Elections législatives :L’hypothèse de la cohabitation
Le sociologue Arthur Guichoux analyse, dans une tribune au « Monde », les effets possibles d’une improbable cohabitation au niveau institutionnel, qui pourrait conduire à une reparlementarisation des institutions dans un régime où la pratique présidentialiste a pris le pas.
Dès le lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon s’est posé comme candidat au poste de premier ministre. Cette déclaration du 19 avril a de quoi surprendre puisque, si on se réfère à l’article 8 de la Constitution, le chef du gouvernement n’est pas élu mais nommé par le chef de l’Etat. Cependant, il est d’usage que celui-ci nomme le leader de l’opposition en cas de rupture du « fait majoritaire ».
Quand la majorité présidentielle n’est plus soudée à la majorité parlementaire, alors se met en place une cohabitation. Cette situation de majorité discordante ne serait pas inédite, puisqu’elle s’est déjà produite à trois reprises (1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002). C’est dans cette direction que pointe le slogan « Jean-Luc Mélenchon premier ministre ». Et si la cohabitation n’était pas une anomalie, mais un retour à la normale ?
Force est de préciser qu’avec la révision quinquennale de 2000 la cohabitation est devenue beaucoup plus improbable. La synchronisation électorale, couplée à un mode de scrutin majoritaire, fait que l’onction présidentielle tend à éclipser les 577 élections législatives. La fin du septennat s’inscrit dans la logique de parlementarisme rationalisé qui remonte aux origines de la Ve République.
C’est peu dire que le premier quinquennat Macron a amplifié cette logique structurelle qui relève davantage de la domestication parlementaire que de la séparation des pouvoirs à la Montesquieu. Tandis que le gouvernement passe de plus en plus de temps à légiférer, le Parlement prend acte tout en investissant davantage sa fonction de contrôle par le biais des commissions d’enquête.
Mais il faut aussi prendre en compte la conjoncture d’une séquence riche en recompositions. Les « éléphants » du Parti socialiste (PS) ont vite houspillé la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), tandis que les membres de la majorité sortante se sont empressés de faire front avec la confédération Ensemble. La mi-temps électorale confirme la tripolarisation du paysage politique entre l’extrême centre (Renaissance, le MoDem et Horizons coalisés sous l’appellation Ensemble), un bloc de gauche (comprenant La France insoumise, Europe Ecologie-Les Verts, le Parti communiste et le PS) et l’extrême droite (qui n’a pas noué d’alliance).
Dans cette configuration inédite, il se pourrait que le match ne reflète pas le score présidentiel, ce qui pose la question épineuse de la cohabitation qui hante la Ve République.
Il n’est pas inutile de clarifier ce que signifie une situation de cohabitation au sommet de l’Etat. Poser la rupture du fait majoritaire comme horizon politique n’est pas un geste anodin ; il convient donc d’en mesurer la portée. Il ne s’agit pas de jouer aux devins, mais d’interroger ce qui pourrait se passer dans les semaines et mois à venir.
0 Réponses à “Elections législatives :L’hypothèse de la cohabitation”