, où il conçoit un monde paisible, sans pays et… sans religions[19] – il est désormais saisi par une angoisse existentielle profonde : celle d’une perte de sa propre identité par la mise à l’écart des valeurs universelles qui l’ont façonné[20]. Cette anxiété devant la montée en puissance du multiculturalisme se trouve décuplée du fait de la mutation du paysage international où l’ «Ouest» n’est plus leader, dépassé par de nouvelles puissances qui entendent bien anéantir l’arrogance occidentale.

Dans le même temps, mais dans un contexte politique différent, des pays Est-européens sont rentrés en opposition avec ces mêmes valeurs occidentales. Dans ce qui constitue une attaque en règle du libéralisme politique, la séparation des pouvoirs est démantelée et certaines interprétations des droits de l’homme (jugées décadentes) sont vivement contestées.  L’exemple hongrois le démontre à l’envi. Alors que l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2011 ne passa pas inaperçue[21] – suscitant l’émoi de la Commission de Venise[22], tant au regard de son contenu que de ses modalités d’approbation, écartant du processus constituant l’opposition et les membres de la société civile, elle fut néanmoins promue aisément.

Ce qui permit au parti de Viktor Orbán de remporter aisément les élections en 2010 et d’être en position de force pour enclencher, dans la foulée, la mécanique réformatrice, législative et constitutionnelle fut notamment le degré d’insatisfaction d’une grande partie de la population tant à l‘endroit du gouvernement en place à cette époque, qu’à l’égard du processus de transition lui- même. Il fut alors aisé au Fidesz d’instrumentaliser ce sentiment en clamant que, de transition démocratique réelle, il ne fut pas question au début des années 1990. Le temps était donc venu pour une « véritable » révolution, que le Fidesz allait mettre en œuvre. Il est crucial ici de relever un élément commun à d’autres scénarios populistes : la rapidité avec laquelle une fois au pouvoir, le gouvernement agit pour démanteler ce qui constitue l’essence même de l’Etat de droit : la séparation des pouvoirs avec, normalement à la clé, l’indépendance des tribunaux. En effet, avant même que la Constitution n’entre en vigueur le 1er janvier 2012, le Parlement hongrois avait préparé et adopté une série de textes législatifs modifiant en profondeur le fonctionnement démocratique du pays. Elles concernaient la liberté de la presse, le droit pénal, le droit de la famille et de la nationalité, le droit des élections, le statut des Eglises, et last but not least, le fonctionnement de la Cour constitutionnelle. La « déconsolidation » ne s’arrêta pas là : dans les derniers jours de l’année 2011, le Parlement adoptait une « Disposition transitoire à la Loi Fondamentale » avec rang constitutionnel dont le but fut de suppléer littéralement la nouvelle Constitution qui n’était pas encore entrée en vigueur. A partir de là, le pouvoir incarné dans la personne de Viktor Orbán n’a eu de cesse de détricoter les acquis démocratiques de la séparation des pouvoirs et de s’opposer à l’Union européenne, incarnant un Establishment corrompu loin des préoccupations du « Peuple » hongrois unifié sur la base d’un discours jouant sur les affects identitaires. A partir de cette réforme constitutionnelle, la rhétorique populiste continua à sévir afin de permettre le renouvellement du maintien au pouvoir du Fidesz et de son leader : les fake news devinrent « la narration officielle », après le musèlement de la presse libre[23]. Une telle politique fut clairement revendiquée et affichée ; elle fut brandie – et continue plus que jamais de l’être – comme un étendard de l’identité nationale hongroise. Le discours de Viktor Orbán du 26 juillet 2014 en est l’emblème[24]. Il affirme que le « nouvel Etat que nous sommes en train de construire en Hongrie est un Etat illibéral, un Etat non libéral » qui ne « rejettera pas les principes fondamentaux du libéralisme comme la liberté », mais qui en revanche, «ne fera pas de cette idéologie l’élément central de l’organisation de l’Etat », qui « inclut une approche différente, spéciale, nationale. » Et de poursuivre : « il est impossible de construire un nouvel Etat basé sur des fonctions illibérales et nationales au sein de l’Union européenne[25].» En transformant une expression au point d’en faire la marque de fabrique du constitutionnalisme populiste, il instrumentalisait, ni plus ni moins, ce que le politologue américain, Fareed Zacharia, dès 1997, avait décrit dans un article publié dans la revue Foreign affairs.

Que dire du cas Polonais[26], sinon que le démantèlement démocratique se fit sans que la Constitution du 2 avril 1997 n’ait été touchée ? Grandement inspiré par l’approche hongroise du Fidesz[27], le parti « Droit et Justice » (PiS), arrivé au pouvoir en 2015, déploya un éventail de mesures législatives qui se chargea de mener une attaque en règle, très rapide, de tout ce qui pouvait entraver l’action des autorités nouvellement élues. En l’espace de deux ans à peine, pas moins de treize lois ayant affecté de façon profonde toute l’architecture du système judiciaire, ont été adoptées. Autrement dit, le démantèlement au-delà de sa célérité a été systémique comme le souligne avec justesse Wojciech Sadurski[28]. Ainsi, les éléments clés du fonctionnement et des pouvoirs de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême, des juridictions ordinaires, du Conseil national de la Magistrature, des services du Procureur et de l’Ecole nationale de la Magistrature ont été profondément modifiés[29]. Le point commun de ces réformes législatives est le pouvoir octroyé à l’Exécutif, comme au Législatif (qui est également entre les mains du PiS et plus précisément d’un seul homme, Kacyńsky), d’intervenir de façon significative dans la composition, les pouvoirs, l’administration et le fonctionnement de ces diverses institutions, sans que la Cour constitutionnelle puisse intervenir. Le professeur Wojciech Sadurski – qui a analysé de façon particulièrement fouillée la situation polonaise – considère qu’elle met en scène un « anti-constitutional populist backsliding » (une régression populiste anticonstitutionnelle), expression qu’il estime la plus adéquate pour décrire de la situation de son pays. Il met parfaitement en évidence que l’adoption de nombreuses lois eut clairement pour objectif de contourner de précises dispositions constitutionnelles, tant dans le domaine de la justice (constitutionnelle et ordinaire), que dans le champ du pluralisme des médias notamment. Il laisse à voir que la centralisation du pouvoir est telle que le siège du PiS en est même devenu l’emblème[30]. Dans un tel contexte, Adam Bodnar – Ombudsman polonais qui représente encore une des rares institutions indépendantes en Pologne –  pose parfaitement les termes de la problématique : «Poland is currently facing new challenges – how to protect human rights in a country where constitutional review is subject of political manipulation and where the Constitution of 2 April 1997 was de facto changed via legislative mean, while the original text of the Constitution remain intact[31] ? »

Ces deux pays européens au sens géographique et institutionnel du terme – ils sont en effet situés au cœur de l’Europe et sont membres de l’Union européenne – bien qu’ils soient traversés par plusieurs différences, n’en sont pas moins animés par une obsession commune : celle de ne pas perdre leur « identité » de pays chrétiens blancs[32]. Cette « guerre culturelle » comme la nomme Jacques Rupnik, est un élément majeur de ce repli nationaliste populiste. Elle n’est pas déclenchée uniquement en Pologne et en Hongrie, mais se manifeste également au-delà des frontières de l’Union européenne. On la retrouve dans les discours de Vladimir Poutine qui fustige la décadence et la permissivité de l’Europe (qui fait fi des valeurs traditionnelles, notamment en matière de mariage et d’orientation sexuelle) ou encore Donald Trump lequel, en voyage officiel à Varsovie, encouragea la Pologne à être un rempart de la civilisation occidentale pour « la famille, la liberté, le pays et pour Dieu »[33].

Dans ce contexte, les atteintes à l’égard des acquis démocratiques et le combat contre les interprétations libérales des droits de l’homme, deviennent systémiques. Le contentieux devant la Cour européenne des droits de l’homme le démontre avec éclat : c’est tantôt la destitution discrétionnaire des juges qui est en cause[34] ; tantôt les atteintes au pluralisme de l’expression (notamment des partis d’opposition)[35] et des dissidents[36] ; tantôt le traitement des étrangers[37]. Si on resserre l’analyse plus spécifiquement sur le contentieux russe devant la Cour de Strasbourg, on découvre, en lisant les allégations en défense avancées par le gouvernement, à quel point l’Etat défend une vision « traditionnelle » des rapports entre les hommes et les femmes[38] ; une vision où les homosexuels n’ont pas droit de cité[39] et où la liberté d’expression doit s’arrêter à la porte des Eglises[40], autant d’éléments qui renouent avec les fondements de la Déclaration adoptée en 2006 par l’Eglise orthodoxe russe.

II. L’UNIVERSALISME DÉMANTELÉ. LES STRATÉGIES DU DÉMANTÈLEMENT

Les stratégies de démantèlement de l’Universalisme passent par deux types d’approches complémentaires : l’instrumentalisation et le contournement/exclusion.

Instrumentaliser les outils du multilatéralisme est désormais une politique juridique éprouvée déployée au sein des organisations universelles et régionales par des Etats qui entendent promouvoir leurs valeurs alternatives. En un mot, les fora et les règles du multilatéralisme sont habilement maîtrisés et utilisés pour mieux détruire, de l’intérieur, les valeurs libérales qui les fondent depuis 1945 (A). En parallèle, des stratégies exogènes sont activées pour, purement et simplement, s’exclure des règles du jeu collectif afin de ne plus être contraints par ce qui apparaît, aux yeux des régimes populistes et autoritaires, comme une doxa devenue insupportable (B).

A. Le multilatéralisme instrumentalisé

L’instrumentalisation du multilatéralisme se manifeste à travers deux stratégies qui manient toutes les deux, mais de façon différente, les règles classiques du droit international. Il s’agit tout d’abord d’arriver à modifier les rapports de force au sein des grandes organisations internationales existantes ; il s’agit, ensuite, d’utiliser les fora judiciaires ou quasi-judiciaires – notamment ceux des organes de protection des droits de l’homme – pour faire valoir une autre interprétation des droits et libertés.

