Boris Johnson ou le mépris du droit !
Aurélien Antoine, professeur de droit public et spécialiste du droit britannique, estime dans une tribune au « Monde » que le premier ministre britannique, empêtré dans le « partygate », s’est fait une règle de mépriser l’Etat de droit, une habitude contraire aux traditions des tories.
Boris Johnson n’est certainement pas un tory authentique. Par ses violations répétées du droit, il renie l’un des fondements de la doctrine conservatrice outre-Manche, largement partagé par les autres partis, qui réside en l’attachement profond au principe de l’Etat de droit.
L’actuel premier ministre a été qualifié de populiste par son rapport particulier à la réalité. Sans prétendre trancher le débat de la définition du populisme, le point commun entre Boris Johnson, le premier ministre hongrois Viktor Orban, le président polonais Andrzej Duda, Marine Le Pen ou Donald Trump est avant tout la relation presque pathologique qu’ils entretiennent avec la règle de droit. Arguant d’une légitimité issue d’un peuple dont l’unité est contestable, toutes ces personnalités pensent pouvoir s’abstraire des normes, y compris les plus fondamentales.
L’œuvre de Boris Johnson depuis qu’il est entré en fonction en juillet 2019 est édifiante sur le terrain du principe de l’Etat de droit, qui est l’une des valeurs cardinales de la société britannique. D’abord influencé par l’éminence sombre que fut l’ancien conseiller Dominic Cummings, le premier ministre a multiplié les atteintes à la Constitution et au droit international. En 2019, la décision de proroger le Parlement en pleine crise sur l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) a été sévèrement sanctionnée par la Cour suprême.
Toujours dans le cadre du Brexit, la tentative de Boris Johnson de s’extraire des contraintes du protocole nord-irlandais, notamment par le dépôt d’un projet de loi en septembre 2020 sur le marché intérieur britannique, avait conduit la Commission européenne à engager une procédure en manquement qui sera finalement abandonnée, comme d’autres. Dominic Cummings lui-même a dû quitter ses fonctions en raison des atteintes aux règles de confinement lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19.
Avec son départ, certains espéraient que Boris Johnson allait faire preuve de plus de pondération juridique. Force est d’admettre qu’il est tombé de Charybde en Scylla. Il est bien aidé en cela par deux ministres qui ne cachent pas leur admiration pour Margaret Thatcher, Priti Patel et Dominic Raab. La première brille par son manque d’humanisme et, bien que fille d’émigrés indiens, est plus royaliste que le roi dans le traitement de la question migratoire. En concluant un accord début avril avec le Rwanda pour « délocaliser » la gestion des flux d’immigrés clandestins, tout en le présentant comme une solution respectueuse de leurs droits, la ministre de l’intérieur a battu un record de cynisme sur ce sujet tragique. La conformité de tels dispositifs au droit international et à la Convention européenne des droits de l’homme est plus que discutable.
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