Gauche : une apparence de rassemblement
L’accord conclu entre La France insoumise, EELV, le PCF et le PS est moins un programme de gouvernement, contrairement à ce que ses promoteurs disent, qu’une union électoraliste pour devenir la principale force d’opposition à Emmanuel Macron estime un papier du » Monde » .
Les électeurs de gauche ont tranché le 10 avril. En propulsant le candidat de La France insoumise à seulement 420 000 voix d’un second tour face à Emmanuel Macron, ils ont fait de Jean-Luc Mélenchon le maître du jeu au sein de leur camp. Ce faisant, ils ont validé son pari tactique qui a consisté à négliger une introuvable unité avant la présidentielle pour mieux l’imposer à ses conditions après cette dernière.
La manœuvre a été exécutée en un temps record depuis le 24 avril, permettant de transformer, du moins en apparence, la troisième défaite d’affilée de l’ancien socialiste en tremplin vers un « troisième tour ». Il s’agit de celui des élections législatives, fixées au 12 et 19 juin, qui promettent d’être plus disputées qu’anticipé, même si la coalition présidentielle en reste la favorite.
Ce regroupement à gauche a une apparence et une réalité. L’apparence est celle d’une union qui pousse ses architectes et ses supporteurs à convoquer bruyamment l’Histoire en traçant des parallèles avec le Front populaire de 1936, l’Union de la gauche adossée au programme commun de gouvernement de 1972 et la gauche plurielle de 1997, synonymes à chaque fois de conquête du pouvoir.
La réalité est un accord purement électoraliste qui a pour objectif, pour chacun des participants, soit de limiter ses pertes, soit de maximiser ses gains. Les écologistes, les communistes et les socialistes, affaiblis par les scores piètres, voire désastreux, de leurs candidats respectifs au soir du 10 avril, n’ont eu d’autre solution que le premier calcul. Le second est celui que fait La France insoumise, qui avait dû se contenter de dix-sept sièges de députés en 2017, alors que le Parti socialiste, pourtant laminé au premier tour de la présidentielle, en avait obtenu bien plus.
Le résultat est donc le produit de marchandages inhérents à la politique, dans lesquels est également entré en considération l’accès au financement public (en fonction du nombre de candidats présentés et élus), ou encore la capacité de se constituer en groupe à l’Assemblée nationale (le seuil est de quinze parlementaires).
Le Canossa des défaits a non seulement été illustré par le faible nombre de circonscriptions électorales favorables qui leur a été alloué, mais également par un alignement sur les exigences programmatiques de La France insoumise. Finalement, la somme des contorsions sémantiques, des silences assourdissants, ou bien des reniements consentis par les écologistes et les socialistes, principalement à propos de l’Union européenne, pèse lourd.
Cela n’en fait cependant pas un programme de gouvernement, contrairement à ce que Jean-Luc Mélenchon va probablement s’efforcer de faire accroire pour combattre une abstention qui pourrait tout particulièrement le pénaliser en juin. Si on lui applique l’analyse qu’il a été prompt à développer, le vote utile à gauche qui a porté le chef de La France insoumise au premier tour ne vaut sans doute pas plus adhésion à son programme de rupture que celui qui a permis la réélection d’Emmanuel Macron.
Même en écartant le facteur aggravant des détestations recuites et réciproques, les divergences entre les familles de la gauche exprimées pendant la campagne présidentielle sont réelles, profondes et insolubles dans une campagne législative. L’objectif de devenir la principale force d’opposition au président réélu peut permettre de s’en accommoder, tant bien que mal, à titre provisoire. Pas celui d’exercer les responsabilités.
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