Obtenir un changement de rapports de force au sein des organisations et institutions de la famille des Nations Unies, au sein de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe, de l’Union africaine, de l’ASEAN etc…a pour dessein, in fine, de faire valoir et, si possible, de faire triompher une nouvelle doxa : un nouveau discours alternatif à l’Universalisme. Tantôt les particularismes culturels et religieux vont en constituer l’Alpha et l’Oméga ; tantôt le rejet de l’impérialisme (universel) en sera la matrice ; tantôt une identité historique et politique sublimée sera brandie en étendard d’un nouveau rapport au droit international, qui trop longtemps incarna un ordre post-45 désormais décrié et désavoué. Quelles que soient les justifications avancées, le dessein est identique : il est question de marginaliser l’universalisme des droits de l’homme et la démocratie libérale. Pendant de nombreuses années, l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) a déployé une offensive sans précédent au sein des instances onusiennes dans un dessein très précis : arriver à imposer la sanction de la « diffamation » de l’Islam. Cette démarche témoigna d’une volonté de sanctifier les religions en général et l’Islam en particulier, dans le prolongement de la fatwa lancée contre Salman Rushdie suite à la publication des Versets sataniques en 1989 ; en un mot, mettre hors d’atteinte les religions de toute critique, au mépris de la liberté d’expression[41]. A cette sanctuarisation de la religion, s’ajouta le maintien et la défense de préceptes religieux dans le monde de la Cité : la Chari’a – en vigueur dans de nombreux pays musulmans – heurtant nombre de valeurs universelles. La tentative échoua, mais elle fut caractéristique d’une utilisation offensive et stratégique des fora du multilatéralisme pour mieux en détruire les principes constitutifs[42].

Si on se tourne vers l’Asie, il est topique de constater qu’en 2017, Rodrigo Dutertre, alors Président de l’ASEAN, décida expressément de promouvoir un agenda régional mettant l’accent sur la nécessité d’adopter des mesures draconiennes contre le crime ; de marginaliser les discussions sur les droits de l’homme et la démocratie ; de sanctifier la souveraineté et le principe de non-ingérence dans les affaires des Etats du Sud-Ouest asiatique et de promouvoir, last but not least, l’intégration régionale dans un « ASEAN way that will guide us »[43]. Cette démarche fut analysée de façon technique par le constitutionnaliste et internationaliste américain Tom Ginsburg qui, détaillait avec moult détails, dans un article à l’American Journal of International Law les stratégies des pays du continent asiatique consistant à créer de nouvelles normes afin de faire prévaloir leur point de vue « autoritaire » au sein des organisations régionales sises en Asie[44]. Et si le droit international devenait globalement « autoritaire » dans quelques années, au fur et à mesure de l’affaiblissement de l’Occident et de la montée en puissance des Etats autoritaires et illibéraux ?

L’autre technique d’instrumentalisation du droit international et des mécanismes du multilatéralisme se situe au niveau des organes de protection des droits de l’homme. Il s’agit de jouer sur la multiplicité des fora de protection et/ou de tenter, coûte que coûte, grâce au mécanisme de tierce intervention[45], de modifier le cours de la jurisprudence sur l’interprétation des droits. Si les activistes musulmans échouèrent devant la Cour européenne à obtenir la mise en jeu de la responsabilité internationale de la France du fait de l’interdiction de la burqa dans l’espace public[46], ils réussirent à l’obtenir devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies[47]. Ce faisant, la stratégie consistant à user habilement du forum shopping porta ses fruits et jeta le trouble sur la cohérence des valeurs à l’échelle internationale. A l’opposé du spectre religieux, les chrétiens s’organisèrent également afin de faire valoir une autre interprétation des droits, plus en conformité avec leurs fois religieuses. La « guerre des culture » (war cultures) naissait aux Etats-Unis dans les années 1990 à travers la création de puissantes ONG conservatrices[48], qui s’implantèrent en Europe pour certaines d’entre elles. Les questions dites « sociétales » – où la famille, le mariage, la religion, la vie et la mort sont en jeux – polarisent les sociétés, brouillent la qualité des débats nationaux et structurent des alliances stratégiques. Il s’agit alors de combattre, d’une manière ou d’une autre (la fin justifiant les moyens), les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui ne correspondent pas aux visions du monde que les associations et/ou ONG conservatrices entendent promouvoir. L’European Center for Law and Justice (ECLJ) fait partie de ces ONG laquelle, fort de son statut consultatif spécial obtenu auprès des Nations Unies depuis 2007 ; de son excellente stratégie communicationnelle qui lui permet d’avoir des entrées sur les sites internes des grands quotidiens nationaux, orchestre une critique « politique » des arrêts de la Cour, sous couvert d’une expertise juridique devant tendre, par définition, à la neutralité axiologique. Créée entre autres par Jay Alan Sekulow – avocat américain converti au christianisme et considéré comme l’un des 25 Evangélistes les plus influents aux Etats-Unis – l’ECLJ constitue le prolongement en Europe de l’American Center for Law and Justice (ACLJ) qui s’est créé pour être un contrepoids à l’Union américaine pour les libertés civiles (American Civil Liberties Union, ACLU). L’ONG européenne dont le siège est à Strasbourg, entend promouvoir la liberté religieuse, la famille et la vie (comprenez la vie des enfants à naître). Articles de presses, séminaires, aide juridique gratuite, tierces interventions devant la Cour (article 36 §4 de la Convention), font partie de son quotidien. La « spécialisation » sur les affaires religieuses de l’ECJL – en étant une association créée par un avocat chrétien évangéliste – permet de discerner le fil rouge qui étreint ses approches stratégiques, tout à la fois contentieuses et médiatiques[49]. Sa stratégie offensive ne se contente pas de jouer avec les ressorts techniques de la procédure devant la Cour ; elle consiste également à délégitimer les juges en personne. La campagne contre les juges de la Cour européenne lancée par l’ECLJ, commença par la publication d’un rapport qui présentait prima facie la forme d’une recherche[50], qui dévoila de drôles de conclusions (il fut reproché, notamment, à la Cour d’admettre trop d’ONG dites « libérales » au titre de la tierce intervention, alors que l’ECLJ est passé maître dans la mobilisation de ladite procédure), et termina par une campagne de presse – jouant avec les ressorts du story telling – orchestrée de concert avec l’hebdomadaire Valeurs actuelles et le directeur de l’ONG (G. Puppinck).  Des articles au vitriol furent et continuent d’être régulièrement distillés au sujet de « l’infiltration » de la Cour par les « amis » de Georges Soros. Les méthodes utilisées par Viktor Orban en Hongrie – consistant à diaboliser le philanthrope américain au point, notamment, de faire adopter une loi sur la transparence pour interdire le financement des ONG libérales[51], se dissémine en France[52]… Au cœur de l’Occident, ses valeurs libérales sont discutées, contestées jusque devant le prétoire des juges.7

B. Le multilatéralisme contourné

Le contournement du multilatéralisme passe par une stratégie de sortie : elle est le signe du déploiement d’une politique juridique extérieure marquée par une radicalité affichée et revendiquée. Dénoncer l’appartenance à des organisations internationales, à des traités multilatéraux ou encore à des systèmes juridictionnels de garantie des droits de l’homme – autant d’approches permises par les règles du droit international public – devient une politique en soi, le curseur d’un nouveau rapport au monde.

Dénoncer des traités internationaux est devenue une constante de la politique juridique extérieure de nombreux Etats. C’est évidemment l’approche états-unienne qui a frappé les esprits, tant sa mise en œuvre fut massive et rapide. America First fut le soubassement idéologique d’une cette politique radicale de rupture. Le divorce était consommé avec le multilatéralisme très vite après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Le 23 janvier 2017, les Etats-Unis annonçaient avec fracas leur retrait du Traité de libre-échange transpacifique (TPP) ; ils poursuivaient, le 1er juin 2017, en se retirant de l’Accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique, tandis qu’ils récidivaient, quelques mois plus tard, le 12 octobre 2017, avec le retrait de l’Unesco. Le désengagement continua en 2018 avec le retrait du Conseil des droits de l’homme[53] et de l’accord sur le nucléaire iranien. Les arguments avancés étaient de deux sortes : tantôt de tels traités étaient néfastes pour les Américains, tantôt les institutions dont les Etats-Unis se retiraient avaient développé un parti-pris « anti-israélien ».

Cette stratégie de « sortie » n’est pas le seul fait du « géant » nord-américain. A l’autre bout du spectre politique, le Venezuela d’Hugo Chávez puis de Nicolás Maduro, après avoir déployé des attaques en règle contre les organes interaméricains de protection des droits de l’homme (qui seraient sous l’emprise impérialiste des Etats-Unis), finit par dénoncer, tant la juridiction de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (2012), que son appartenance à l’organisation panaméricaine, i.e., l’Organisation des Etats américains (2017). Cette mise à l’écart délibéré des mécanismes de contrôle existant sur le continent, est particulièrement préoccupante. En témoigne les conclusions de la Mission indépendante d’établissement des faits du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui mit en lumière la commission de graves violations dans le pays[54] et, quand, dans la foulée, 23 anciens chefs d’Etat et de gouvernement latino-américains et espagnols, au moyen d’une déclaration adoptée le 23 septembre 2020[55], en appelèrent solennellement à la Cour pénale internationale afin qu’elle assume ses responsabilités devant les exactions commises… En Afrique, le dogme de la non-ingérence dans les affaires intérieures, fut l’argument politique avancé par les gouvernements de Paul Kagamé (Rwanda), John Magufuli (Tanzanie), Patrice Talon (Bénin) et Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), quand ils décidèrent de retirer leur déclaration d’acceptation de juridiction de la Cour africaine, respectivement en 2013, 2019 et 2020. Le Rwanda n’accepta point que des opposants politiques firent valoir leur droit devant la Cour d’Arsuha ; la Tanzanie estima insupportable de voir son système judiciaire défaillant passé au crible des standards exigeants de la Cour, tandis que le Bénin et la Côte d’Ivoire s’insurgèrent contre des arrêts, ainsi que des ordonnances de mesures provisoires, qui mettaient à jour les manœuvres politiciennes des autorités de ces Etats afin d’écarter de la scène politiques leurs rivaux[56]

***

Les forces politiques qui ont décidé de rejeter l’esprit de la Déclaration universelle sont, de nos jours, puissantes. Les critiques ne sont plus uniquement le fait de quelques cercles intellectuels, mais ont envahi la sphère politique. Les rapports de force à l’échelle internationale ayant profondément changé ; l’Occident étant singulièrement marginalisé, les valeurs alternatives – longtemps vues comme des épiphénomènes – sont en train peu à peu de s’imposer. Les contre discours « anti-droits » grandissent, finissent par s’imposer et modifier en profondeur les rapports entre les individus au sein de nombreuses sociétés, occidentales et non-occidentales, mais également au sein de nombreuses organisations internationales qui incarnaient, jusqu’à présent, le triomphe des « valeurs libérales ».

