Crise : les experts dans le brouillard
Il faut évidemment reconnaître la complexité de la crise actuelle qui articule des dimensions économiques, sociales, technologiques, environnementales et géopolitiques. Une crise systémique aux nombreuses interactions qui exige à la fois des compétences multiples en même temps qu’une grande modestie.
Nous sommes passés en quelques mois voire quelques semaines de l’euphorie de la reprise à l’angoisse de la récession avec en plus de l’inflation. Du coup, les experts, surtout les macros économistes recherchent la martingale qui pourrait permettre de sortir du cycle infernal pourrait conduire vers la stagflation ( absence de croissance conjuguée à une envolée des prix). Et on ressort évidemment les bonnes vieilles recettes. D’un côté les ultralibéraux qui proposent de faire payer la facture de la crise aux ménages en ne réajustant pas les salaires sur l’évolution des prix. Bref la renaissance de l’ultra libéralisme avec de pseudos arguments économiques qui dissimulent en fait un renforcement des inégalités.
De l’autre côté de l’échiquier idéologique, certains reprennent espoir dans les vertus d’un système étatiste se substituant à l’économie de marché et rétablissant un illusoire socialisme. Le point commun entre ces deux vues opposées et caricaturales, c’est qu’elles se fondent surtout sur une approche centrale très typique de la culture française. Bref les mêmes remèdes pour tout le monde même si les pathologies sont différentes. Bilan, on ne fait souvent que renforcer les contradictions en ne tenant pas compte de la complexité des interactions et des spécificités des situations. Ce sont ces mêmes économistes macros qui ont imposé à l’Europe ce seuil de déficit limité à 3 % du PIB après en réalité un calcul de coin de table . Il ne s’agit pas de condamner l’apport de la macroéconomie mais de l’insérer dans une approche plus large tenant mieux compte des réalités sociales et économiques voire sociétales. Sans parler des réactions souvent imprévisibles des agents économiques.
Or ces agents économiques notamment les ménages ont déjà intégré la gravité de la conjoncture en réduisant de manière assez drastique les dépenses de consommation. D’où le tassement de la croissance qui risque d’être divisée au moins par deux d’ici la fin d’année ( on attendait 4 % on aura du mal à atteindre 2 %).
La France continue de vivre une sorte de moments de suspension des réalités économiques en raison de la période électorale. Et les experts ressortent les vieux outils rendant notamment responsable les salaires de la hausse de l’inflation. Or cette inflation est née de la progression des prix des matières industrielles et alimentaires, des dysfonctionnements logistiques, des relocalisations et de l’instabilité de l’environnement géopolitique. On ne saurait donc pour l’instant imputer au salaire la responsabilité de cette inflation même si la boucle prix salaires devra être pris en compte. Aujourd’hui la réalité c’est que l’inflation atteint presque 6 % en France alors que le revenu n’ont progressé en moyenne que de 2 %.
Il faut par exemple une sérieuse dose d’hypocrisie et d’incompétence pour rendre les ménages responsables de la hausse des cours du blé dont les prix ont doublé.
0 Réponses à “Crise : les experts dans le brouillard”