Climat: La politique du gouvernement dans le brouillard
Par Irène Inchauspé dans » l’Opinion »
La complexité des dispositifs et instances chargés du climat rend illisible la politique menée dans ce domaine .
Le gouvernement a répondu avec retard au Conseil d’Etat qui l’avait sommé de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Saisi par Grande-Synthe, commune du littoral du Nord qui s’estime menacée par la montée du niveau de la mer, le Conseil d’Etat avait donné en juillet 2021 neuf mois au gouvernement pour « prendre toutes mesures utiles » afin de ramener les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique, à un niveau compatible avec les objectifs de la France en la matière, soit une baisse de 40% d’ici 2030 par rapport à 1990. Le gouvernement n’a pas respecté l’ultimatum fixé au 31 mars, dix jours avant le premier tour de l’élection présidentielle. L’exécutif n’a transmis sa réponse à la plus haute juridiction administrative que mercredi 4 mai. Le document récapitule l’ensemble des textes adoptés depuis 2017 pour « décarboner » la France et rappelle tous les dispositifs et instances mises en place pour cela. Un ensemble si touffu qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits
Petit exemple de cette complexité : le gouvernement a lancé le 11 octobre 2021 les travaux d’élaboration de la future Stratégie française sur l’énergie et le Climat (SFEC), nouvelle feuille de route vers la décarbonation à l’horizon 2050. Cette stratégie, précise le ministère de la Transition écologique, sera constituée de la toute première loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), de la troisième Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC3 ), du troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3), et de la troisième PPE (PPE 2023-2033)… Le futur Premier ministre en charge de la planification écologique aura déjà fort à faire avec ce chantier.
Pour l’instant, nous en sommes à la deuxième Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC2). Pour améliorer le pilotage de cette stratégie, le ministère de la Transition écologique explique que « le gouvernement a souhaité doter la France d’un ensemble complet d’outils… qui constituent un cadre pionnier au niveau mondial ». Il l’a peut-être souhaité, mais il n’y est pas encore parvenu. Premier rouage du dispositif : leHaut Conseil pour le Climat. Il dispose de très peu de moyens : un secrétariat permanent composé de six personnes et un budget annuel de fonctionnement de 500 000 euros. La comparaison est cruelle avec le Climate Change Committee (CCC) anglais, considéré aujourd’hui dans le monde comme l’exemple de la meilleure pratique d’expertise indépendante au service de la gouvernance climat. Avec plus de six ans d’existence, il dispose d’un budget de 3 à 4 millions d’euros, compte neuf experts et 35 salariés. Preuve aussi que le reste du monde ne nous a pas attendus pour mettre en place ce type d’organes.
La France a également porté la mise en place d’un « HCC européen »… On espère qu’il fonctionnera mieux. A côté de cela, nous avons aussi un Conseil de défense écologique, qui « permet de faire trancher au plus au niveau les décisions nécessaires pour inscrire la transition écologiquedans les politiques menées dans chaque ministère ». D’une efficacité contestable aussi. « Les plans climat demandés en mai dernier par Matignon doivent sortir très rapidement des ministères, sachant qu’à ce jour seulement trois sur dix ont rendu leur copie », a ainsi taclé le HCC en décembre dernier. Non seulement ces instances ne sont pas efficaces, mais en plus, elles se tirent dans les pattes. Présidé parEmmanuel Macron, le Conseil de défense écologique doit se réunir une fois par an, « ce qui n’a pas été le cas en 2021 », ajoute le HCC. Le président de la République a déclaré vouloir changer de méthode ? Une bonne chose serait de rendre visible et compréhensible la politique climatique en la simplifiant.
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