Cela ne veut pas dire que les défenseurs de l’ « esprit de 1948 » aient disparu, bien évidemment. Ils existent sur tous les continents (intellectuels, activistes, simples citoyens). Cela ne veut pas dire que les organisations multilatérales aient cessé de défendre les valeurs sur lesquelles reposent leurs actions [57]. Toutefois, les années à venir vont être marquées par une crispation croissante. La bipolarisation, nouveau marqueur des relations disloquées entre les citoyens d’un même pays, va continuer de s’étendre à l’échelle internationale : la guerre des valeurs n’est pas prête de s’éteindre. Si l’Universalisme des droits a déjà été traversé par diverses crises, celle-là est sans doute une des plus préoccupantes. Le combat sera long et difficile afin de préserver les acquis de 1948.


[1] F. Fukuyama, La Fin de l’Histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 1992. Une nouvelle édition a été publiée en 2018 avec une présentation d’H. Védrine (656 p.). Il est intéressant de noter que la revue Commentaire publiait, dès 1989, une traduction en français d’une conférence que l’auteur américain avait donné au Olin Center de Chicago, et qui s’intitulait « La fin de l’Histoire ? », Commentaire, 1989/3, pp. 457-469.

[2] C. Delsol, Le crépuscule de l’Universel. L’Occident postmoderne et ses adversaires, un conflit mondial des paradigmes, Paris, Les éditions du Cerf, 2020, 377 p.

[3] Ibid., p. 67 : « Voués à la comparaison avec l’Occident sûr de lui et prosélyte, les Asiatiques revendiquent d’abord le droit à la différence, affirmant qu’il n’existe pas un modèle unique et mondial de société. Ils rejettent l’universalisation occidentale, non seulement par la relativisation, mais par la critique du modèle dominant : les perversions de la liberté. »

[4] Sa critique est acerbe : « Western human rights scholars and advocates – and their acolytes in the Global South – have been akin to a choir in church. Advocacy and defense of human rights are done with a religious zeal. The reason is that human rights have become the moral argument for the liberal project », M. W. Mutua, « Is the Age of Human Rights Over ?», S.A. McClennen, A. Schultheis Moore (ed.), Routledge Companion  Literature and Human Rights, p. 450.

[5] La critique des droits de l’homme a bien évidemment toujours existé – comme le démontre l’essai éclairant de J. Lacroix et JP Pranchère, Le procès des droits de l’homme, Paris, Seuil, 2016, 339 p. ou encore l’opus classique de M. Villey, Le droit et les droits de l’homme, Paris, PUF, 1983, 169 p. – toutefois elle dépasse aujourd’hui de très loin le cercle des intellectuels.

[6] S. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 2000, 545 p. La version originale fut publiée en anglais en 1993.

[7] Cette tendance de fond est étudiée avec brio par M. Versteeg, T. Horley, A. Menge, M. Guim, M. Guirguis, « The Law and Politics of Presidential Term Limit Evasion », Columbia Law Review, 2020, pp. 173-248.

[8] P. Rosanvallon, « Penser le populisme », La vie des idées.fr., Extrait de la leçon inaugurale prononcée lors de la 26ème Rencontres de Pétrarque 2011, organisée autour du thème : le peuple a-t-il un avenir ? ; P. Ory, Peuple souverain. De la révolution populaire à la radicalité populiste, Paris, Gallimard, 2017, 252 p. ; J-W, Müller, Qu’est-ce que le populisme ? Définir enfin la menace, Paris, Gallimard, 2017, p. 30. (Coll. Essai Folio). (Titre original Was Ist Populismus ? Ein Essay, 2016).

[9] F. Zacharia, « The rise of Illiberal Democracy », Foreign Affairs 76, November-December 1997, pp. 22-45. Il approfondissait ses réflexions dans son ouvrage traduit en français et publié chez Odile Jacob, L’avenir de la liberté. La démocratie illibérale aux Etats-Unis et dans le monde, Paris, Odile Jacob, 2003, 339 p.

[10] J-L. Margolin, « Le confucianisme et son double : anatomie du débat singapourien sur les valeurs asiatiques », Mots. Les langages du politique, 2001, pp. 51-70.

[11] F. Zakaria, « A Conversation with Lee Kuan Yew », Foreign Affairs, March/April 1994.

[12] Résolution 49/19-P, https://www.oic-iphrc.org/fr/data/docs/legal_instruments/OIC_HRRIT/942045.pdf

[13] Le premier paragraphe du préambule se lit ainsi : « Réaffirmant le rôle civilisateur et historique de la Ummah islamique, dont Dieu a fait la meilleure Communauté; qui a légué à l’humanité une civilisation universelle et équilibrée, conciliant la vie ici-bas et l’Au-delà, la science et la foi; une communauté dont on attend aujourd’hui qu’elle éclaire la voie de l’humanité, tiraillée entre tant de courants de pensées et d’idéologies antagonistes, et apporte des solutions aux problèmes chroniques de la civilisation matérialiste; »

[14] Il s’agit d’une assemblée d’ecclésiastiques, de fidèles et de représentants de l’Etat.

[15] A. Krassikov, « La menace d’une idéologie ‘russe-orthodoxe’ », Etudes, 2005, pp. 321-328.

[16] Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 1er juillet 2014, SAS c. France.

[17] En légiférant ce faisant pour bannir de l’espace public tout insigne « dissimulant le visage », voy. la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010.

[18] En effet, de plus en plus de sociétés occidentales affrontent avec difficulté – pour ne pas dire anxiété – les implications du multiculturalisme, décidant de proscrire de l’espace public toute manifestation religieuse vestimentaire jugée ‘excessive’, car en totale contradiction avec leurs « valeurs ». Sur les réponses du droit international à l’augmentation des demandes de reconnaissances culturelles diverses, voy. A. Xanthaki, « Multiculturalism and International Law : Discussing Universal Standards », Human Rights Quaterly, 2010, Vol.32, pp. 21-48.

[19] Imagine, 1971. Il s’agit du deuxième couplet : « Imagine there’s no countries, It isn’t hard to do, Nothing to kill or die for, No religion too, Imagine all the people living life in peace… ». Comme le souligne Heiner Bielefeldt – ancien Rapporteur spécial des Nations-Unies pour la liberté de religion et de croyance – une telle vision du monde est très répandue dans de nombreuses sociétés occidentales, voy. H. Bielefeldt, “Misperceptions of Freedom of Religion or Belief”, Human Rights Quaterly, Vol. 35, n°1, February 2013, pp. 33-68, spec. p. 49.

[20] La littérature anglo-saxonne est, à cet égard, d’un utile secours pour décrypter ces peurs identitaires, voy. J. R. Bowen, Blaming Islam, The Mit Press, 2012, 121 p. ; M. Nussbaum, The New Religious Intolerance. Overcoming the Politics of Fear in an Anxious Age, Cambridge, Harvard University Press, 2012, 304 p.

[21] A. Badó, P. Mezei, « Comparativism and the New Hungarian Fundamental Law-Taking Raz Seriously », International and Comparative Law Review, 2017, Vol. 17 n°1, pp. 109-127.

[22] La nouvelle Constitution hongroise, adoptée le 18 avril 2011 par l’Assemblée nationale et signée par le Président de la République le 25 avril 2011, est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Cette nouvelle constitution a donné lieu à de vifs échanges de vues sur le plan national et international (voir les avis CDL (2011) 016 et CDL (2011) 001 de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (la Commission de Venise), la résolution n° 12490 déposée le 25 janvier à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, les déclarations du Conseil et de la Commission ainsi que la résolution du Parlement européen du 5 juillet 2011. On renvoie ici à l’Editorial comment de L. Azoulai, « Hungary’s new constitutional order and « European Unity », Common Market Law Review, 2012, 49, pp.871-883.

[23] Voir l’entretien avec Peter Kreko, Directeur du Think Tank atlantiste et libéral, Political Capital dans Le Monde du 9 avril 2018.

[24] Discours du Premier ministre Victor Orbán à l’occasion du 25ème anniversaire de l’Université libre d’Etat. Reproduite sur le site officiel du gouvernement hongrois, http:// www.kormany.hu/en/the-prime-minister/the-prime-minister-s-speeches/prime-minister-viktor-orban-s-speech-at-the-25th-balvanyos-summer-free-university-and-student-camp. Il se trouve traduit en anglais sur le site « Budapest Beacon ».

[25] Les extraits en anglais se lisent ainsi : « Meaning, that Hungarian nation is not a simple sum of individuals, but a community that needs to be organized, strengthened and developed, and in this sense, the new state that we are building is an illiberal state, a non-liberal state. It does not deny foundational values of liberalism, as freedom, etc.. But it does not make this ideology a central element of state organization, but applies a specific, national, particular approach in its stead. ».

[26] W. Sadurski, « How Democracy Dies (in Poland) : A Case Study of Anti-Constitutional Populist Backsliding », Sydney Law School, Legal Studies Research Paper, n°18/01, January 2018, 72 p. (http://ssrn.com/abstract=3103491). Ce constitutionnaliste polonais, dont la notoriété est internationale, est aujourd’hui professeur en Australie ; il fait l’objet de plusieurs procès, tant en matière civile que pénale. Daniel Sarmiento, le directeur de la revue juridique EU law Live, l’a interviewé afin de mieux comprendre ces attaques judiciaires lancées par les autorités polonaises à son encontre, voy. « A Conversation with Professor Wojciech Sadurski on the Rule of Law crisis in Poland » https://eulawlive.com/podcast/.

[27] « Budapest à Varsovie » (Budapest to Warsaw) telle fut la formule utilisée par Kacyński quand son Parti (le PiS) a commencé à exercer le pouvoir en 2015.

[28] W. Sadurski, « How Democracy Dies (in Poland) … », op.cit., pp. 4-5

[29] A. Bodnar, « Protection of Human Rights after the Constitutional crisis in Poland », Jahrbuch des öffentlichen rechts der Gegenwart, S. Baer, O. Lepsius, C. Schônberger, C. Waldhoff, C. Walter (dir.), Mohr Siebeck, 2018, pp.639-662. Le début de l’article d’Adam Bodnar, Défenseur du Peuple polonais résume tout… : « In 2015-2017 the attempt to dismantle rule of law guarantees was undertaken in Poland. The new government of the « Law and Justice » party (PiS) won the majority in elections in October 2015. A number of reforms were introduced. Most importantly, the independence of the Constitutional Court was undermined. The paralysis of the typical daily operation of the Constitutional Court allowed the ruling majority to pass legislation that aimed to centralize state power. The legislation (except for one law) was never verified by the Constitutional Court. In 2017, the ruling majority passed legislation threatening judicial independence, most notably the Supreme Court and the National Council of Judiciary. », pp. 639-640.

