Ukraine : l’union des dictateurs
C’est l’ordre international qui est en jeu pour Alain Frachon, éditorialiste au « Monde . Le camp de la liberté contre celui des dictateurs.
Une sorte d’alliance objective des autocrates contre la démocratie, pour se protéger eux-mêmes des secousses internes
La Chine de Xi Jinping a choisi de soutenir, politiquement au moins, la Russie de Vladimir Poutine. Ce n’était pas obligé. Pékin avait des cartes à faire valoir pour jouer un autre rôle – plus apaisant. Mais, au nom d’une ambition supérieure partagée, Xi a jugé plus important de coller à l’argumentaire de Poutine : dans l’affaire ukrainienne, tout est de la faute de l’OTAN, des Etats-Unis, de ce « collectif occidental » sans cesse plus menaçant à l’égard de Moscou – pas un souffle de nuance dans un discours de combat mouliné à satiété par toute la machine de propagande chinoise.
Pourquoi ? Parce que la Russie est l’amie, la camarade de combat dans une bataille menée pour façonner un « nouvel ordre international », pour changer les relations entre Etats au XXIe siècle et pour entrer dans une « nouvelle ère » qui verra la fin du leadership occidental instauré en 1945. La guerre en Ukraine, c’est bien dommage, mais l’intérêt supérieur de Pékin est de sceller dans l’épreuve un partenariat avec la Russie au service d’un objectif précis : créer un environnement international favorable au mode de gouvernement autocratique.
A l’opposé, le président Joe Biden inscrit le soutien apporté à l’Ukraine par les Etats-Unis et leurs alliés dans la lutte opposant démocraties et autocraties – confrontation qu’il juge déterminante pour l’avenir du siècle. Invité début mai au Festival du Financial Times à Washington, Henry Kissinger, 98 ans, dont une bonne partie au service de l’école real-politicienne, laisse, discrètement, entendre qu’il ne reprendrait pas à son compte la formule de Biden. On imagine que l’ancien secrétaire d’Etat referait plus volontiers le « coup » de 1972 : cultiver Pékin contre Moscou…
Mais Kissinger ne nie pas l’offensive diplomatico-idéologique que la Chine mène contre l’Occident sur la scène internationale. Cette campagne, souvent conduite dans un jargon dont la légèreté n’est pas la qualité première, est admirablement racontée par la sinologue Alice Ekman, de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (EUISS), dans la publication « China and the Battle of Coalitions » (Chaillot Paper).
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