La gauche : panne d’imaginaire ou de réel ?

La gauche : panne d’imaginaire ou  de réel ?

Un livre qui pose de vraies questions mais qui pourraient en partie être résolues si la gauche réelle était présente au côté des bobos et autres fonctionnaires qui dirigent les partis de gauche.

Interview du philosophe Michaël Foessel dans »Le monde »

Philosophe, professeur à l’Ecole polytechnique, Michaël Fœssel a notamment publié La Nuit. Vivre sans témoin (Autrement, 2018) et Récidive. 1938 (PUF, 2019). Auteur récemment de Quartier rouge. Le Plaisir et la gauche (PUF, 204 p., 17 euros), essai destiné à retrouver la dimension politique et subversive du plaisir, il analyse la façon dont « les idéaux de justice sociale et écologique cessent d’être punitifs quand ils sont à la source d’expérimentations sensibles heureuses ».

 

La gauche semblait, selon vous, bouder le plaisir. L’a-t-elle retrouvé et a-t-elle réussi à en donner avec cette Nouvelle Union populaire écologique et sociale ?

Une des dimensions de l’art politique est de transformer les défaites présentes en promesses de victoires. Avec toutes les précautions qui s’imposent, la comparaison entre la situation actuelle de la gauche et le Front populaire peut se justifier à ce niveau. Le Front populaire est né d’une réaction au 6 février 1934, lorsque la menace d’extrême droite est devenue perceptible. Le désir de trouver un débouché positif au rejet du nationalisme identitaire joue aussi un rôle dans la reconfiguration actuelle. Beaucoup d’électeurs de gauche sont las de devoir éliminer à la dernière minute l’extrême droite des urnes sans que ne soient jamais combattues sérieusement les causes de son succès.

On ne sait pas encore si, au-delà des jeux d’appareil, cette démarche unitaire suscitera de l’enthousiasme. Mais on peut se souvenir qu’en 1936 la victoire du Front populaire s’est accompagnée d’une forme d’allégresse collective, que la gauche pourrait revivre. A propos des occupations d’usine où le plaisir a subitement investi les lieux dévolus au labeur, la philosophe Simone Weil (1909-1943) évoquait « la joie de vivre, parmi ces machines muettes, au rythme de la vie humaine ». Aujourd’hui comme hier, les passions joyeuses sont le meilleur antidote aux passions tristes.

 

On disait les gauches « irréconciliables ». Etait-ce une illusion ou bien la gauche a-t-elle compris que le temps du dépassement de l’opposition entre le social et le sociétal était désormais venu ?

Seule une opposition abstraite entre le social et le sociétal rend les gauches « irréconciliables ». Selon un schéma désormais éprouvé, la gauche radicale s’empare du premier et la gauche réformiste se consacre au second. Plus récente et encore plus absurde, la distinction entre la « gauche quinoa » et la « gauche carnivore » politise la question des mœurs d’une manière particulièrement abstraite. Il est pourtant facile de voir que l’alimentation se situe au point de rencontre entre le social et le sociétal. La nourriture engage aussi bien une réflexion en termes de production industrielle et de partage des richesses qu’un examen de nos modes de vie confrontés à la crise écologique. Le marqueur principal de la gauche est l’égalité. Or, l’égalité entre les formes de vie ne se laisse pas séparer de l’égalisation des conditions économiques. A ce titre, il ne sert à rien de convaincre les plus pauvres de modifier leurs habitudes alimentaires tant qu’ils percevront ces habitudes comme une forme de résistance à un monde dont les évolutions les inquiètent.

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