[30] W. Sadurski, « How Democracy Dies (in Poland) … », op.cit., p. 10 : « “Nowogrodzka” (the Warsaw address of the PiS headquarters, where Kaczyński has his main office) became synonymous with the true locus of power. When ministers need a strategic decision to guide their action, they “go to Nowogrodzka Street”. »

[31] A. Bodnar, « Protection of Human Rights after the Constitutional crisis in Poland », Jahrbuch des öffentlichen rechts der Gegenwart, S. Baer, O. Lepsius, C. Schônberger, C. Waldhoff, C. Walter (dir.), Mohr Siebeck, 2018, Ibid., p. 640.

[32] Le témoignage d’Adam Bodnar est édifiant à cet égard : « Another set of anti-constitutional actions by the government was its policy towards refugees and migrants. Poland is one of the most homogenous member states of the European Union, with 98% of the population belonging to the Polish nation, and over 90% being Roman Catholic. The migration crisis in Europe coincided exactly with the electoral campaign. Therefore, the topic of migration and relocation of refugees within the EU, according to the scheme agreed on by the EU, was subject of intense discussion during the electoral campaign and its aftermath. The argument of a general fear of the Polish society towards migration was used both as a justification of certain legislative reforms (especially surveillance powers of secret service as well as method to increase popular support of government policies. In consequence, Poland has refused to participate in the EU relocation scheme», voir « Protection of Human Rights after the Constitutional crisis in Poland », Jahrbuch des öffentlichen rechts der Gegenwart, S. Baer, O. Lepsius, C. Schônberger, C. Waldhoff, C. Walter (dir.), Mohr Siebeck, 2018, pp. 650-651.

[33] Cité par J. Rupnik, « The Crisis of Liberalism », Journal of Democracy, Vol. 29, July 2018, pp. 24-38, spec. p. 27.

[34] Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 23 juin 2016, Baka c. Hongrie.

[35] Cour européenne des droits de l’homme, 16 septembre 2014, Karácsony et autres c. Hongrie ;Cour européenne des droits de l’homme, 16 septembre 2014, Szél et autres c. Hongrie ; Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 20 janvier 2020, Magyar Kétfarkú Kutya Párt c. Hongrie.

[36] La « saga » navalny devant la Cour européenne des droits de l’homme le démontre,

[37] Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 21 novembre 2019, Ilias et Ahmed c. Hongrie ; Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 21 novembre 2019, Z.A. et autres c. Russie.

[38] Cour européenne des droits de l’homme, Gde Ch., 2012, 22 mars 2012, Konstantin Markin c. Russie.

[39] Cour EDH, 20 juin 2017, Bayev et autres c. Russie.

[40] Cour EDH, 17 juillet 2018, Mariya Alekhina et autres c. Russie.

[41] Robert C. Blitt, « The Bottom Up Journey of “Defamation of Religion” from Muslim States to the United Nations : A Case Study of the Migration of Anti-Constitutional Ideas, Studies in Law, Politics and Society, 2011,pp.121-211.

[42] Pour plus de détails sur cette stratégie, voy. N. Haupais, « Sur de nouveaux concepts onusiens : la diffamation des religions et la lutte contre les ‘phobies’ religieuses », Société, droit et religion, 2011, n°1, pp. 29-43.

[43] Cité par R. J. Heydarian, « Penal Populism in Emerging Markets. Human Rights and Democracy in the Age of Strongmen », G.L. Neuman (eds.), Human Rights in Time of Populism. Challenges and Responses, Cambridge, Cambridge University Press, 2020, p. 152.

[44] T. Ginsburg, « Authoritarian International Law », AJIL, 2020, pp. 221-260.

[45] Dans le cadre du mécanisme européen de garantie, c’est l’article 36 §4 de la Convention qui permet aux Etats, au Commissaire européen aux droits de l’homme ainsi qu’à des individus ou des ONG, de présenter des interventions devant la Cour.

[46] Voy. l’arrêt SAS c. France déjà cité.

[47] Comité des droits de l’homme des Nations Unies, 7 décembre 2018, Sonia Yarker (communication n°2747/2016) et Miriana Hebbadj (communication n°2807/2016). On lira avec intérêt l’opinion dissidente du juge tunisien Yadh Ben Achour qui s’exprimait ainsi afin de contester le constat établi par la majorité des membres du Comité : « 5. Le Comité admet dans les deux cas d’espèce que « le port du voile intégral relève d’une coutume d’une partie des fidèles musulmans et qu’il s’agit de l’accomplissement d’un rite et de la pratique d’une religion ». Cependant les constatations du Comité n’expliquent pas cette mystérieuse transfiguration d’une coutume en une obligation religieuse à caractère cultuel, au sens de l’article 18 du Pacte. En vérité, le port du niqab ou de la burqa est une coutume suivie dans certains pays dits « musulmans » qui, par l’effet de l’islamisme politique et des tendances rigoristes, a été artificiellement raccrochée à certains versets du Coran, notamment le verset 31 de la sourate de La Lumière et le verset 59 de la sourate des Coalisés. Pourtant, les savants les plus autorisés de l’islam ne reconnaissent pas la dissimulation du visage comme une obligation religieuse. En admettant même que le port du niqab soit interprété, comme le veut le Comité, comme l’expression de la liberté de religion, il faut rappeler que toutes les interprétations ne se valent pas au regard d’une société démocratique ayant pour fondement de son système juridique les droits de l’homme, les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte, et ayant érigé le principe de laïcité en principe constitutionnel, en particulier dans le contexte historique et juridique particulier de la France. Certaines interprétations ne peuvent avoir droit de cité. »

[48] C. McCrudden, « Transnational Culture Wars », IJCL, 2015, pp. 434-462. Voir également son ouvrage, Litigation Religions : An Essay on Human Rights, Courts and Beliefs, OUP, New-York, 2018, 196 p.

[49] L’affaire E.S. contre Autriche est un très bon exemple à cet égard. Pour une analyse critique de la stratégie d’instrumentalisation de cet arrêt menée par l’ECLJ, voy. L. Burgorgue-Larsen, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme (sept.-déc. 2018)», Actualité juridique de droit administratif, 28 janvier 2019, pp. 169-179.

[50] Les ONG et les juges de la CEDH, 2009-2019, Strasbourg, Février 2020, 218 p.

[51] R. Uitz, « Human Rights Watchdogs Face Illiberal Rullers in Europe », A. Sajó, R. Uitz (eds.), Critical Essays on Human Rights Criticism, Eleven International Publishing, 2020, 199-224). Cette législation n’a pas obtenu le cap du respect du droit de l’Union et la Hongrie fut condamnée pour manquement aux règles du droit de l’Union voy. CJUE, Gde Ch., 18 juin 2020, Commission européenne soutenue par la Suède contre la Hongrie, C/78-18.

[52] Pour plus de détails sur l’importation de cette culture war devant la Cour interaméricaine (en plus de la Cour européenne), on renvoie à L. Burgorgue-Larsen, Les 3 Cours régionales in context, La Justice qui n’allait pas de soi, Paris, Pedone, 2020, spec. p. 355 et s.

[53] Il fut institué par la Résolution 60/251, en ayant pour mission de « promouvoir le respect universel et la défense de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, pour tous, sans distinction aucune et de façon juste et équitable ». Il est composé de 47 Etats membres, élus par l’AG des Nations Unies suivant le principe d’une répartition géographique équitable, pour des mandats de trois ans renouvelables une fois.

[54] Conseil des droits de l’homme, 15 septembre 2020, A/HRC/45/33. La Mission était composée de Marta Valiñas (Portugal), de Paul Seils (Royaume-Uni) et Francisco Cox (Chili). (https://www.ohchr.org/SP/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26247&LangID=S).

[55]https://static1.squarespace.com/static/5526d0eee4b040480263ea62/t/5f6f38bdfb587d1146ecc6fb/1601124541819/IDEA+ONU+2020.pdf

[56] Pour plus de détails sur ces processus, on se permet de renvoyer à L. Burgorgue-Larsen, Les 3 Cours régionales des droits de l’homme in context, op.cit., pp. 107 et s.

[57] On se prendre connaissance avec profit de l’engagement de Karima Bennoune, Rapporteure spéciale pour les droits culturels qui ne cesse de concilier cultures et universalité dans le cadre de son mandat, voy. le rapport Universalité, diversité culturelle et droits culturels, 25 juillet 2018, AG A/73/227.

Les deux ministres spécialisées complètement ignorantes des questions écologiques !

Les deux ministres spécialisées complètement ignorantes des questions écologiques !

 

Les médias pourtant particulièrement tolérants sur le gouvernement fantoche d’Élisabeth Borne ont quant même observé que les deux ministres spécialisés chargés de l’écologie n’y connaissaient c’est strictement rien. Pire qu’elles n’avaient jamais manifesté le moindre intérêt cette problématique.

Enarques libérales, Amélie de Montchalin et Agnès Pannier-Runacher étaient respectivement chargées de la Fonction publique et de l’Industrie au sein du gouvernement de Jean Castex. « Elles sont plutôt dans le moule de ce qu’on a vu des gouvernements précédents, loin d’être à la hauteur sur les enjeux climatiques », a commenté Jean-François Julliard, le directeur général de Greenpeace, sur franceinfo.

« Ce sont deux ministres qui n’ont pas une grande expérience de la transition écologique », ajoute Anne Bringault, coordinatrice des programmes au sein du Réseau Action Climat. Comme le rappellent Le Monde et Libération, Amélie de Montchalin, diplômée de HEC et de Harvard, a travaillé au sein de BNP Paribas et d’Axa, avant de devenir députée de l’Essonne en 2017. L’élue a ensuite été nommée secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, puis ministre en charge de la Transformation et de la Fonction publiques en juillet 2020.

« On ne voit pas son expérience sur la transition écologique alors que ce sujet est présenté comme une priorité par Emmanuel Macron. »

 

 

 

 

 

Santé Hôpital: 120 services d’urgence menacés

Santé Hôpital: 120 services d’urgence menacés 

 

Généralement on considère que le thème de la réforme des retraites sera le premier obstacle que le gouvernement aura à affronter. Le problème c’est que les dangers économiques sociaux se multiplient par exemple l’envol de l’inflation et que certains sujets pourraient allors devenir la préoccupation numéro un du pays. De ce point de vue l’état de notre système sanitaire est au bord de la rupture. C’est vrai évidemment dans les zones éloignées démographiquement peu denses. Là  pour consulter un cardiologue il faut un an , pour ophtalmologue au moins six mois, pour contacter un kiné  plusieurs semaines, même chose pour obtenir une simple radiographie.

