Ukraine : pacifisme honteux ou lâcheté de la France ?
Par Marion Dupont
En voulant jouer les rôles de négociateur auprès de Poutine, Macron a adopté une position de plus en plus critiquée dans les pays du Nord de l’Europe et en Ukraine. On lui reproche de valoriser Poutine sans jamais obtenir la moindre concession. Certains experts français partagent cependant le point de vue de Macron qui ne veut pas couper les ponts avec la Russie. Le seul problème, c’est que ces experts français n’ont pas connu les 50 ans d’occupation soviétique subis par les ex pays de URSS et n’ont guère de légitimité pour accorder des « compensations territoriales » au dictateur russe. NDLR
Tribune
Que personne, en France, pas plus qu’en Europe, ne soit favorable à un conflit armé sur le continent est une évidence qui n’avait, jusqu’à il y a peu, pas même besoin d’être formulée. Cette aspiration générale à la paix s’affiche pourtant de nouveau depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, déclenchée le 24 février : unanimement désignée dès son déclenchement comme « injustifiée », elle est perçue par l’immense majorité du personnel politique comme un « crime » à la dimension « anachronique », bouleversant une paix que l’on imaginait acquise sur le territoire européen.
Si l’indignation contre cette guerre a suscité en France d’innombrables appels et manœuvres – diplomatiques, économiques ou politiques – en vue de faire cesser les hostilités, le choix du chef de l’Etat d’apporter un soutien militaire affirmé à l’Ukraine, avec la livraison d’équipements défensifs mais aussi de systèmes d’armements complexes, semble lui aussi faire l’objet d’un large consensus.
Certes, il y a bien eu, lors de la campagne présidentielle, quelques timides dénonciations des positions des uns et des autres. Jean-Luc Mélenchon, en particulier, avait appelé début mars à la méfiance envers les « va-t-en-guerre », à la désescalade et s’était réclamé de la figure de Jaurès – une position qui lui avait valu, en retour, le qualificatif de « munichois » lâché par le camp de l’écologiste Yannick Jadot. Mais, presque deux mois et une réélection plus tard, force est de constater que la politique extérieure d’Emmanuel Macron ne soulève que peu d’objections, dans le champ politique comme dans l’opinion publique.
Cette contradiction entre appels à la paix et envoi d’armes offensives peut d’autant plus étonner que les mêmes engagements suscitent une tout autre résistance dans les pays européens voisins. Ainsi, en Italie, le gouvernement de Mario Draghi se divise sur la question de l’opportunité de fournir des armes à l’armée ukrainienne – le Mouvement 5 étoiles revenant ainsi au pacifisme intégral professé à ses débuts. En Allemagne, la remise en cause du soutien militaire à l’Ukraine au nom du pacifisme s’exprime dans les rues et dans les milieux intellectuels depuis le début du conflit, et avec d’autant plus de vigueur que le gouvernement d’Olaf Scholz assume désormais un revirement historique de la politique allemande en matière d’armement.
Si l’attitude pacifiste – celle qui fait de la paix entre les nations un bien conditionnant tous les autres et qui refuse tout soutien, même indirect, à la guerre – reste donc bien vivace chez nos voisins européens, elle semble rencontrer (du moins actuellement) un bien moindre écho dans l’Hexagone. Pour Maurice Vaïsse, professeur émérite d’histoire des relations internationales à Sciences Po, il n’y a là rien d’étonnant : « On a le pacifisme de son passé, explique-t-il. Ce fond historique est essentiel pour comprendre les positions actuelles des uns et des autres face à la guerre en Ukraine. »
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