Economie: danger mortel du retour de l’inflation

Economie:  danger mortel du retour de l’inflation

 

 

Pour Patrick Artus, économiste, une inflation à nouveau forte va modifier les comportements de tous les agents économiques.

 

Chronique.

 

 Le prochain président de la République, quel qu’il soit, risque d’être confronté à une situation économique bien proche de celle des années 1970-2008, une « économie d’autrefois » très éloignée de celle que nous avons connue ces dernières années – entre 2010 et la crise due au Covid-19.

Dans cette économie d’autrefois, il y avait de l’inflation. Elle était alors due à l’accélération des salaires, quand les économies se rapprochaient du plein-emploi, et à l’indexation des salaires sur les prix. En effet, le pouvoir de négociation des salariés était élevé ; cela impliquait, d’une part, que les salariés pouvaient bénéficier des périodes de plein-emploi pour obtenir des hausses de salaires plus rapides, d’autre part, que les gains de productivité étaient redistribués aux salariés, et enfin que les salaires étaient protégés contre l’inflation par l’indexation de ceux-ci sur les prix.

La seconde caractéristique de l’économie d’autrefois était que les chocs inflationnistes (hausse des prix des matières premières et de l’énergie, conflits sociaux) étaient essentiellement supportés par les entreprises et conduisaient surtout à un recul des profits, puisque l’indexation des salaires épargnait les salariés des conséquences de ces chocs.

Enfin, dans cet environnement marqué par l’inflation et la lutte entre salariés et entreprises pour le partage des revenus, les banques centrales, surtout à partir de 1980, avaient comme objectif premier de lutter contre l’inflation. Chaque fois que l’inflation augmentait (1973-1974, 1980-1982, 1998-2000, et même 2006-2008), les taux d’intérêt grimpaient fortement ; les taux d’intérêt à long terme étaient en moyenne plus élevés que les taux de croissance de l’économie.

En conséquence, la politique budgétaire ne pouvait pas rester durablement expansionniste : elle était contracyclique, mais devait en moyenne stabiliser le taux d’endettement public. Les Etats devaient assurer la soutenabilité des dettes publiques en revenant à des politiques budgétaires restrictives dans la seconde moitié des périodes d’expansion.

Tout change à partir de la crise des subprimes de 2008-2009, mais certaines évolutions apparaissent dès le début des années 2000. Le point de départ est la perte de pouvoir de négociation des salariés, avec la désindustrialisation et la création d’emplois dans de petites entreprises de services, où les syndicats sont peu présents, et avec la déréglementation des marchés du travail (réduction de la protection de l’emploi, facilitation des licenciements). Il en résulte une déformation du partage des revenus au détriment des salariés dans tous les pays de l’OCDE, sauf en France et en Italie. Les moindres hausses des salaires conduisent à une inflation plus faible. Mais le coût des chocs inflationnistes (hausse des prix de l’énergie, de l’alimentation, du transport…) est, comme actuellement, subi par les salariés plus que par les entreprises, car, à partir du début des années 2000, les salaires sont faiblement indexés sur les prix. Enfin, le plein-emploi n’amène plus à l’inflation – on l’a clairement vu en 2018-2019, la baisse du chômage n’entraînant plus (ou moins) de hausse des salaires.

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