Mais la tension concerne aussi maintenant géographiques très denses et les grands hôpitaux français sont eux-mêmes dans une situation d’urgence qui pourrait rapidement déboucher sur une crise sans précédent .

Fermetures de nuit, «délestages» sur d’autres hôpitaux, accès filtrés par les Samu: faute de soignants, au moins 120 services d’urgence ont été forcés de limiter leur activité ou s’y préparent, selon une liste établie par l’association Samu-Urgences de France (SUdF) que l’AFP s’est procurée.

 

Signe supplémentaire d’une crise inédite, 14 des 32 plus gros hôpitaux français (CHU et CHR) figurent sur cette liste. Parmi les 120 établissements recensés, plus de la moitié ont dû se résoudre à une fermeture, le plus souvent partielle, de leurs urgences. Parfois la nuit, comme à Alkirch (Haut-Rhin), Auch (Gers) ou Voiron (Isère). Ailleurs, en supprimant des équipes mobiles du Smur, comme à Creil (Oise), Grenoble ou Metz.

La «solution» la plus fréquente reste cependant la «régulation d’accès» par les Samu: à Bordeaux, Cherbourg (Manche) ou encore Nevers (Nièvre), à moins d’une urgence vitale, seul un appel préalable au 15 peut permettre une admission à certaines heures. Une dizaine d’hôpitaux sont allés jusqu’au «délestage», renvoyant les malades vers d’autres sites. En clair la situation sanitaire française est explosive.

La délibération »: Ou l’art de faire société

La  délibération »: Ou l’art de faire société

A rebours des conceptions de la démocratie qui réduisent la décision politique au décompte des votes, la théorie délibérative mise sur la capacité des citoyens à trouver ensemble des solutions d’intérêt général, par l’information et la discussion.

Claire Legros du » Monde » revient sur cet art de faire société ensemble via  le processus  indispensable de la Délibération ( Processus autrement plus complexe que la sollicitation dans  des commissions bidon ou  via le dépôt d’un bulletin dans l’urne).

Associer plus étroitement les citoyens à la décision publique et organiser la concertation sur les enjeux qui les concernent. L’idée est à l’ordre du jour, en réponse à l’abstention électorale et à l’érosion des partis traditionnels. Au cœur de cette réflexion, la notion de délibération suscite un intérêt renouvelé face aux choix complexes imposés par la crise environnementale. Certains préconisent un « continuum délibératif », intégré à la future « planification écologique »comme France Stratégie, d’autres plaident pour un « un tournant délibératif de la démocratie française », comme l’ancien président du Conseil économique et social Patrick Bernasconi.

Mais de quelle délibération parle-t-on, qui y participe et comment l’organiser ? Cette notion ancienne, ferment de la démocratie, fait l’objet d’une littérature prolifique et évolue selon les époques. « Les mots qui désignent ce débat public, sa place exacte et, en particulier, la façon dont il peut impliquer la multitude ont différé grandement selon les contextes », note le politiste Yves Sintomer dans la revue Participations, en 2011.

Les premiers textes datent de la Grèce antique et placent le débat public des citoyens – réservé aux hommes libres – au centre du processus de décision politique. Aristote voit dans la délibération, individuelle ou collective, la condition d’une action libre et réfléchie, au contraire de l’impulsion. Mais se pose déjà la question de la qualité de la discussion collective, et du risque de manipulation des foules par celui qui parle le mieux. Cette crainte conduira plus tard les cités-Etats italiennes à réserver le débat public à un cercle restreint.

A partir du XVIIIe siècle, la délibération, « à savoir un débat bien mené considérant toutes les données d’un problème et menant le cas échéant à la prise de décision » devient dans les démocraties modernes l’affaire d’une « aristocratie élective distincte du peuple dans son ensemble », souligne Yves Sintomer, « l’opinion des masses étant toujours suspecte de verser dans l’irrationnel ». Pourtant, dès le milieu du XIXe siècle, le philosophe anglais John Stuart Mill interroge ce modèle (Considérations sur le gouvernement représentatif, 1861), affirmant que la démocratie représentative implique, au-delà du vote, une participation active des citoyens à la délibération. L’idée d’un nécessaire « espace public », où chacun peut peser sur les décisions qui le concernent, à travers notamment les médias et les partis politiques, sera synthétisée un siècle plus tard par le philosophe allemand Jürgen Habermas.

Législatives : Des retournements de veste pitoyables

Législatives : Des  retournements de veste pitoyables

Maxime Tandonnet explique que les retournements de veste’à l’occasion des législatives sont particulièrement pitoyables et mortelles pour la classe politique  (Le Figaro)

TRIBUNE - Les personnalités qui, avant ou après la présidentielle, ont abandonné le parti de la droite classique pour Emmanuel Macron, contribuent au discrédit de LR et au rejet des politiques en général, s’inquiète l’historien.

Historien et essayiste, Maxime Tandonnet est l’auteur de nombreux ouvrages salués par la critique. Il a notamment publié 1940: un autre 11 Novembre (Tallandier, 2009), Histoire des présidents de la République (Perrin, 2013, édité en poche dans la coll. Tempus et actualisé en 2017), Les Parias de la République (Perrin, 2017) et André Tardieu, l’incompris (Perrin, 2019). Dernier ouvrage paru : Georges Bidault. De la Résistance à l’Algérie française (Perrin, 2022, 368 p., 23,50 €).

Le mot « trahison » a pris une place importante dans le discours politique de ces derniers mois. Pour Carole Delga, présidente socialiste du conseil régional d’Occitanie, « Le dégoût que les Français ont pour la politique, ce sont toutes ces trahisons ». Le député LR Aurélien Pradié l’affirme: « Quelqu’un qui trahit sa famille politique pour une gamelle est un traître, évidemment ». Par-delà le caractère infamant des termes de « trahison » et de « traître », force est de constater que les retournements de veste ont pris depuis quelques années une ampleur jusqu’alors inusitée sous la Ve république.

En certaines périodes particulièrement confuses des régimes précédents, il était habituel d’associer, dans un même gouvernement des personnalités issues de courants politiques antagonistes. À la fin de la IIIème République à partir de 1935, les cabinets mêlaient indifféremment des hommes présumés de droite comme Flandin ou Laval et d’autres marqués à gauche, tels Daladier ou Chautemps. De même sous la IVème République agonisante à compter de 1954 se retrouvaient dans les mêmes ministères des personnalités de tout bord. Telle était la règle du jeu.

Par réaction, la Ve République a longtemps fonctionné sur une logique de clivage entre une majorité et une opposition, relativement homogènes. Cependant, la réélection en 1988 du président Mitterrand et la désignation de Michel Rocard a donné lieu à quelques «débauchages » de personnalités classées jusqu’alors dans le camp de la droite et du centre. Puis en 2007, le président Sarkozy a constitué son gouvernement en donnant une place importante à « l’ouverture » c’est-à-dire la désignation emblématique de personnalités de gauche dans son gouvernement, à l’image de Bernard Kouchner aux Affaires étrangères. Ces nominations paradoxales restaient l’exception.

À l’issue de son élection à la présidence de la République en 2017, le président Macron, lui, a pris l’option de « déconstruire » un fondamental de la Ve République qui est l’opposition droite-gauche. Cet ancien conseiller, puis ministre de l’Économie des gouvernements socialistes de François Hollande, s’est doté en 2017 d’un premier ministre issu de la droite, Édouard Philippe, et de plusieurs ministres importants venus du même camp, associés à ses fidèles venus pour la plupart du parti socialiste.

Le ralliement à la candidature Macron d’une partie des notables de LR – déstabilisés par l’effondrement de la candidature de François Fillon – avait d’ailleurs été manigancé de longue date par « le groupe de Bellota (nom d’un restaurant où ils se réunissaient), comme le révèle Patrick Stefanini dans son livre Déflagration (Robert Laffont 2017).

Le jeu des « débauchages » dans le camp de la droite républicaine a repris à l’occasion des élections nationales de 2022. Deux personnalités de premier plan de LR, exerçant des responsabilités stratégiques à l’Assemblée nationale, ont ainsi changé de camp pour rallier le macronisme : Éric Woerth, président de la commission des finances avant la présidentielle et Damien Abad, président du groupe LR, dans la perspective des législatives.

Ces ralliements, quoique moins nombreux cette fois-ci qu’il était escompté, ont eu un effet ravageur pour la droite dite de gouvernement. Cumulés aux précédents intervenus en 2017, la cascade des défections en faveur de la présidence Macron a eu pour effet de dévaster la réputation d’un courant politique. Le soupçon d’infidélité aux engagements et aux convictions a rejailli – injustement – sur l’ensemble du mouvement : quelle confiance accorder à des hommes et des femmes si prompts, même potentiellement, à retourner leur veste et se compromettre dans le camp adverse ?

Pour l’opinion, ces ralliements sont bel et bien perçus comme relevant de l’opportunisme ou de la compromission et nourrissent une image extrêmement délétère de la politique ressentie comme une course aux fromages au détriment des convictions, de l’honneur et de l’intérêt général

Maxime Tandonnet

Ces vagues de transfert ont eu aussi pour effet d’accréditer l’idée d’une fongibilité entre macronisme venu du PS et droite dite « de gouvernement ». Elles sont en partie à l’origine de la débâcle de LR à la présidentielle et des sondages préoccupants pour ce parti en vue des législatives.

Les transfuges utilisent deux justifications.

La première est qu’ils ne se reconnaîtraient plus dans leur ancien parti qui selon eux, « court après l’extrême droite ». Mais les mêmes n’exprimaient aucune réserve quand leur parti avait le vent en poupe en tenant un discours au moins aussi droitier qu’aujourd’hui et triomphait, en 2007, sous l’étendard de l’identité nationale. Par ailleurs, ils affirment que le président Macron a réalisé « les réformes que la droite n’a jamais osé faire ». Pourtant, avant leur ralliement, ils n’étaient pas les derniers à fustiger une politique aux antipodes des projets de la droite : hausse vertigineuse des dépenses, des déficits et de la dette publique, augmentation considérable des flux migratoires, PMA sans père remboursée par la sécurité sociale, nivellement par le bas en matière éducative (effondrement du niveau scolaire), saccage des libertés individuelles pendant la crise sanitaire, fulgurant déclin industriel (déficits commerciaux records), violence en augmentation débridée, aggravation de la pauvreté et de l’assistanat (2 millions de RSA), etc.

