Jeunes et politique : le même désenchantement

Jeunes  et politique : le même désenchantement

Si l’abstention est un phénomène qui touche surtout les jeunes, leur manière de voter ne les distingue pas fondamentalement des générations un peu plus âgées, explique Laurent Lardeux, sociologue à l’Injep.

 

Pourquoi, lors du premier tour de l’élection présidentielle, environ 40 % des 18-34 ans n’ont pas été voter, alors que 80 % des retraités se sont rendus aux urnes ? Comment expliquer que ces jeunes aient accordé massivement leurs voix à Jean-Luc Mélenchon ? Eléments de réflexion avec Laurent Lardeux, sociologue spécialiste de la politisation de la jeunesse à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep).


Comment expliquer que plus de quatre électeurs sur dix entre 18 et 34 ans aient boudé les urnes ?

Le premier tour de l’élection présidentielle 2022 confirme la tendance qu’on observe depuis une trentaine d’années, scrutin après scrutin, d’une nouvelle forme de participation politique des jeunes générations, déjà abondamment documentée. Pour ces jeunes, la participation citoyenne passe autant par l’engagement « direct » dans des associations ou des mouvements que par un vote tous les cinq ans. Aller aux urnes n’est souvent plus conçu comme un devoir mais comme un droit que les jeunes utilisent quand les enjeux et débats politiques sont à la hauteur de leurs attentes et besoins.

Or, la jeunesse est touchée de plein fouet par la précarité depuis la crise sanitaire et elle est particulièrement sensible aux questions d’environnement et de justice sociale, par exemple. Ces préoccupations n’ont pas été centrales depuis le début de la campagne électorale, on aurait pu s’attendre à une abstention encore plus forte, à l’image de ce qu’elle fut aux élections intermédiaires.

Il est difficile de dire ce qu’il en sera pour le second tour. Reste que le décalage entre les attentes d’une jeunesse très exigeante politiquement et les propositions politiques qui leur sont faites, dont l’abstention est le révélateur, est un vrai défi démocratique pour les années qui viennent.

Selon vous, pourquoi la jeunesse s’est-elle tournée en premier lieu vers le candidat Jean-Luc Mélenchon ?

Le vote des jeunes pour le candidat de La France insoumise a, selon moi, une triple explication. Comme pour d’autres catégories d’âge lui ayant accordé leurs voix, il y a d’abord un vote d’adhésion aux valeurs progressistes qu’ils partagent avec ce candidat sur l’immigration, la justice sociale, les discriminations ou encore l’environnement. Mais on peut y voir aussi sans doute une part de vote utile pour le candidat qui était le plus à même, à gauche, d’aller au second tour.

Enfin, comme dans leurs autres formes d’engagement politique, la mobilisation des jeunes est souvent plus contestataire que celle des autres générations : les jeunes qui se déplacent dans un bureau de vote le font, un peu plus que leurs aînés, pour interpeller les décideurs politiques et manifester leur mécontentement. D’où leurs voix vers des discours plus radicaux : Jean-Luc Mélenchon (31 % des 18-24 ans) mais aussi, ne l’oublions pas, Marine Le Pen et Eric Zemmour (34 % des 18-24 ans à eux deux).

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