Déclassement diplomatique de la France avec Le Pen ?
Lecture ethniciste des sociétés, rapprochement avec les régimes illibéraux, prise de distance avec l’Europe et avec l’OTAN : les projets de la candidate d’extrême droite conduiraient à une perte d’influence de notre pays dans les affaires internationales, prévient William Leday, enseignant à Sciences Po Paris, dans une tribune au « Monde ».
Tribune.
La politique extérieure est un domaine peu propice aux changements brusques, tant la contrainte des intérêts nationaux et des engagements passés tient une grande place. De fait, la rupture copernicienne promise par Marine Le Pen laisse présager un déclassement de la France sur l’échiquier international si d’aventure elle se concrétise.
En effet, portée par une vision dans laquelle la nation est l’élément central, la diplomatie que propose la candidate d’extrême droite découle d’un corpus idéologique qu’il est nécessaire de connaître pour saisir la portée des changements qui seront engagés.
Au-delà des apparentes atténuations, les annonces formulées par Marine Le Pen, tant en matière de politique internationale que de défense, laissent apparaître des points saillants et une sémantique qui disent beaucoup du rapport au monde qu’elle entend bâtir pour la France : un bilatéralisme primant sur le multilatéralisme, une prise en compte du supposé « génie » des nations, ainsi qu’un retour à la diplomatie secrète – celle-ci avait été proscrite au lendemain de la première guerre mondiale, car considérée comme responsable du déclenchement du conflit.
Le tout débouche sur le rétablissement des relations diplomatiques avec la Syrie de Bachar Al-Assad et la sortie du commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), laquelle devrait, sur la proposition de la France, à l’issue du conflit ukrainien, rétablir un partenariat avec la Russie, sans que soit pour autant précisé le sort qui serait fait à Vladimir Poutine dans une histoire non encore écrite.
Comme l’explicitait Magali Balent, chercheuse à l’Institut de relations internationales et stratégiques, dans Le Monde selon Marine [Armand Colin, 2012], la thématique nationale irriguait déjà, logiquement, sur les enjeux internationaux, le discours du Front national (FN) dans lequel la trahison des élites, avatar édulcoré du « parti de l’étranger », figurait en bonne place. Rien de différent pour Marine Le Pen, aujourd’hui, pour qui la célébration du mythe d’une France éternelle, nation menacée d’acculturation par les Anglo-Saxons et le mondialisme, reste la colonne vertébrale.
Ainsi, notre pays devrait montrer sa singularité et restaurer sa « grandeur » tout en s’alliant avec les vieilles nations, comme la Russie, victimes du même phénomène que notre pays, avait déclaré Marine Le Pen, en février 2017, à Paris, lors d’un discours de politique étrangère. Le rapprochement avec la Russie, qu’elle programme aujourd’hui après une hypothétique paix en Ukraine, avec la Hongrie de Viktor Orban et d’autres régimes illibéraux prend ainsi tout son sens.
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