Le mal -être français et Macron
Françoise Fressoz, Editorialiste au « Monde »Revient sur le mal-être français et les perspectives d’évolution de Macron, qui veut favoriser « L’invention collective d’une méthode refondée » mais peine à convaincre. Vertical et solitaire, Emmanuel Macron, désormais réélu, doit trouver les moyens de décrisper, de rassurer et d’embarquer la société. Beaucoup dépend de lui, mais tout ne dépend pas que de lui, explique dans sa chronique Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ».
Il faut prendre au mot le président de la République, qui, à l’aube de son nouveau mandat, a fait serment, dimanche 24 avril, sur le Champ-de-Mars, de l’avènement d’une « ère nouvelle ». Le « en même temps », cher à Emmanuel Macron, s’est soldé d’un si lourd tribut que tout doit effectivement changer pour que tout puisse continuer ; d’un côté, une réélection en forme d’exploit pour un sortant âgé de 44 ans que ses adversaires de droite et de gauche avaient considéré comme un usurpateur et qui est parvenu à recomposer, à son avantage, le camp réformiste européen ; de l’autre, un pays fracturé en quatre blocs – macroniste, mélenchoniste, lepéniste, abstentionniste – ; au milieu, le risque d’une rupture démocratique qui peut se produire à tout instant.
L’hypothèse d’une faute de carre est d’autant moins improbable que le passif du premier quinquennat est là, fait de phrases maladroites et d’actions parfois mal calibrées. Sur un terreau fertile, elles ont eu pour effet de mettre le feu aux poudres puis d’entretenir un sourd ressentiment dans une partie importante de l’électorat.
Pour faire évoluer le pays au milieu d’une telle poudrière, l’invocation, comme en 2017, du « progressisme », idéologie fondée sur les Lumières, est devenue en partie inopérante : la somme d’angoisses et de frustrations renvoyées par le résultat de l’élection, l’importance des menaces géopolitiques et climatiques qui obscurcissent l’avenir sont telles qu’il faut changer de braquet, partir du quotidien des Français les plus fragiles pour évaluer les réformes acceptables et les conduire le plus sereinement possible.
L’objectif que s’est assigné Emmanuel Macron de faire en sorte qu’on « vive plus heureux en France » peut sembler incongru tant la notion est subjective. C’est pourtant la condition sine qua non pour que le pays retrouve un minimum de confiance en lui et de foi en l’avenir.
Ce que le philosophe Marcel Gauchet a qualifié de « malheur français » est apparu dimanche si profondément incrusté qu’il n’est pas excessif d’en appeler à la thérapie de groupe. Pour espérer repartir de l’avant, nous avons tous besoin collectivement de purger nos différends puis de nous réinvestir pour finalement nous réaimer. « L’invention collective d’une méthode refondée » est bien l’enjeu majeur de la période, comme l’a reconnu Emmanuel Macron, avec cependant une économie de propositions qui montre que tout reste à faire.
A ce stade, on n’en sait guère plus sur les intentions présidentielles que celles fournies durant la campagne électorale : volonté de redorer le blason de la démocratie représentative ; intention proclamée de consulter plus fréquemment les citoyens à travers grands débats et conventions ; appel réitéré aux acteurs de terrain pour tenter de faire évoluer deux mammouths au bord du burn-out, l’éducation nationale et la santé publique.
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