Jeunes et démocratie : la crise
Les 18-24 ans s’intéressent aux faits de société, mais leur abstention massive lors des élections traduit leur incompréhension et leur rejet du fonctionnement de la prise de décision politique, explique, dans un entretien au « Monde », le sociologue Olivier Galland.
Directeur de recherche émérite au CNRS, le sociologue Olivier Galland a consacré de nombreux travaux à la jeunesse et à son engagement – ou à son désengagement – politique. A quelques jours du second tour de la présidentielle, alors que les appels à « faire barrage » au Rassemblement national se multiplient dans le monde enseignant et universitaire, le sociologue se penche sur les raisons de l’abstention chez les 18-24 ans. Et sur ce que le phénomène dit du rapport de la jeune génération à la vie démocratique.
Le titre de votre dernier ouvrage, « 20 ans, le bel âge ? » (Nathan, 160 pages, 14,90 euros), trouve un écho particulier durant cet entre-deux-tours qui ne voit pas la jeunesse se mobiliser en masse. Le taux abstention, le 10 avril, chez les 18-24 ans a dépassé 40 %. Est-ce une surprise ?
Ça ne l’est pas, non. Plusieurs enquêtes se sont attachées à mesurer ce phénomène à la hausse ces dernières années. L’Insee, qui se penche périodiquement sur la participation aux élections, a montré que l’abstention systématique – celle qui concerne les deux tours des scrutins présidentiels et législatifs – augmente chez les jeunes depuis vingt ans. En 2017, les 18-24 ans étaient déjà 20 % à se ranger dans cette catégorie ; c’est plus que dans les classes d’âge plus âgées.
Plus récemment, j’ai piloté une enquête sur l’évolution de l’engagement politique sur trois générations – les 18-24 ans, leurs parents, les « boomeurs » [la génération des natifs de l’après-guerre]. Les résultats vont dans le même sens : plus du tiers (34 %) d’un panel de 8 000 jeunes se range derrière l’affirmation que « voter ne sert pas à grand-chose car les responsables ne tiennent pas compte de la volonté du peuple ».
Les conditions de la campagne – la guerre en Ukraine, le Covid-19 – peuvent-elles expliquer ce désengagement ?
Je ne crois pas. Sans doute que la campagne présidentielle a été en partie escamotée par le contexte. On sait par ailleurs que le Covid-19 a eu un impact psychologique important sur une partie des jeunes, notamment les étudiants. Mais la jeune génération avait aussi face à elle, pour cette élection, une palette extrêmement variée de candidats vers lesquels faire porter son choix. Ce choix, pourtant, une partie ne l’exerce pas.
Comment l’expliquez-vous ?
C’est, pour moi, le signe d’un éloignement spectaculaire des jeunes – d’un nombre non négligeable d’entre eux – du système politique. Cela ne veut pas dire qu’ils ne s’intéressent pas aux questions de société. Au contraire : l’environnement, le racisme, les violences faites aux femmes, les inégalités comptent à leurs yeux au moins autant que pour les générations précédentes. Mais leurs préoccupations ne se traduisent pas – ou très peu – sur le plan politique.
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