Les dangers de l’interdépendance économique

Les dangers de l’interdépendance économique

L’économiste Isabelle Bensidoun observe que l’attaque russe rebat les cartes du commerce mondial et démontre que les seuls critères économiques ne peuvent guider les choix d’internationalisation.

 

Isabelle Bensidoun est économiste, adjointe au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii), coautrice, avec Enzo (dessinateur) et Sébastien Jean, de La Folle Histoire de la mondialisation (Les Arènes BD, 2021).

Crise financière en 2008, sanitaire en 2020, géopolitique aujourd’hui avec la guerre en Ukraine… La mondialisation, qui promettait d’apporter la paix, la prospérité et la démocratie grâce à l’extension continue des liens économiques entre les peuples, n’a-t-elle pas atteint ses limites ?

Il y a quinze ans, la crise financière est venue en effet mettre un terme à la phase d’hypermondialisation qui dominait depuis les années 1990, portée par des règles conçues pour faciliter le commerce et la finance. La libéralisation toujours plus poussée était supposée apporter la prospérité et, à sa suite, la libéralisation politique. S’y est substituée non pas une phase de démondialisation mais de « moudialisation » caractérisée par un ralentissement de la dynamique des flux internationaux de marchandises et de capitaux.

Dans le même temps, les certitudes quant aux bienfaits de la mondialisation se sont effritées. Plus question de proclamer que la mondialisation n’est pas coupable – car elle l’est – d’avoir détruit des emplois industriels dans les pays avancés, même si elle permettait dans le même temps de baisser les prix. Quant aux espoirs de voir libéralisation économique rimer avec libéralisation politique, il a bien fallu se rendre à l’évidence qu’il ne fallait pas y compter.

Plus question non plus, depuis la crise sanitaire, de vénérer les interdépendances lorsqu’elles viennent nous rappeler qu’elles sont sources de vulnérabilité. Les pénuries de masques, de réactifs ou de médicaments ont suffisamment marqué les esprits pour que les demandes de protection des citoyens se multiplient et que les contestations de la mondialisation connaissent une progression significative. La part des Français qui estiment que la mondialisation est une menace pour notre pays est passée de 49 % en 2017 à 60 % en septembre 2020, et celle qui estime que la France devrait se protéger davantage de 53 % à 65 %.

Cette déception n’atteint-elle pas également les entreprises, y compris multinationales, et par ricochet les politiques économiques des grands pays ?

La croyance dans la fluidité des chaînes d’approvisionnement a en effet été elle aussi bousculée lorsque, avec les sorties du confinement et la reprise de la demande, l’acier, les semi-conducteurs, le bois, le papier… sont venus à manquer, mettant à mal les industries du monde entier. De quoi remettre en cause les avantages de la fragmentation des étapes de production à l’échelle mondiale, qui certes permet de réduire les coûts, mais se révèle très vulnérable à la défaillance d’un des maillons de la chaîne. Et ce d’autant plus que la production de certaines de ces étapes est très concentrée géographiquement. S’ajoute à cela le manque de transparence de ces chaînes de valeur mondiales.

0 Réponses à “Les dangers de l’interdépendance économique”


  • Aucun commentaire

Laisser un Commentaire




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol