Choisir entre sobriété choisie et sobriété imposée

Choisir entre sobriété choisie et sobriété imposée  

 

Un papier du « Monde » souligne la nécessité de changer nos pratiques, accepter de reconsidérer nos modes de vie individuels et collectifs en faisant par exemple rouler moins de voitures ou en consommant moins de viande. Si la puissance publique ne s’empare pas de ces questions, le risque est grand que la sobriété finisse par s’imposer brutalement au lieu d’être choisie.

 

Nous n’avons pas encore bien mesuré l’ampleur des bouleversements économiques, sociaux et sociétaux qu’implique la lutte contre le réchauffement climatique. Désormais érigé en priorité du nouveau quinquennat, l’objectif d’Emmanuel Macron de faire de la France le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles d’ici trente ans n’implique pas seulement de modifier de fond en comble l’offre d’énergie. Il suppose aussi de réduire substantiellement notre consommation. Ces derniers mois, le mot « sobriété » a pris de la consistance dans le débat public. Il suggère la nécessité de baisser fortement la demande générale en énergie. Reste à savoir à quel prix.

 

Dans le discours qu’il a prononcé à Belfort, le 10 février, Emmanuel Macron a choisi de prendre le contre-pied des décroissants en plaidant qu’il est possible de réduire la consommation d’énergie sans renoncer au service rendu, en s’appuyant sur le progrès technique. De fait, une meilleure isolation des bâtiments publics et des logements réduit de facto la consommation d’énergie.

Cependant, de plus en plus de travaux scientifiques montrent que le retard est devenu tel qu’on ne peut plus espérer limiter le dérèglement climatique en misant uniquement sur l’efficacité ou l’innovation technologiques. Il faut changer nos pratiques, accepter de reconsidérer nos modes de vie individuels et collectifs en faisant par exemple rouler moins de voitures, voler moins d’avions ou en mettant moins de viande dans nos assiettes.

Le fait qu’aucun débat serein n’ait pu à ce jour émerger autour du thème de la sobriété est un vrai problème. Très vite, les esprits s’enflamment, les anathèmes fusent, bloquant toute esquisse de projection collective autour d’un nouveau modèle de développement et de nouvelles formes de solidarité à inventer. Il n’est pourtant pas anodin que le dernier grand mouvement social en France ait eu pour origine la taxe carbone, qui avait été conçue pour inciter les Français à réduire leur dépendance aux énergies fossiles. Socialement mal calibré, le dispositif a montré jusqu’à l’absurde que, pour espérer aboutir, il devait d’abord viser les plus gros pollueurs, c’est-à-dire les ménages les plus riches, et non pas frapper les plus vulnérables.

En France, plus de 5 millions de ménages se trouvent encore en situation de précarité énergétique. Dans le monde entier, plus de 750 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité. Au-delà des foyers et des individus, la question est surtout collective. Systémique. Elle oblige à repenser la société telle qu’elle va, son rapport au travail, à la mobilité, à la consommation, au logement.

 

Comment réduire la consommation générale tout en permettant à chacun de bénéficier d’un accès essentiel à l’énergie ? Est-il possible, voire souhaitable, de consommer moins tout en continuant à produire des richesses, donc à suivre les indicateurs habituels de la croissance ? Ou alors faut-il donner une autre définition, d’autres indicateurs économiques ou sociaux à la croissance ?

Tous ces thèmes doivent être rapidement portés par la puissance publique, qui dispose des instruments de prospection permettant d’éclairer et de soutenir le débat. Si elle ne le fait pas, le risque est grand que la sobriété finisse par s’imposer brutalement au lieu d’être choisie avec tous les risques de tension sociale et de violence que cela entraîne.

En matière d’environnement, il est clair que toute évolution significative devra d’une part s’inscrire dans le temps et que les propositions à effet immédiat relèvent de l’illusion. Une politique écologique par ailleurs pour être efficace devra combiner des mesures de nature étatique, des mesures économiques autant que la prise de conscience et le changement de comportement des ménages et des citoyens NDLR

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