Société et transition démographique
Perte d’autonomie, solitude, paupérisation… Face aux défis liés au vieillissement de la population auxquels sera confronté le président de la République, Alain Villez et Yann Lasnier, responsables des Petits Frères des pauvres, plaident, dans une tribune au « Monde », pour une hausse du minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté.
Les Français viennent de confier à Emmanuel Macron un nouveau mandat de cinq ans à la tête du pays. Les défis sont multiples et les transitions sont au cœur des enjeux à relever. Alors que, sous ce quinquennat, Catherine Deneuve, Jacques Dutronc, Michel Polnareff, Françoise Hardy, Daniel Cohn-Bendit, Alain Souchon, Jane Birkin, Michel Drucker, Pierre Arditi, Roselyne Bachelot, Michel Denisot, Eva Joly, Sylvie Vartan, Daniel Pennac et Jean-Louis Debré fêteront leur 80e anniversaire, tout comme plus de 2 millions de leurs concitoyens, l’un de ces enjeux est celui de la transition démographique.
Ces nouveaux octogénaires se rajouteront aux quatre millions de 80 ans et plus vivant actuellement en France. Les soixante ans et plus sont déjà plus nombreux que les moins de vingt ans, et nous allons connaître un bouleversement démographique de première importance, avec une personne sur trois qui sera âgée de soixante ans ou plus en 2050, soit une hausse de 80 % en quarante-cinq ans, changeant le visage de la France.
Dans ce contexte, vieillir en France n’apparaît pas comme une chose aisée pour nombre de nos concitoyens. Au-delà des problématiques liées à la perte d’autonomie, de plus en plus d’aînés, souvent les plus démunis, vivent cette étape de leur vie dans une profonde solitude. Comme notre dernier baromètre l’a démontré, 530 000 personnes âgées sont en situation de mort sociale en 2021, alors qu’elles étaient 300 000 en 2017, et 2 millions d’aînés sont isolés des cercles familiaux et amicaux en 2021, alors qu’ils étaient 900 000 en 2017 (« Baromètre solitude et isolement : quand on a plus de 60 ans en France en 2021 »).
Cette dégradation des liens sociaux s’accompagne d’un délitement plus global de la perception culturelle et sociale des aînés dans notre pays. Les discriminations liées à l’âge vérolent notre société. Nous n’avons malheureusement que trop pu le constater durant la campagne présidentielle : la place prise par les personnes âgées dans le jeu démocratique a fait l’objet de critiques infondées, injustes quand elles n’étaient pas injurieuses, notamment sur les réseaux sociaux.
Alors que le pacte entre les générations se fragilise, il est de la responsabilité du chef de l’Etat et de celle de l’ensemble des pouvoirs publics de prévenir toute initiative qui serait de nature à fracturer encore un peu plus notre cohésion sociale.
De ce point de vue, la réforme des retraites pourrait être porteuse d’un certain nombre de risques. Si la cinquième branche de la Sécurité sociale, créée sous le précédent quinquennat, doit disposer des moyens nécessaires, il nous apparaît dangereux d’expliquer que cette réforme est indispensable pour financer les aides à l’autonomie avec le risque, dans le contexte déjà âgiste dans lequel nous vivons, de laisser croire à plusieurs générations qu’elles vont devoir travailler plus longtemps « à cause des vieux ».
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