La décarbonation n’est pas une simple affaire d’impôts
L’assureur Pascal Demurger, Directeur général de la MAIF, dans une tribune au « Monde », répond au Medef qui a invoqué la réduction des impôts de production comme solution pour décarboner l’économie. Estimant cette proposition insuffisante, il explique que c’est d’abord aux entreprises de s’engager pleinement et sincèrement dans cette transformation.
À juste titre l’auteur de la tribune considère qu’on ne peut réduire les solutions la décarbonation à une affaire fiscale. Pourtant la voie dans laquelle s’engouffrent aussi économistes, écolos et utopistes. Les uns pour récupérer la thématique et l’insérer dans une logique de marché, les autres pour donner des raisons supplémentaires à leur lutte contre l’économie de marché. La martingale fiscale est une sorte de solution miracle en France ; une solution avec laquelle on pense soigner toutes les maladies économiques, écologiques et même sociétales quand il s’agit en fait d’engager des processus très complexes sur longue durée articulant des champs d’action à caractère systémique. L’écologie réduite seulement à une augmentation de taxe relève du slogan caricatural
Tribune.
Décarboner notre pays ne passe pas par une simple politique économique conjoncturelle. C’est changer nos fondamentaux pour répondre à une urgence vitale et assurer notre pérennité.
Bien entendu, mener une telle transition a un coût colossal, même s’il est bien moindre que celui de l’inaction. Selon le think tank Institute for Climate Economics, il faudrait au moins, dès 2023, 13 à 15 milliards d’euros d’investissements publics et privés supplémentaires en France chaque année pour tenir les objectifs de l’accord de Paris.
Comment garantir ces nouveaux investissements pour le climat ? Pas en appliquant une simple baisse des impôts de production. Baisser ces impôts sans condition, c’est améliorer les marges, la compétitivité coût et la rentabilité. C’est utile au sein d’une économie ultra-concurrentielle, mais ça n’a pas de lien, voire pas d’impact, sur la transition que nous devons mener.
Réussir la décarbonation de notre économie impose de changer beaucoup plus profondément notre logiciel.
C’est d’abord aux entreprises elles-mêmes de s’engager pleinement et sincèrement dans cette transformation. C’est leur responsabilité et leur intérêt. Alors que nous fêtons les trois ans de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, votée en 2019), une solution leur tend les bras : le passage en société à mission. Quelle meilleure méthode pour garantir son engagement que de se fixer des objectifs environnementaux et sociaux ambitieux, publics et contrôlés chaque année ?
Devenir société à mission, c’est bien plus que s’accorder un supplément d’âme : c’est se donner une raison d’être autre que le seul profit sans lendemain, c’est se fixer un objectif pour assurer sa pérennité dans un monde en crise et se donner les moyens de l’atteindre. Déjà, le mouvement s’accélère : en mars 2022, le nombre des entreprises à mission avait doublé en un an. Elles concernent désormais plus de 500 000 salariés, avec une place croissante des grandes entreprises.
C’est ensuite à l’Etat d’amplifier cette dynamique en engageant une politique économique qui récompense la vertu écologique. Au-delà des investissements publics directs, la priorité de la puissance publique doit être de favoriser les entreprises aux stratégies de décarbonation ambitieuses, celles qui prennent des risques à court terme au service du long terme. A ce jour, rien n’est organisé de cette manière et une baisse aveugle des impôts ne changera pas la donne. Il faut en réalité activer tous les leviers verts à la main de l’Etat.
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