 

Pour l’opinion, ces ralliements sont bel et bien perçus comme relevant de l’opportunisme ou de la compromission et nourrissent une image extrêmement délétère de la politique ressentie comme une course aux fromages au détriment des convictions, de l’honneur et de l’intérêt général. Environ 80% des Français ont une vision négative de la politique selon une enquête annuelle de Cevipof. Cette crise de confiance est la source d’un profond malaise démocratique, de la montée de l’abstentionnisme, de la poussée fulgurante des votes « antisystème » ou démagogique de gauche ou de droite. Elle conduit inévitablement, tôt ou tard, à la révolte et au chaos. La banalisation de la déloyauté en politique a toute sa part dans ce naufrage.

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Pouvoir d’achat: Un projet de loi spécial élections législatives

Pouvoir d’achat: Un projet de loi spécial élections législatives

 

Elisabeth Borne a déclaré, vendredi 20 mai, qu’un premier projet de loi sur le sujet serait examiné par le Parlement issu des élections législatives du mois de juin

 

Un projet de loi Fourre tout est annoncée par la nouvelle première ministre si tôt après les législatives. Sans doute pas un hasard du calendrier car le pouvoir veut peser sur les élections de l’assemblée nationale. Or le pouvoir d’achat est de loin la première préoccupation des ménages sachant que l’inflation en 2022 risques d’atteindre de 6 % et que le pouvoir d’achat en moyenne n’augmentera pas plus de 2 %. Résultat une perte de 4% ( officiellement)  qui fait payer aux ménages la facture de la crise. Il ne faut guère escompter une politique significative de réajustement des revenus salaires, pensions ou épargnes. Certes il y aura un petit coup de pouce mais très loin de ce qui serait nécessaire pour compenser l’inflation exceptionnelle actuelle. Du coup, le projet de loi risque d’être surtout composé de mesures accessoires voir gadget comme la distribution de chèques alimentation qui rappellent tristement l’après-guerre. On aura  sans doute aussi la prolongation de ce qu’on appelle la réduction du prix du carburant. En fait un gel temporaire de la fiscalité spécifique car le pouvoir va continuer de prélever d’énormes sommes sur tous les carburants ( plus de la moitié du prix). Et on donnera un habillage écolo à ces mesures d’austérité.

La Première ministre française a donc déclaré, vendredi 20 mai, que le premier projet de loi examiné par le Parlement issu des élections législatives du mois de juin serait consacré au soutien au pouvoir d’achat des Français, dans un contexte de forte inflation.

Invitée du journal de 20h de la chaîne TF1 après la présentation de la composition de son gouvernement, Elisabeth Borne a précisé que la création d’un chèque alimentation et la limitation des prix de l’énergie feraient partie des mesures proposées dès le début de l’été.

« On travaille sur un chèque alimentation qui fera partie de ce projet de loi, mais aussi sur des mesures de bouclier tarifaire, et la réduction des prix du carburant sera prolongée », a-t-elle déclaré, assurant avoir « bien entendu les inquiétudes des Français » sur le pouvoir d’achat. « Il y a aussi des mesures qui étaient attendues, comme la revalorisation des retraites et le triplement de la prime Macron », a-t-elle ajouté.

 

Métavers : espérance autant qu’illusion

 Métavers : espérance autant qu’illusion

Une passion triste, tel est le sens de l’utopie développée par le projet métavers, estiment, dans une tribune au « Monde », la philosophe Valérie Julien Grésin et Alexandre Menais, vice-président d’Atos.

Dans son livre Le Jeu vidéo ou l’Aliénation heureuse (Post Editions, 2019), Douglas Hoare décrit avec minutie le processus de dépersonnalisation auquel s’exposent les joueurs : « Plus l’avatar est libre, plus le joueur est esclave. En jouant à un jeu vidéo, on échange une soumission réelle contre une liberté simulée. »

Plus ambitieux que le jeu vidéo (qui compte plus de 2,7 milliards de joueurs), plus constant, plus sérieux, un nouveau monde d’avatars se conquiert dans l’espace numérique, dont le nom, hérité du roman de science-fiction Le Samouraï virtuel [paru aux Etats-Unis en 1992, en France en 1996], de Neal Stephenson, le métavers, donne le « la ».

Le métavers, « au-delà de l’univers », porte l’ambition de faire converger les technologies du numérique existantes ou en cours de développement, pour créer un monde virtuel, persistant, interactif, interconnecté et immersif, soutenu par une volonté d’interopérabilité entre les plates-formes dans la portabilité des données.

Si le métavers n’est pas nouveau, ce qui l’est, en revanche, c’est la valorisation de tout ce que l’on peut y trouver, grâce à la blockchain et aux NFT [pour « non fungible token », « jetons non ­fongibles », des certificats numériques qui authentifient le caractère unique d’objets virtuels, comme des œuvres d’art]. En effet, le marché du métavers représente une fusion de trois technologies existantes, dont les capacités sont évolutives : les plates-formes rendues possibles par une capacité de calcul et une connectivité accrues ; puis la réalité augmentée – réalité virtuelle, réalité mixte ; et enfin les actifs numériques et Web3 activés par la blockchain.

Bien qu’il soit encore trop tôt pour dire exactement quelles technologies ou quelles plates-formes domineront, les grands acteurs des technologies ont pourtant déjà déterminé comment ils comptaient participer à l’écosystème du métavers – en achetant, comme Republic Realm, un terrain sur The Sandbox pour 4,3 millions de dollars (environ 4,07 milliards d’euros). Mais, plus encore, plusieurs grandes marques dans le commerce B to C (business to consumer, de l’entreprise au consommateur, comme les marques Gucci, H&M, etc.) ou B to B (business to business, commerce entre les entreprises) se sont lancées dans ce nouvel eldorado (Microsoft, avec le rachat pour 69 milliards d’Activision).

Achat d’avis en ligne : Stopper l’intoxication et les manipulations

Achat d’avis en ligne : Stopper l’intoxication et les manipulations

Les décisions des consommateurs sont aujourd’hui largement influencées par les notes et commentaires sur les produits et les services consultés en ligne. Mais cette tendance s’est accompagnée par la prolifération de faux avis. Un fléau qui ne doit pas conduire à la suppression des avis. Par Clément Poupeau, directeur Ventes et Marketing chez Guest

 

 

Les avis clients se multiplient à travers le web. Sous forme d’étoiles, de notes, de commentaires et même de vidéos, ils influencent fortement les décisions des consommateurs. Et pour cause, ces derniers ne prennent plus une décision sans avoir le réflexe de la recherche en ligne. Rien qu’en France, plus de 75 % affirment notamment qu’ils consultent activement les avis clients pour obtenir des informations sur une entreprise qui les intéresse (1).

Malheureusement, certains professionnels décident d’avoir recours à des pratiques trompeuses pour attirer le consommateur. Pire, des entreprises vont même jusqu’à ternir l’image de leurs concurrents pour se démarquer. Comment ? En achetant de faux avis. Rien que sur l’année 2020, Amazon en a supprimé plus de 200 millions sur sa marketplace (2). Alors, bonne ou mauvaise idée ? Après tout, les avis clients en ligne représentent le premier critère de choix d’une entreprise pour la majorité des Français, selon un rapport IFOP dédié à leurs décisions d’achat (1). Est-il nécessaire de les tromper pour mieux les convaincre ?

L’achat de faux avis en ligne est considéré comme une pratique commerciale trompeuse aux yeux de la loi française. Après tout, l’idée est bien de mettre en valeur une entreprise ou d’écorner l’image d’un concurrent par le biais d’une communication trompeuse. Alors même que la publication d’avis en ligne, contrairement à la pratique publicitaire, se veut authentique et libre. Acheter un faux avis participe donc à la présentation inexacte d’une société. C’est une pratique qui induit les consommateurs en erreur.

Si une entreprise est prise en flagrant délit d’achat et de publication de faux avis, elle encourt une amende de 300.000 euros et une peine allant jusqu’à 2 ans d’emprisonnement pour son dirigeant ou sa dirigeante.

Créé en 2016 et appliqué en 2018, c’est l’article L. 111-7-2 du Code de la Consommation qui pose un cadre légal autour de la publication d’avis en ligne. En effet, il oblige tous les gestionnaires d’avis à communiquer les procédures de contrôle de la fiabilité des retours publiés ainsi que les raisons pouvant motiver le refus d’une publication aux consommateurs. En d’autres termes, toute entreprise se doit d’informer son audience quant aux mesures prises contre la publicité mensongère.

De plus, la norme AFNOR NF Service Avis en ligne vient compléter ce cadre légal français. De la collecte à la restitution en passant par la modération, cette norme régit le traitement des retours clients affichés sur les pages des marques depuis 2014. Elle a donc été appliquée avant l’article du Code de la Consommation. Depuis 2018, une norme internationale, intitulée NF ISO 20488, est également en vigueur. Elle vise expressément à fiabiliser les avis en ligne.

La guerre à l’usage de faux est engagée par la loi française. Un avis doit être une représentation sincère de l’expérience client vécue, sans quoi il fera l’objet de sanctions légales. Et ce ne sont pas les seules sanctions auxquelles s’exposent les entreprises malintentionnées.

Plutôt passifs face aux premières vagues massives de faux avis, les géants du web entendent désormais faire front pour démontrer qu’ils n’ont qu’un objectif : proposer des résultats pertinents à leurs utilisateurs ainsi qu’une expérience utile.

Amazon affiche de nombreux avis mais les internautes se méfient. De nombreux professionnels achètent de faux avis et, pire, incitent également leurs vrais clients à ne publier que des avis positifs contre rémunération. Pour redorer son image et afficher des avis plus fiables, Amazon se lance désormais sur le terrain judiciaire. En février 2022, la plateforme a annoncé porter plainte contre les entreprises AppSally et Rebatest. Le géant américain leur reproche d’encourager la publication de faux avis en jouant un rôle d’intermédiaire entre les vendeurs de sa marketplace et des utilisateurs complices. Et Amazon va plus loin pour inspirer plus confiance aux consommateurs. L’entreprise dépense désormais 700 millions de dollars par an dans le monde en ressources humaines et technologiques pour prévenir et détecter toute tentative de fraudes ou de manipulations commerciales.

Google n’est pas en reste. Dans son règlement relatif aux contenus ajoutés par les utilisateurs dans Maps, Google communique très clairement sur la publication de faux avis. Le groupe insiste sur le fait que cette pratique est interdite et précise qu’un commentaire ne « doit pas servir à manipuler les notes d’un lieu ». Plus concrètement, toute contribution ne respectant pas les règles établies pour Google Maps et Google Business, et étant « susceptible d’induire en erreur les autres utilisateurs » est supprimée sans notification préalable à l’établissement concerné. De même, Google se réserve le droit de supprimer tout profil identifié par ses algorithmes comme diffuseur massif d’avis suspects. La sanction est lourde lorsque l’on sait que les Google Business Profiles représentent le moyen le plus efficace de faire apparaître une enseigne parmi les premiers résultats sur le moteur de recherche le plus plébiscité au monde et l’application Maps.

