Socialisme: mort ou refondation
Après la défaite de la candidate du Parti socialiste, Anne Hidalgo, au premier tour de l’élection présidentielle, l’historienne Marion Fontaine, spécialiste des socialismes et du mouvement ouvrier, analyse, dans une tribune au « Monde », les conditions d’une éventuelle refondation.
Un article intéressant mais qui oublie un facteur essentiel à savoir l’oubli voire le mépris des couches populaires et sociales chez les dirigeants du parti. Difficile dans ces conditions de faire un vrai parti social démocrate.
Le Parti socialiste (PS) est défait. Certains verront avec satisfaction dans ce résultat l’ultime punition pour les errements passés, la conversion au libéralisme économique, les renoncements et la corruption morale entraînés par le pouvoir. D’autres estimeront à l’inverse que cette défaite est la preuve de l’incapacité des socialistes français à effectuer leur mue sociale-démocrate, ce mot-valise dont on ne sait jamais très bien s’il désigne un modèle européen, aux traits de plus en plus flous, ou un centrisme vaguement progressiste.
Ces discussions, mêlées souvent de rancœur et d’amertume, sur ce que devrait être ou sur ce qu’aurait dû être un « vrai » PS attestent au moins qu’il se joue là des passions et des questions qui sont loin d’être closes. Mais il faudrait en renouveler la teneur.
On avancera sur ce point une hypothèse en forme de paradoxe. Lorsque l’on regarde bien, la situation du PS est bien plus grave que ne laisse à penser son score électoral, aussi infime soit-il ; mais, quand on regarde mieux, cette situation même témoigne de l’ouverture d’autres possibles.
La tentation probable après ce désastre sera de vouloir refaire ou de vouloir recommencer. Recomposer un parti en lui donnant un autre nom. Revenir aux bases locales, qui sont à peu près tout ce qui reste au PS. Reprendre des idées en y ajoutant l’écologie, en donnant à l’ensemble une tonalité plus réformiste ? Plus radicale ? Retrouver un grand homme (une grande femme ?) susceptible d’assumer le leadership du parti et de concourir à l’élection présidentielle. Refaire en somme un nouvel Epinay (1971), ce moment objet aujourd’hui de bien des nostalgies et qui est devenu un mythe aux effets délétères. Cette reconstruction peut fonctionner : qui saurait prédire l’avenir dans ce contexte ? Mais il est probable qu’elle n’aboutisse pas et que la crise actuelle soit plus structurelle.
On assiste peut-être moins en effet à la fin du cycle d’Epinay qu’à l’achèvement de celui ouvert au congrès de Tours, il y a un peu plus d’un siècle (1920). Celui-ci vit s’organiser les deux grandes formations, socialiste et communiste, qui allaient marquer de leur rivalité, de leur haine, de leur entente plus rarement, l’histoire de la gauche au cours du XXe siècle.
Les deux en sont réduites en 2022 à l’étiage le plus bas. Les modes d’organisation partisane, les formes de leadership qu’elles avaient constituées n’opèrent plus guère. Les questions qu’elles se sont posées avec fracas, la réforme et la révolution, le rapport au modèle bolchevik, ont perdu leur sens ou ont changé de nature. Cette histoire ne fut pas entièrement peine perdue pourtant. La seule création de l’Etat-providence moderne et l’approfondissement de la démocratisation des sociétés suffisent à le rappeler.
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