Santé : Changer de business model

Santé : Changer de business model

 

Entre le pari risqué de prescriptions « à l’aveugle » et l’échec annoncé des nouveaux antibiotiques, le consultant Jacques Marceau explique, dans une tribune au « Monde », que la réponse est dans la construction d’un nouveau business model, à l’opposé de celui qui a cours dans l’industrie pharmaceutique.

 

Tribune.

 

Alors que la pandémie de Covid-19 polarise la recherche mondiale et concentre ses moyens sur la virologie, les ravages causés par les infections bactériennes et l’antibiorésistance continuent de croître en silence. Bien que considérée comme un problème de santé publique majeur et récemment élevée au rang des priorités santé de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, l’antibiorésistance ne fait toujours pas, et de toute évidence, l’objet de moyens de lutte à la hauteur de ses enjeux.

Une impéritie qui en rappelle une autre, récente mais déjà oubliée, de l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), en 2002-2003, du plan de prévention qui s’est ensuivi et de son abandon progressif pour des raisons d’économies, laissant la France sans masques ni capacité de production avec les conséquences dramatiques que l’on connaît. Une leçon qui démontre que ce qui semblait coûteux à court terme aurait permis de limiter les effets désastreux de cette pandémie.

Récemment publié par la Fondation Concorde, un rapport intitulé « Mieux cibler l’antibiothérapie : un impératif majeur pour notre système de santé » estime, outre les drames humains et les conséquences sociétales désastreuses d’une crise de santé bactériologique liée au développement de pathogènes résistants aux antibiotiques, à plus de 600 millions d’euros un surcoût annuel pour notre système de santé directement imputable aux infections bactériennes chroniques. Ceci, bien entendu, sans prendre en compte la catastrophe sanitaire annoncée d’une impasse thérapeutique que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) prédit pour 2050, si toutefois aucune mesure significative n’est prise d’ici là.

Ainsi, il est légitime de se poser la question du pourquoi ce coût exorbitant et cette prise de risque ne font pas l’objet, au-delà de bonnes intentions et d’autres recommandations de bonnes pratiques, d’un plan de bataille ambitieux sous-tendu par une vraie stratégie industrielle ?

Si les pouvoirs publics ont réussi à freiner un recours trop systématique aux antibiotiques à force de campagnes de sensibilisation (« les antibiotiques c’est pas automatique »), il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la pertinence de leur prescription. Car cette dernière est encore probabiliste, c’est-à-dire qu’elle fait l’objet d’un « pari » antibiotique : « On va essayer ça, et si ça ne fonctionne pas… on changera ». Et ce n’est qu’en cas de « pari perdu » que le test diagnostique (l’antibiogramme), disponible en général quarante-huit à soixante-douze heures après prélèvement, sera consulté.

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