Même électrique , l’automobile concept obsolète
Un collectif de chercheurs et d’acteurs du monde associatif, emmené par l’urbaniste et spécialiste des transports Frédéric Héran, voit dans l’automobile un modèle aujourd’hui dépassé. Il faut s’engager résolument dans une politique de réduction progressive de son usage et aider au passage à des véhicules alternatifs.(« Le Monde »)
Tribune.
L’avenir de l’automobile s’assombrit. La situation actuelle n’est déjà guère brillante et elle devrait encore empirer dans quelques années, au vu des évolutions majeures en cours.
La plupart des politiques publiques actuelles tendent à prolonger l’usage dominant de la voiture dans notre mobilité, au nom de la sauvegarde d’un secteur, des emplois qu’il génère et de la préservation de nos habitudes de déplacement souvent contraintes par un urbanisme diffus. Des dizaines de milliards d’euros y sont consacrés : soutien au secteur pendant la pandémie, subventions à l’achat de voitures électriques et à l’installation de bornes de recharge, investissements dans la filière hydrogène et dans la voiture autonome, remise sur le coût des carburants, relance des projets routiers…
Pourtant, ces politiques mènent à une impasse. La voiture connaît d’abord une hausse sensible de son prix : + 15 % depuis trois ans, + 30 % depuis dix ans (selon L’Argus). Des facteurs conjoncturels bien connus expliquent cette dérive : accroissement du coût des matières premières, des composants électroniques, de l’énergie et du transport maritime en lien avec la pandémie et la guerre en Ukraine.
Des facteurs structurels moins médiatisés sont aussi en cause : renforcement des normes écologiques et sécuritaires, exigences accrues des consommateurs en matière de design, de confort, d’équipements et d’agrément de conduite, stimulation de ces désirs par les constructeurs à coups de publicité et de liste d’options, afin de monter en gamme et d’accroître les marges. Ainsi, les SUV (sport utility vehicles, « véhicules utilitaires à caractère sportif ») – 46 % des ventes depuis janvier 2022, selon AAA Data – ne sont pas plus coûteux à construire que les berlines, mais les clients acceptent de les acheter plus cher.
Jusqu’à ces dernières années, la hausse du pouvoir d’achat, les ventes à crédit, les formules de location, le développement des flottes d’entreprise permettaient d’écouler ces véhicules de plus en plus coûteux. Mais ce temps est révolu. Le pouvoir d’achat est en berne, l’inflation érode les revenus, les entreprises cherchent à réduire leur flotte, seuls les ménages les plus riches peuvent encore s’acheter des voitures neuves, et même le marché de l’occasion est désormais tendu.
Plus grave, les matières premières s’épuisent et leur coût aura inévitablement tendance à s’élever, car la demande en métaux et en ressources énergétiques s’accroît, alors que les gisements miniers et d’hydrocarbures les plus anciens et les plus rentables ferment. Quelles matières manqueront en premier ? Dans quelle mesure des solutions de substitution ou l’amélioration du recyclage parviendront-elles à ralentir cette évolution ?
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