Inflation :Une refonte indispensable du système social et fiscal
Il ne peut y avoir de protection du pouvoir d’achat des faibles revenus sans une refonte totale de notre système social et fiscal, estiment les économistes Yann Coatanlem et Antonio de Lecea, dans une tribune au « Monde ».
La question du pouvoir d’achat est, aujourd’hui, en tête des préoccupations des Français et l’accélération de l’inflation, tout comme la volatilité actuelle des prix de l’énergie renforcent le sentiment d’insécurité. Mais il faut prendre garde aux solutions politiques simplistes : les protestations contre la vie chère recoupent en fait des problématiques multiples, qu’il faut traiter individuellement, mais aussi suivant une stratégie d’ensemble cohérente.
Le manque de pouvoir d’achat souffre d’abord d’un trop-plein de « pouvoir de marché » d’entreprises qui profitent d’un cadre concurrentiel devenu inadapté. Le top 10 % des entreprises au rendement le plus élevé ont aujourd’hui un taux de rendement cinq fois plus élevé que le taux médian, alors que ce ratio était plus proche de deux il y a vingt-cinq ans. Les 10 % des entreprises les plus profitables ont vu leurs marges augmenter de 35 % depuis le début des années 2000, alors qu’elles ont stagné pour les autres entreprises, et leur profitabilité s’accroître de 50 % de plus que les autres. Le top 1 % des entreprises les plus exportatrices représentent 67 % de l’ensemble des exportations. Le top 1 % des firmes détentrices de brevets contrôle 91 % du total des brevets. Cette concentration de plus en plus extrême doit pousser les pouvoirs publics à revoir la politique de concurrence pour éviter la constitution de ces véritables impôts privés que sont les distorsions de prix et les rentes de monopoles, ou encore à faire payer aux entreprises les coûts d’environnement et d’infrastructure supportés par les budgets publics.
Par ailleurs, les crises à répétition, qu’elles soient sanitaires, économiques, climatiques ou géopolitiques, ont touché de manière disproportionnée les plus défavorisés. Durant la pandémie de Covid, on a recouru à un arsenal d’aides qui ont certainement atténué l’impact économique de la crise, mais dont le manque de ciblage suffisamment précis a pu, dans certains cas, créer des situations injustes et alourdir les déficits publics. De même, si dans la lutte contre la hausse du prix de l’essence, des aides d’urgence de l’Etat et des régions apparaissent nécessaires, elles contredisent l’impact de la taxe carbone dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Ces risques dérivés de l’action d’urgence seraient considérablement amoindris si l’on disposait d’une approche des crises ex ante, c’est-à-dire des filets de sécurité offrant une garantie raisonnable de ne pas être laissé sur le carreau. Le revenu universel peut jouer ce rôle d’amortisseur, avec l’avantage non négligeable de changer la psychologie des anticipations : avec moins de peur du lendemain, on peut davantage prendre de risques personnels qui contribuent à la prospérité du pays et les citoyens peuvent mieux accepter des choix politiques de long terme.
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