Autre figure de l’avis en ligne, plus spécifique au secteur touristique, Tripadvisor s’engage également contre les témoignages trompeurs. La plateforme a même publié un rapport (3) où elle dévoile ses actions chiffrées face aux faux avis :
● Suppression de 2 millions d’avis suspects sur les 26 millions publiés en 2020 ;
● 20.299 membres ont été bannis et 34.605 établissements pénalisés pour avoir été à l’encontre de ses règles contre l’achat de faux avis ;
● Extension de sa charte d’utilisation pour détailler le cadre de publication de contenus et préciser clairement les pratiques qui vont à l’encontre des principes mis en place pour offrir la meilleure expérience à ses utilisateurs.

Les professionnels ayant recours à l’achat de faux avis positifs se trompent de combat. Qu’ils ternissent l’image de leurs concurrents ou qu’ils s’adjugent une image positive fictive, ils oublient le caractère éphémère de leur démarche trompeuse. Leur mauvais service comme l’expérience supérieure de leurs concurrents finiront par rejaillir. Plutôt que de payer des faux avis à tout bout de champ et de risquer de lourdes sanctions, ces professionnels peuvent puiser l’inspiration chez leurs clients insatisfaits.

Les retours d’expérience de clients mécontents représentent une source d’inspiration intarissable. Mieux, ils permettent de s’améliorer à travers le temps. Car si une entreprise s’intéresse au ressenti de ses clients insatisfaits, elle peut identifier les causes de leur mécontentement. Elle peut déceler des tendances d’insatisfaction et aller jusqu’à prioriser la mise en place d’actions correctives. En d’autres termes, tout professionnel écoutant ses clients peut améliorer l’expérience proposée et sa réputation en agissant selon les tendances identifiées.

Bien sûr, à force d’efforts, les avis négatifs vont se tarir. Reste qu’il est essentiel de continuer de les chercher et de les consulter pour éviter toute vague de mécontentement. Le moindre consommateur déçu peut générer un effet boule de neige et transformer son insatisfaction en bad buzz pour une marque. Aussi, tout l’enjeu réside dans la capacité des entreprises à savoir écouter, agir puis piloter leur satisfaction client à long terme.

Comme les avis négatifs, les vrais avis positifs jouent un rôle décisif dans les décisions d’achat des Français. Aujourd’hui, les enseignes doivent afficher une note d’avis clients supérieure à 4/5 pour inspirer confiance à leurs prospects. Une note moyenne authentique bien sûr, qui doit être composée d’avis aussi positifs que négatifs mais, surtout, être associée à des avis datés de moins de trois mois pour être considérée comme fiable (1). C’est de cette manière que les entreprises peuvent développer une réputation positive et convaincante.

La collecte et la diffusion d’avis clients authentiques en ligne permettent donc de rassurer des prospects qualifiés, à proximité ou en quête d’une activité dans une zone géographique ciblée. L’autre avantage de ces deux actions est d’influencer la visibilité locale des enseignes à travers les services Google. En effet, une étude a prouvé que les avis clients représentent le deuxième facteur de référencement des établissements sur le Google Local Pack (4). Pour rappel, le Local Pack est l’encadré présentant trois fiches établissement tout en haut des résultats de recherches locales.

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Ainsi, travailler sa réputation en ligne permet à tout professionnel d’attirer plus facilement des consommateurs susceptibles d’acheter ses produits et services en établissement. C’est une formidable opportunité de prouver son sens de la relation client tout en inspirant confiance et en convainquant plus facilement. Toute entreprise peut demander spontanément des avis à ses clients via différents moyens de communication et à différents moments de l’expérience d’achat. En utilisant des solutions de visibilité locale, les professionnels peuvent même centraliser leurs actions et rentabiliser leur stratégie. D’autant plus qu’en gagnant du temps pour analyser les retours obtenus, il est possible de fidéliser sa clientèle.

En conclusion, l’achat d’avis en ligne constitue une infraction à la loi. C’est une pratique trompeuse qui peut servir une entreprise à court terme mais la desservir à long terme. Reste que les avis clients des enseignes doivent être envisagés comme un sujet prioritaire pour les entreprises. Mais ils doivent incarner une réelle pratique centrée autour du client, et non pas une campagne publicitaire.

(1) Rapport IFOP, L’influence des avis clients sur les décisions d’achat des Français, 2021
(2) Amazon, Amazon Sues ‘Fake Review Brokers’ Who Attempt to Profit From Generating Misleading and Fraudulent Reviews, 2022
(3) Tripadvisor, Review Transparency Report, 2021
(4) Whitespark, The 2021 Local Search Ranking Factors, 2021

Economie, politique, société: les plus lus (23 mai 2022- 6h00)

Crise : les « experts » dans le brouillard

Crise : les « experts »  dans le brouillard

 

Il faut évidemment reconnaître la complexité de la crise actuelle qui articule des dimensions économiques, sociales, technologiques, environnementales et géopolitiques. Une crise systémique aux nombreuses interactions qui exige  à la fois des compétences multiples en même temps qu’une grande modestie.

Nous sommes passés en quelques mois voire quelques semaines de l’euphorie de la reprise à l’angoisse de la récession avec en plus de l’inflation. Du coup, les experts, surtout les macro-économistes recherchent la martingale qui pourrait permettre de sortir du cycle infernal vers la stagflation ( absence de croissance conjuguée à une envolée des prix). Et on ressort évidemment les bonnes vieilles recettes. D’un côté les ultralibéraux qui proposent de faire payer la facture de la crise aux ménages en ne réajustant pas les salaires sur l’évolution des prix. Bref la renaissance de l’ultra libéralisme avec de pseudos arguments économiques qui dissimulent en fait un renforcement des inégalités.

De l’autre côté de l’échiquier idéologique, certains reprennent espoir dans les vertus d’un système étatiste se substituant à l’économie de marché et rétablissant un illusoire socialisme. Le point commun entre ces deux vues opposées et caricaturales, c’est qu’elles  se fondent surtout sur une approche centrale très typique de la culture française. Bref les mêmes remèdes pour tout le monde même si les pathologies sont différentes. Bilan, on ne fait souvent que renforcer les contradictions en ne tenant pas compte de la complexité des interactions et des spécificités des situations. Ce sont ces mêmes économistes macros qui ont imposé à l’Europe ce seuil de déficit limité à 3 % du PIB après en réalité un calcul de coin de table. Il ne s’agit pas de condamner l’apport de la macroéconomie mais de l’insérer dans une approche plus large tenant mieux compte des réalités sociales et économiques voire sociétales. Sans parler des réactions souvent imprévisible des agents économiques

Europe: La croissance remise en cause

Europe: La croissance remise en cause

À nouveau l’Europe revoit fortement à la baisse sa croissance. Une croissance presque divisée par deux prévus initialement à 4 % et dont l’objectif est pour l’instant fixé à 2,7 % seulement.

En cause notamment une flambée d’inflation atteint 6,8 %, soit à peu près le double de ce qui était prévu.

La guerre en Ukraine a donné un sérieux coup de frein à l’économie européenne notamment allemande. La croissance allemande ne devrait progresser que de 1,6% en 2022 contre 3,6% prévus en début d’année. Il faut dire que l’économie outre-Rhin est fortement dépendante de l’énergie russe pour faire tourner son industrie.

Résultat, l’Allemagne, première économie de la zone euro, devrait cesser d’être le moteur économique de l’Europe cette année compte tenu de l’accumulation de ses déboires depuis le début de la pandémie. Certains observateurs n’hésitent pas désormais à parler « d’homme malade » de l’Europe.

Les moteurs de l’économie française se tassent également. Après un fort rebond de l’ordre de 7% en 2021, la croissance du PIB devrait se tasser à 3% en 2022 et 1,8% en 2023. En février dernier, Bruxelles tablait sur une croissance de 3,6% cette année et 2,1% en 2023. En France, la plupart des instituts de prévision ont aussi dégradé leurs chiffres de croissance. Au premier trimestre, l’économie tricolore a fait du surplace avant de se redresser légèrement au cours du second trimestre (0,2%) selon les conjoncturistes de la Banque de France et ceux de l’Insee. La consommation, traditionnel point fort de l’Hexagone, a freiné depuis le début de l’année sous l’effet de l’envolée des prix et la chute de confiance des ménages et des entreprises. La facture risque d’être très lourde avec une inflation de cinq à 6 % en France et des revenus qui en moyenne ne manqueront pas de deux à 3 % la perte de pouvoir d’achat atteindra elle aussi deux à 3 %. Une purge qui se ressentira notamment sur la consommation des ménages et sur la croissance

 

La guerre en Ukraine n’a fait qu’amplifier l’envol de l’inflation. Entre la flambée des prix du gaz et du pétrole, l’envolée des matières premières agricoles et la pénurie de certains matériaux, l’inflation calculée par la Commission européenne pourrait grimper à 6,8% en 2022 avant de retomber à 3,2% l’année prochaine. Avant la guerre, la Commission européenne misait sur une inflation à 3,9% en 2022 dans l’UE à 27 (3,5% en zone euro) avant de retomber à 1,7% en 2023. A tous ces déboires s’ajoute la politique zéro covid menée en Chine qui contribue à faire chauffer les prix sur le fret maritime et aérien ou encore le prix de certains composants électroniques.Pour certains pays le risque de stagflation n’est pas écarté et certains pays pour seront les principales victimes de la flambée notamment des produits alimentaires. Surtout avec la sécheresse qui caractérise actuellement le climat mondial

Nouveau gouvernement Borne : de la cuisine politicienne digne de la IVe République

Nouveau gouvernement Borne  : de la cuisine  politicienne digne de la IVe République

Il est clair que la composition du gouvernement Borne résulte d’une infâme tambouille politicienne d’un autre temps. Pour parler clair, on s’inspire largement des combinaisons de la IVe République avec de savants dosages supposés ménager les différents courants.

 

Ainsi clairement , Marcon a voulu s’afficher à gauche avec la composition de ce gouvernement. L’objectif est évidemment de pomper les voix des couches sociales qui seraient tentées de s’abstenir ou de voter pour Mélenchon et ou Le Pen. À noter d’ailleurs que la première ministre a été choisie par défaut au dernier moment. C’est en effet Catherine Vautrin femme politique de droite qui avait les faveurs du pouvoir. Mais on a choisi à la place Élisabeth Borne  dont on dit qu’elle serait issue de la gauche, mais on se demande bien de quelle gauche il s’agit sinon celle des salons du septième arrondissement. Bref , cette « goche » qui a fait mourir le parti socialiste quand les technocrates ont pris le pouvoir sur les militants.

