Macron II: Pour un quinquennat de la fraternité ?
A l’isolement social que subissent les plus fragiles s’ajoute le repli sur soi et sur le cercle restreint des relations familiales, s’alarme dans une tribune au « Monde » l’ancien délégué général des Petits Frères des pauvres, qui réclame une action forte de l’Etat.
Une valeur défendue notamment par les petits frères des pauvres qui n’a guère trouvé sa place dans les programmes politiques des organisations et qui pourtant pourrait redonner un peu de sens et de cohérence à une société en voie d’archipélisation. NDLR
Depuis des années, nous voyons s’intensifier de manière spectaculaire l’isolement social. En janvier 2020, avant même le premier confinement, 14 % des Français de plus de 15 ans souffraient de pauvreté relationnelle, soit plus de 7 millions de personnes. La proportion des jeunes souffrant d’isolement social est passée de 2 % en 2010 à 12 % en 2020 ! L’Observatoire des Petits Frères des pauvres identifie qu’en 2016, 300 000 personnes âgées étaient en « mort sociale ». Elles sont 530 000 en 2021, l’équivalent de la ville de Lyon !
Deux phénomènes se rejoignent. Le premier est l’isolement social que subissent les plus fragiles : les plus âgés, les plus pauvres, les personnes en situation de handicap, les parents solos en souffrent deux fois plus que les autres. Le second est le repli sur soi, sur son domicile et le cercle restreint de ses relations familiales, d’une population qui se protège des interactions sociales qu’elle considère de plus en plus comme une menace. On observe en effet une perte vertigineuse de la confiance en autrui (− 11 points en trois ans).
Ces deux phénomènes se conjuguent et se renforcent. Ils sont à la racine de la crise identitaire : lorsque quelqu’un ne compte plus pour personne, il n’y a plus de confirmation de son existence dans le regard de l’autre. Ils nourrissent l’épidémie de méfiance : lorsque l’on n’a personne sur qui compter en cas de difficulté, on est vite envahi par les inquiétudes et les peurs. Ils distillent, enfin, un sentiment douloureux de ne servir à rien ni à personne car enfin, pourquoi participer à la vie sociale si personne ne compte sur vous ?
La priorité sociale des inexistences
Ce sont ces relations invisibles que nous tissons entre nous, réciproques et gratuites, qui nous tiennent ensemble. Elles produisent de la considération, de la réassurance, de l’entraide, de la protection, de la traduction du monde, de l’hospitalité. Ce sont d’abord elles qui manquent aujourd’hui à des millions de Français qui ne disposent plus, de ce fait, de certaines ressources impératives pour se constituer en tant que personne et accéder aux soins élémentaires et à la vie sociale. Au-delà de la lutte contre les inégalités, une nouvelle priorité sociale émerge aujourd’hui, celle des inexistences.
Les discours et les jeux politiques ne font pas place à cette crise de la fraternité. D’abord, parce qu’ils sont fondés sur des forces, la violence et la domination, contraires à l’émergence même d’une proposition politique de fraternité. Ensuite, parce que ce besoin social est indicible et peut difficilement se cristalliser en revendications.
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