Redécouverte de la planification

Redécouverte de la planification

 

Dans une tribune au « Monde », Eric Monnet, Prix du meilleur jeune économiste 2022, tire les leçons des succès et des limites de la planification de l’après-guerre et détaille ce qu’elle a à nous apprendre pour la transition écologique.

 

Le terme de « planification écologique » est entré dans le vocabulaire courant de la politique française. La référence à la planification de l’après-seconde guerre mondiale se justifie par la reconnaissance d’un objectif économique et social commun qui surpasse tous les autres car il est à proprement parler vital. La reconstruction d’après-guerre était effectivement vue comme la seule manière de sortir la société de la misère et du rationnement, et la modernisation – l’autre objectif du plan – comme la seule échappatoire de ce qui était perçu comme l’effondrement « malthusien » de la civilisation de l’entre-deux-guerres. Comme aujourd’hui, il y avait un sentiment partagé d’absolue nécessité et la reconnaissance du fait que, malgré ses imperfections, l’Etat était la forme d’organisation collective adéquate, à même de guider la société et éviter la catastrophe.

 

Cela ne signifiait évidemment pas que les autres formes d’organisation collective et la liberté individuelle devaient disparaître ou en souffrir. Les historiens et économistes discuteront sans doute encore longtemps pour savoir si une autre organisation et d’autres politiques auraient été plus bénéfiques aux économies européennes après 1945, mais force est de constater que la reconstruction eut lieu et qu’elle fut suivie par un important processus d’innovation et de modernisation, avant que la planification soit délégitimée par le marasme économique des années 1970. Les objectifs principaux furent, pour la plupart, rapidement atteints, ce qui ne peut manquer de susciter l’intérêt aujourd’hui, puisque des actions décisives doivent être prises à l’horizon de quelques années.

Au sein des économies capitalistes, c’est sans doute en France que la planification fut la plus théorisée et revendiquée, mais de nombreuses caractéristiques étaient partagées par d’autres pays, même si – c’est une évidence dès que l’on parle d’intervention de l’Etat – chaque pays avait ses particularités et son vocabulaire. La planification reposait sur différents principes, dont certains peuvent encore faire sens aujourd’hui : développement des compétences techniques et insertion de celles-ci au sein des administrations, concertation verticale (au sein d’un même secteur d’activité) et horizontale (entre secteurs d’activité), intégration européenne et internationale, réorganisation du secteur financier au service des objectifs de planification.

Le développement des compétences techniques et l’intégration des politiques publiques avec la recherche étaient des dimensions majeures du plan, à la fois au sein des administrations et des entreprises publiques et privées. Des « missions de productivité » pour apprendre des technologies étrangères, au développement de services de recherche dans les grandes entreprises nationalisées en passant par la création de centres de recherche fondamentale, tout était organisé pour que les savoirs nourrissent les objectifs technologiques. Il ne faut pas tomber aujourd’hui dans l’illusion que seules la technologie et l’innovation vont nous tirer d’affaire face à la crise environnementale, mais on peut mesurer combien la rénovation énergétique des bâtiments ou le développement d’énergies non carbonées ne peuvent se faire sans investissement dans la recherche et la formation, ni sans restructuration des administrations.

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