Présidentielle : Pourquoi autant d’abstentions?
Traditionnellement, la présidentielle est l’élection qui attire le plus les citoyens, y compris les désenchantés de la politique. « La remobilisation de l’électorat se joue en partie sur la qualité de la campagne, qui permet aux gens de se plonger dans les débats et de se positionner », expose le chercheur en sociologie électorale Vincent Tiberj sur FranceInfo.
« Cette campagne n’a pas été suffisante pour contrer la désillusion des Français face au vote. » Ils sont 26 % à n’avoir pas voté auquel s’ajoutent les 20 % de non-inscrits ou mal inscrits
Sans élan, en partie éclipsée par la guerre en Ukraine, cette campagne a été marquée par la déclaration de candidature tardive d’Emmanuel Macron et par l’absence de grand débat télévisé entre les candidats. « Le Covid-19 a aussi chamboulé les meetings, limité le porte-à-porte, contraint des candidats à s’isoler », ajoute Céline Braconnier, professeure spécialiste des comportements électoraux.
Autre facteur aggravant, selon la chercheuse : « Les sondages ont tout de suite mis en scène une élection jouée d’avance, ce qui est peu mobilisateur et même décourageant pour les plus éloignés de la politique. Cet effet avait déjà expliqué l’abstention record de 2002, quand tout le monde s’attendait à un second tour Chirac-Jospin. »
On relève toutefois que l’abstention enregistrée ce dimanche est inférieure aux niveaux redoutés en fin de campagne. « Une remobilisation de dernière minute a sans doute eu lieu sous l’effet du resserrement des sondages. Les possibilités pour Jean-Luc Mélenchon d’arriver au second tour et pour Marine Le Pen de se faire doubler ont pu mobiliser leurs électorats. »
L’absentionnisme s’avère particulièrement forte chez les jeunes, selon une enquête Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France, réalisée entre mercredi et samedi. La part des abstentionnistes s’élève à 46% chez les 25-34 ans et 42% chez les 18-24 ans, contre 12% chez les 60-69 ans. « Contrairement aux personnes âgées, qui votent en masse, par devoir, même quand elles ne croient plus en la politique, les jeunes sont plus difficiles à mobiliser », rappelle la sociologue Céline Braconnier.
« Les thèmes de préoccupation des jeunes, comme l’écologie, la précarité, le chômage des jeunes, ont été très peu évoqués dans cette campagne. »
Cette année, la répétition de la finale de 2017 risque d’être marquée par une nouvelle hausse de l’abstention, redoute la chercheuse. « Marine Le Pen fait moins peur d’année en année », souligne-t-elle, ce qui pourrait freiner la tentation de se déplacer pour lui faire barrage, notamment à gauche. « En 2017, Emmanuel Macron avait une copie vierge et pouvait toucher l’électorat de gauche, ajoute le chercheur Vincent Tiberj. Cinq ans plus tard, il est davantage perçu à droite et Marine Le Pen travaille déjà à attirer ses opposants de gauche. »
Jean-Luc Mélenchon a appelé dimanche soir à « ne pas donner une seule voix » à Marine Le Pen, ce qui n’exclut pas l’abstention ou des votes blancs. « En 2017, l’abstention avait progressé, mais aussi les bulletins blancs ou nuls, poursuit Vincent Tiberj. Cette année, sa légitimité et sa capacité à gouverner pourraient être remises en cause par une abstention encore plus forte au second tour et, possiblement, par un score beaucoup plus étriqué. »
Selon un sondage Ipsos-Sopra Steria réalisé pour France Télévisions après la fermeture des bureaux de vote, Emmanuel Macron est crédité de 54% des voix au second tour, loin de son score de 2017 (66,1%). Ce suspense pourrait aussi inciter les électeurs des deux camps à se mobiliser davantage cette année.
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