Conséquence directe de l’inflation : l’austérité

Conséquence directe  de l’inflation : l’austérité

Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC, Geoffroy Roux de Bézieux,  pésident du Medef, ainsi que l’économiste Patrick Artus et le politologue Jérôme Fourquet ont débattu dans le « Monde » des urgences économiques et sociales, jeudi 28 avril, à l’aube du second quinquennat d’Emmanuel Macron.

 

La syndicaliste, le patron, l’économiste et le politologue s’inquiètent des ravages de l’inflation et de son impact sur le pouvoir d’achat et les comptes publics.

Le paysage politique

Jérôme Fourquet : [L’élection présidentielle de] 2017 n’était pas un accident. Le paysage électoral se met tardivement en conformité avec la réalité économique, sociale et culturelle du pays, qui s’est profondément métamorphosé en quelques décennies. Le Parti socialiste et Les Républicains ne représentent plus que 6,5 % des suffrages exprimés. Un nouveau duopole s’installe, mettant aux prises La République en marche et le Rassemblement national. Il n’est pas aussi structurant et agrégateur que par le passé. Ainsi, la France mélenchoniste ne se reconnaît ni dans l’un ni dans l’autre.

En outre, ce duopole met en scène une société en millefeuille, avec un haut qui regarde le bas, et un bas qui regarde le haut : 74 % des cadres et des professions intellectuelles au second tour [de la présidentielle d’avril 2022] ont voté pour Emmanuel Macron, 65 % des ouvriers ont choisi Marine Le Pen. Cette situation est compliquée à gérer politiquement, socialement et économiquement, dans un contexte où les préoccupations autour du pouvoir d’achat sont très fortes.

Pascale Coton : La fracture entre ville et campagne que nous dénonçons depuis des années se reflète dans le résultat de l’élection. Emmanuel Macron réalise ses meilleurs scores dans les grandes villes, Marine Le Pen dans les campagnes, où les habitants éprouvent des difficultés pour aller travailler et sont souvent confrontés à une nette dégradation des services publics. On dit constamment au salarié qu’il y aura un déficit de la retraite, de la Sécurité sociale… Comment voulez-vous qu’il arrive à se projeter correctement et positivement avec ses enfants confrontés à une école abîmée ces dernières années, et une organisation du travail chamboulée ?

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Geoffroy Roux de Bézieux : Paris a voté à 85 % pour Emmanuel Macron, Colombey-les-deux-Eglises, le village du général de Gaulle, a donné pour la première fois une majorité au Rassemblement national [avec 56,73 % des voix]. Le sous-jacent de cette situation est d’abord économique, avant d’être identitaire. Plus un territoire est désindustrialisé et en perte d’emploi, plus il vote pour les extrêmes. Il faut faire renaître une Datar [Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale] moderne, capable de penser l’aménagement du territoire et l’attractivité régionale. Le développement de la croissance économique dans des villes moyennes qui n’ont pas de spécificités est un sujet majeur.

 

Patrick Artus : Nous sommes revenus dans un monde de rareté. Nous avons un problème de ressources, d’énergie, de matières premières, de transport, de composants, et même d’emploi. A cela s’ajoutent les sanctions contre la Russie et la transition énergétique. La production mondiale de lithium doit être multipliée par 40 pour équiper nos véhicules électriques. Tout cela crée de l’inflation, comme à l’époque des années 1970-1990. Cela va conduire à une remontée des taux d’intérêt, qui imposera des contraintes budgétaires et donc la fin du « quoi qu’il en coûte ». Cela change complètement l’action publique.


Si nous avions aujourd’hui une parfaite indexation des salaires sur les prix et une parfaite indexation des prix sur les coûts des entreprises, nous nous dirigerions vers 20 % d’inflation. Celle que nous avons en Europe aujourd’hui, qui n’est pas loin de 8 %, n’est que l’effet mécanique des matières premières. Il n’y a eu aucun effet boule de neige. Le risque est donc devant nous.

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