Proche Orient: ça bouge !
Nouvelle génération de dirigeants au Qatar, à Oman et aux Emirats arabes unis, reprise de contacts entre anciens pays ennemis… Les lignes bougent à grande vitesse au Proche-Orient. Dans sa chronique, Gilles Paris, éditorialiste au « Monde », en explique les ressorts.
Tamim Ben Hamad Al Thani avait été le premier au Qatar, en 2013, suivi par Haitham Ben Tareq Al Saïd à Oman, en 2020, puis désormais par Mohammed Ben Zayed Al Nahyane, aux Emirats arabes unis, après une régence de fait de huit ans. Lorsque le véritable homme fort de l’Arabie saoudite, le prince héritier Mohammed Ben Salman Al Saoud, succédera officiellement à l’actuel souverain, dernier fils du fondateur du royaume à avoir régné, une nouvelle génération de dirigeants sera aux commandes des monarchies les plus influentes de la péninsule Arabique.
Elle est déjà aux prises avec une situation incertaine, illustrée au cours des derniers mois par des tentatives apparentes de réalignement tous azimuts après une petite guerre froide régionale qui a opposé un axe liant Abou Dhabi et Riyad, étendu au Caire, à celui composé par Ankara et Doha. Les différends étaient alimentés à la fois par la relation à l’Iran et le rapport à l’islam politique, perçus comme des menaces existentielles par le premier camp.
Surnommé « MBZ » du fait de ses initiales, le prince héritier devenu émir d’Abou Dhabi et président de la fédération de sept monarchies a été l’artisan d’une stratégie agressive. Il rompait avec la réserve traditionnellement observée précédemment par les responsables émiratis, tout en imposant chez lui une répression inédite des voix dissidentes. Il a joué alors un rôle de mentor auprès de son jeune homologue saoudien, bien moins aguerri. Les résultats contestables de son activisme l’ont cependant progressivement contraint à en rabattre.
Depuis l’aveu d’échec du blocus imposé au Qatar de juin 2017 à janvier 2021, les signes de détente se multiplient. Après des années de relations glaciales, à partir de l’assassinat et du démembrement d’un dissident saoudien, Jamal Khashoggi, en 2018, dans le consulat du royaume à Istanbul, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a effectué une visite remarquée à Djedda, le 29 avril, au cours de laquelle il a renoué avec Mohammed Ben Salman, mis en cause par le renseignement des Etats-Unis pour la mort du dissident.
Ce déplacement est intervenu deux mois après une première visite à Abou Dhabi, longtemps en froid avec Ankara en raison du soutien turc apporté aux mouvements islamistes dans la foulée des « printemps arabes » de 2011. Le prince héritier émirati s’était déjà rendu en Turquie quatre mois auparavant.
La presse officielle iranienne a également fait état, en avril, d’une reprise de contacts entre Saoudiens et Iraniens à Bagdad, facilitée par le traditionnel intermédiaire omanais. Un mois plus tôt, le président syrien, Bachar Al-Assad, avait, lui aussi, effectué le déplacement aux Emirats arabes unis, qui lui avaient offert le luxe d’un retour dans le concert des nations arabes après une décennie d’isolement liée à la répression aveugle du soulèvement de son peuple, et à son alignement total sur l’Iran.
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