Planification et financement
Eric Monnet, directeur d’étude à l’EHESS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris s’est penché sur le rôle des banques centrales dans la politique économique générale. Un thème d’actualité alors qu’il faut investir massivement dans la transition écologique.
Eric Monnet est le lauréat du Prix du meilleur jeune économiste 2022, remis par Le Monde et le Cercle des économistes. Il revient sur ce qui motive son goût pour la recherche économique et évoque ses thèmes de prédilection.
Vous avez étudié l’engagement de l’Etat dans les politiques de crédit et de financement de la reconstruction d’après-guerre, à la fin des années 1940 jusque dans les années 1970. Qu’en avez-vous tiré pour l’étude de l’économie actuelle ?
Cela m’a permis de montrer l’importance, à l’époque, de l’implication des banques centrales dans la politique économique générale, à la fois pour contrôler l’inflation et pour favoriser le crédit. Il était important de remettre en lumière ce rôle « oublié », dans les années 1980, dans la mesure où il réapparaît avec ce que l’on appelle, depuis dix ans, les « politiques non conventionnelles » des banques centrales, qui ont volé au secours du crédit des Etats, mais aussi des agents économiques, à coups de rachats massifs de titres et de prêts ciblés.
Les historiens et les économistes, lorsqu’ils étudient le rôle du Plan durant les « trente glorieuses » (1945-1975), insistent sur la planification industrielle et négligent le versant financier de cette planification. Car la reconstruction de la France n’a été financée ni par les banques privées (elles finançaient principalement le crédit commercial) ni par les budgets publics, mais surtout par de grandes institutions financières publiques – Caisse des dépôts, Crédit national, Crédit foncier –, dont les conseils d’administration rassemblaient des banquiers, des représentants des grandes entreprises et de l’Etat.
L’action de ces institutions, chapeautées par le Conseil national du crédit, où étaient aussi représentés les syndicats, était coordonnée par la Banque de France. Les dollars du plan Marshall furent ainsi distribués aux entreprises françaises par le Crédit national. Aujourd’hui, la planification écologique ne pourra se construire sans repenser les circuits publics de financement à long terme et leur contrôle démocratique.
Vous avez aussi étudié la crise bancaire en France pendant la Grande Dépression des années 1930, une histoire elle aussi oubliée…
Oui, le récit habituel est que si, en Allemagne ou aux Etats-Unis, la grande crise avait d’abord frappé les banques, elle avait épargné les banques françaises. C’est du moins ce qu’ont voulu faire croire les plus grandes d’entre elles, qui ont en effet survécu, pour vanter ce qui serait une « spécificité » du modèle financier français – un discours qu’elles ont également tenu lors du krach de 2008.
0 Réponses à “Planification et financement”