La contrainte la plus importante était sans doute de limiter le nombre d’hommes pour satisfaire à la parité. Alors Macron souffre cruellement de personnalités à la fois charismatiques et compétentes. Du coup, trouver des femmes responsables était un exercice particulièrement complexe.

Le problème de Macron ce qu’il fait lui en même temps à gauche mais aussi à droite. Il a ainsi réussi à débaucher l’ancien responsable du groupe parlementaire des « républicains » passé du jour au lendemain avec armes et bagages chez l’ennemi sans état d’âme en échange d’un petit Marocain. Le débauchage va évidemment continuer pour dépecer à la fois ce qui reste  du parti socialiste et des républicains

. Finalement , on aboutit ,comme précédemment d’ailleur,s à un gouvernement très conformiste composé pour l’essentiel de professionnels de la politique et dont les valeurs se confondent le plus souvent avec leur intérêt personnel. Bref un personnel politique médiocre et qui va se révéler rapidement incompétent compte tenu de l’aggravation d’une conjoncture de plus en plus complexe voire dramatique.

Dans le dispositif, il est clair qu’Élisabeth Borne ne joue aucun rôle. Elle ne représente d’ailleurs aucun courant politique, aucune tendance. Il s’agit d’une techno pure et dure, par ailleurs psychorigide, qui ne résistera pas au premier vent de tempête. Il est vraisemblable qu’elle n’a pas eu le moindre mot à dire sur le choix de ses ministres voire de leur entourage.

On voit mal l’intéressée en capacité d’affronter les vents mauvais comme par exemple l’inflation qui ronge croissance et pouvoir d’achat, la réforme des retraites, la transformation de l’État, les banlieues, l’endettement, l’insécurité ou encore la question centrale de la crise du système sanitaire.

De toute manière ce gouvernement aura une durée de vie limitée et on assistera vraisemblablement à la mise en place d’un nouveau gouvernement sitôt les législatives passées.

Métavers: Une urgence de régulation

Métavers: Une urgence de régulation

 

Le médecin Bernard Basset dénonce, dans une tribune au « Monde », le marketing de l’addiction développé par les entreprises opérant dans les métavers, qui vise surtout la jeunesse.

 

Les réseaux sociaux sont le terrain favori des jeunes, et notamment des mineurs. La plupart sont nés avec, ou au moment de leur création, et n’ont donc même pas souvenir d’un monde sans. Le Covid-19 n’a fait qu’accentuer ce phénomène. Les jeunes générations ont vu leur liberté s’envoler, alors que la société se renfermait sur elle-même durant le confinement. Face à une réalité de plus en plus pesante, l’attrait des écrans, et finalement d’un monde virtuel, n’a fait que grandir.

Bien sûr, la notion de métavers ne date pas d’hier. Elle a d’abord été conceptualisée dans les années 1990 avec le livre de Neal Stephenson Le Samouraï virtuel, puis à travers différents jeux vidéo, comme Second Life ou The Sims. Néanmoins, la plus récente évolution du concept qui a retenu notre attention est celle de Mark Zuckerberg, lorsque le groupe Facebook s’est renommé Meta, fin 2021. L’entreprise annonce se concentrer sur le métavers, une forme d’univers parallèle mêlant réalités virtuelle et augmentée, annoncé comme le futur d’Internet et donc… de notre société. Et nous savons que Mark Zuckerberg a les moyens de ses ambitions.

 

Par définition, le métavers est présenté comme un système connecté au-delà du monde physique qui est accessible par tous grâce à des interactions 3D. Dans cet univers totalement numérique, les utilisateurs auront la possibilité de se rencontrer, de jouer, de voyager ensemble ou encore de faire la fête. Une occasion en or pour les lobbys, dont celui des alcooliers, en perpétuelle recherche de nouveaux moyens de sponsoriser leurs produits, et ce, quitte à enfreindre la loi. D’autant plus qu’il n’existe à ce jour quasiment aucune réglementation venant encadrer le métavers.

Sans attendre que la réglementation les rattrape, plusieurs marques d’alcool se sont déjà, bien sûr, emparées du concept. Nous pouvons ainsi citer les bières Miller Lite, qui ont profité de la mi-temps du Superbowl américain début 2022 pour ouvrir un bar virtuel et ainsi permettre aux fans de se retrouver « autour d’une bière » (en assurant évidemment une promotion de leurs produits par la même occasion).

 

Même stratégie pour Heineken, qui profite du métavers pour lancer sa nouvelle bière à faible teneur en alcool au sein d’un bar virtuel. Alors qu’un videur numérique était censé contrôler l’âge des participants lors de l’arrivée de leurs avatars, plusieurs participants rapportent un dysfonctionnement quasi total du processus. Chez les vodkas One Roq, c’est un métavers VIP qui a été imaginé, afin que leurs clients les plus fidèles puissent y socialiser et boire ensemble. D’autres marques poussent néanmoins l’expérience bien plus loin : les whiskeys Kinahan’s ont ainsi lancé, fin 2021, leurs premiers ambassadeurs numériques, des intelligences artificielles censées évoluer dans le métavers pour promouvoir leur produit…

Scandale Ehpad: Le résultat de la financiarisation

Scandale  Ehpad: Le résultat de la financiarisation

 

La financiarisation du modèle des maisons de retraite a conduit à leur dévoiement, estime l’ingénieur et architecte, Philippe Alluin,  dans une tribune au « Monde ». Revisiter les projets innovants des années 1990 permettrait de réinventer un autre système.

 

Révélés au grand public par la récente actualité autour du groupe Orpea, les dysfonctionnements des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) existent, en réalité, depuis fort longtemps. Dans quelques jours, le nouveau ministre chargé du sujet devra repenser la politique d’hébergement des personnes dépendantes. Mais, avant même d’envisager de « nouvelles » solutions, il serait utile d’identifier les facteurs qui ont conduit à la situation d’aujourd’hui.

Dans les années 1980, les personnes dépendantes ne pouvant plus habiter en « maison de retraite » étaient redirigées à l’hôpital, dans des services dits « de longue durée », suivant un modèle de type hospitalier, parfois même encore en salle commune. En 1983, Alain Gille, directeur des équipements à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), particulièrement visionnaire sur l’ampleur à venir de la dépendance, lança un appel d’idées auprès des architectes afin d’ouvrir les pistes d’un hébergement adapté. Les réponses furent nombreuses, variées et innovantes, consacrant le succès de cet appel. Ce fut le point de départ d’une série de réalisations innovantes et particulièrement adaptées au vieillissement et à la dépendance.

Le programme Sepia, lancé en 1989 par le ministère de la santé, prenait la suite et un important mouvement de gérontologues, sociologues et autres chercheurs apportait sa contribution à ces opérations pilotes. Les réalisations exemplaires qui suivirent sont relatées dans la presse spécialisée (Architectures du grand âge. Variations architecturales sur la fin de vie, Le Moniteur, 1988) et mettent en avant, entre autres, l’ouverture sur la ville, la mixité des programmes, l’espace à géométrie variable, l’ancrage dans les territoires.

Bien que saluées par les professionnels, les équipes soignantes et les familles des résidents, ces avancées furent brutalement stoppées par la création des Ehpad, en 2002. La « massification », terme favori de nos administrations chargées de régler un problème de grande ampleur, s’attacha dès lors à encadrer, normaliser et régenter sur l’ensemble du territoire l’hébergement des personnes âgées dépendantes, tout en retardant le plus possible leur entrée dans l’institution, le maintien à domicile apparaissant alors moins coûteux que l’Ehpad. Le système ainsi mis en place devenait un standard auquel il était alors interdit de déroger, si l’on souhaitait bénéficier du financement et des autorisations d’ouverture, tant pour la création d’un nouvel établissement que pour son fonctionnement. Il devenait impossible de poursuivre les avancées réalisées dans les années 1990, qui sont vite tombées dans l’oubli.

Elections législatives : Une caricature de la démocratie de l’ancien monde

Elections législatives : Une caricature de la démocratie de l’ancien monde 

 

Les responsables de l’association Tous élus, dont les coprésidents Julien Loyer et Tatiana Mariotto protestent, dans une tribune au « Monde », contre la manière dont, soit des candidats hors-sol, soit des personnalités déjà élues ont été désignés pour représenter la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale.

 

Nous sommes en 2022, et un accord qualifié d’historique réjouit tous les partisans et militants de la gauche et de l’écologie. Tous ? Non ! Les organisations qui, depuis quelques années, tentent d’insuffler un renouveau dans les institutions ne s’y reconnaissent pas.

Nous désapprouvons les conséquences de cet accord pour les candidatures issues de la société civile. Notre démocratie, qui est aujourd’hui malade, a besoin d’être réoxygénée. Cela commence par un profond besoin de renouvellement.

Ce sont des techniques de l’ancien monde qui viennent de se jouer sous nos yeux. Que l’on se félicite chez les partisans de la gauche et de l’écologie d’avoir réussi à rassembler, sous la même bannière, des opinions que tout semblait séparer il y a quelques mois, nous le comprenons.

Ce que nous dénonçons, ce sont les négociations qui mènent à envoyer des candidatures hors-sol de personnalités souvent déjà élues, parce qu’il est plus stratégique de présenter une étiquette Parti socialiste (PS) qu’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) ou parce que l’on a des relations dans le parti. Ces accords ont parfois été conclus au mépris d’une candidature citoyenne, portant les mêmes valeurs, qu’on a alors écartée. Ce n’est pas ce que nous attendons d’un renouvellement véritable.

Nous ne pouvons pas attendre demain pour commencer ce renouvellement profond au sein de nos institutions politiques, aujourd’hui décriées, boudées, et dont les représentants, pour beaucoup, ont perdu la confiance de leurs administrés. Cela tombe bien, des citoyens se tiennent prêts à agir. Ils y pensent et sont parfois engagés sur le terrain depuis des années, et prolongent leur engagement militant par un engagement politique. Ils se sont formés rigoureusement, pendant des semaines, et font campagne avec leurs petits moyens, ou cherchent une investiture depuis plusieurs mois.

L’égalité des chances, que vous prônez, s’arrête-t-elle donc aux portes de l’Assemblée nationale ? La promotion et la représentation des femmes, de la jeunesse et de toutes les classes populaires n’ont-elles de sens que portées par des hommes (surtout) et des femmes expérimentées ? …

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