Ukraine et risque de famine mondiale
La faim guette dans de nombreux endroits du monde dépendant du blé ukrainien avertissent Galia Ackerman et Philippe de Lara, deux spécialistes qui appellent les pays occidentaux à protéger les cargos céréaliers. Au bout de la chaîne ce sont surtout les populations et les pays pauvres qui vont payer la facture des produits qu’elles importent en grande partie.
La barbarie destructrice de la Russie tente de rayer l’Ukraine de la carte, mais elle frappe aussi le monde entier. Les pénuries et la récession qui ont commencé ne sont rien à côté des famines à venir : selon le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, le conflit pourrait entraîner un « effondrement du système alimentaire mondial », « un ouragan de famine ».
La guerre empêche en effet l’Ukraine d’exporter les céréales et autres denrées qui débordent dans les silos, tandis que les exportations russes sont entravées par divers problèmes internes et par la volonté de la Russie d’augmenter ses stocks, au détriment de ses voisins du Caucase qu’elle fournissait habituellement et, a fortiori, de tous les pays dépendant de ses exportations. Or, l’Ukraine et la Russie pèsent ensemble 29 % du commerce mondial du blé. L’Ukraine fournit à elle seule près de la moitié de l’approvisionnement en blé du Programme alimentaire mondial. En temps normal, l’Ukraine produit suffisamment pour nourrir 400 millions de personnes dans le monde.
L’ONU a supplié la Russie de lever le blocus des ports ukrainiens pour permettre d’acheminer les céréales vers les pays qui en ont un besoin vital. La Russie n’a même pas répondu. Or, le président russe, Vladimir Poutine, sait parfaitement les désastres qui se produiront, dès l’automne et plus encore en 2023, si l’Ukraine ne peut pas exporter ses céréales et semer pour la prochaine récolte. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), « de huit à treize millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de sous-nutrition à travers le monde en 2022-2023. La progression de la malnutrition sera particulièrement marquée dans les régions d’Asie-Pacifique et d’Afrique subsaharienne ». Le directeur général de la FAO, Qu Dongyu, a ajouté, dans un communiqué, que « l’Egypte, la Turquie, le Bangladesh et l’Iran, qui sont les plus grands importateurs de blé, achètent plus de 60 % de leur blé à l’Ukraine et à la Russie, et en importent des quantités très importantes. Le Liban, la Tunisie, le Yémen, la Libye et le Pakistan sont eux aussi fortement dépendants de ces deux pays pour leur approvisionnement en blé ».
Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, Michael Fakhri, a exhorté Moscou à « arrêter immédiatement les attaques militaires contre l’Ukraine, avant qu’il n’y ait de profondes conséquences mondiales et à long terme sur la sécurité alimentaire de chacun ». Il estime que « la nourriture ne devrait jamais être militarisée et aucun pays au monde ne devrait être poussé à la famine et au désespoir » et redoute également que cette guerre ne provoque des taux d’insécurité alimentaire importants en Ukraine, et augmente la sous-nutrition en Russie. « Même si la guerre fait rage, la communauté internationale doit accorder une attention particulière au soutien des exploitations agricoles familiales et des petits agriculteurs en Ukraine, [car] les exploitations familiales et les petits agriculteurs se révèlent être les plus adaptables et les plus résilients en temps de crise. »
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