Ukraine : Comment garantir durablement la sécurité ?
Ni le statut de neutralité, ni la perspective d’une future intégration à l’Union européenne ne suffiront à garantir la sécurité de l’Ukraine, estime, dans une tribune au « Monde », Jean-Sylvestre Mongrenier, docteur en géopolitique et spécialiste de la Russie.
Tandis que Marioupol se consume sous les bombes, une grande bataille se prépare dans le Donbass. Simultanément, les forces russes maintiennent leur pression sur le port d’Odessa, soumis à un blocus naval, et sur le sud de l’Ukraine, partiellement conquis. En regard de ce drame géopolitique, l’espoir de pourparlers diplomatiques, avec pour objectif la négociation d’un statut de neutralité pour l’Ukraine, en lieu et place d’une intégration dans l’OTAN, laisse songeur.
Les partisans de la « finlandisation », terme en vogue il y a peu encore, en font une martingale. Mais quelle serait la réalité d’une « neutralité » imposée par les bombes russes, au nom de la fraternité slave-orthodoxe, après la mise à la découpe de l’Etat ukrainien et sa démilitarisation ?
Quelles garanties pour ce statut de neutralité si l’Ukraine ne pouvait pas même entretenir une armée nationale solide, étayée par des relations militaro-industrielles avec la Turquie et les puissances occidentales, sur un plan bilatéral et dans le cadre du partenariat OTAN-Ukraine ? Ainsi comprise, la neutralité serait des plus contingentes ; un préalable à l’assujettissement de l’Ukraine à l’arbitraire du Kremlin.
Certes, la partie ukrainienne demande à un certain nombre de puissances de s’associer à ce statut de neutralité, c’est-à-dire de fournir des garanties de sécurité qui seraient équivalentes à l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. Mais n’est-ce pas ce qui était prévu par le mémorandum de Budapest, signé le 5 décembre 1994 ? L’Ukraine renonçait à l’arme nucléaire et s’engageait à signer et ratifier le traité de non-prolifération. En contrepartie, la Russie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni garantissaient la sécurité et l’intégrité territoriale du pays.
On sait ce qu’il est advenu ensuite, la Russie agressant l’Ukraine dès février 2014, pour se saisir manu militari de la Crimée puis déclencher une « guerre hybride » dans le Donbass. Huit ans plus tard, cette même puissance révisionniste conduit une guerre de haute intensité contre l’Ukraine, non pas « aux portes de l’Europe », mais au beau milieu du continent.
Rappelons qu’au moment du coup de force sur la Crimée, Kiev avait depuis plusieurs années levé sa candidature à l’OTAN pour se poser en « Etat non-aligné » (2010). A l’évidence, cela n’a pas empêché le Kremlin d’attaquer ce pays, la seule perspective d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne suscitant l’ire de Poutine. Ne mêlons donc pas les causes et les conséquences : c’est l’agression russe qui explique la candidature de l’Ukraine à l’OTAN, non pas l’inverse.
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