Ukraine : Une guerre contagieuse ?

 Ukraine : Une guerre contagieuse ?

 

La situation en Ukraine peut déboucher sur une catastrophe géopolitique impliquant y compris la France, souligne, dans une tribune au « Monde », l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe.

 

Tribune.

 

 Nous ne sommes pas en guerre militaire contre la Russie, avec un risque pour nos soldats, mais nous sommes en guerre morale, politique, économique contre le pouvoir qui a commis le crime d’agression contre l’Ukraine, le 24 février. Sans être en guerre, nous ne sommes plus dans l’état de paix d’avant. La période électorale en France se retrouve donc en parallèle avec le déroulement de ce désastre aux portes de l’Europe, au rythme des destructions et crimes terribles commis par l’agresseur, et de la formidable résistance ukrainienne qu’il rencontre. Ce conflit gravissime, son ombre portée de menaces inquiétantes sur un avenir collectif qui dépasse la France, suscite des débats géopolitiques multipliés sur les écrans. En France, nous vivons alors dans deux sphères de conflit, simultanées mais étrangères l’une à l’autre, la première consacrée à la politique intérieure, et la seconde à la tragédie internationale en cours.

 

Lorsque nous sommes enfermés dans le débat électoral de politique intérieure, nous revenons au temps de la paix d’avant cette guerre. La paix ! Rêve absolu des populations sous les bombes, et cadre de vie d’une totale platitude lorsqu’elle s’installe dans la durée, donc dans la normalité. La paix comme cadre invisible est associée à tous les éléments du confort physique : eau courante, électricité, ascenseurs, feux rouges consentis, tasse de café, voiture qui démarre au starter, trottoirs balayés, poubelles vidées, tout-à-l’égout, marchés et supermarchés achalandés, toits, portes et fenêtres bien en place… Et aussi, autour du corps humain, en mille bouquets dont les fleurs seraient les écrans, des possibilités de communication inouïes.

Nous n’imaginons plus, en France, à quel point l’état de paix conditionne le silence de la nuit, la qualité du sommeil, le calme intérieur de la pensée et la divagation des rêveries éveillées, cette forme de liberté intime quand le corps se tait, propre et nourri, non terrorisé. L’état de paix est sans récit, il stabilise le paysage urbain où le passant chemine tranquillement, sans avoir à considérer le risque du prochain pas. C’est exactement ce que cette guerre contre les villes et les campagnes d’Ukraine fait exploser et anéantit. Le silence du monde est détruit, tout hurle.

L’œil des drones nous fait voir ce qu’est une ville massacrée. A Marioupol, le sol est hérissé d’échardes d’acier, de débris de béton, de missiles plantés, de verre, de matières ennemies de la peau humaine, de choses bien pires. Les fenêtres sont décentrées, les balcons tordus et les carcasses des grands immeubles éventrés vomissent des peluches enfantines. C’est toute la matière des choses qui devient hostile au corps humain. Dans ce décor sinistre, un siège criminel a coupé l’eau, l’électricité, la nourriture, le chauffage, toute communication entre proches et toutes les nouvelles du monde, ce qui plonge le survivant dans l’abîme d’une perdition particulière, celle de l’absence de tout lien social, puits de solitude et d’angoisse.

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