Environnement : double crise
Les philosophes Joëlle Zask et Eric Pommier affirment, dans leurs essais respectifs et complémentaires « Ecologie et démocratie » et « La Démocratie environnementale », la nécessité d’approfondir la démocratie pour répondre aux défis environnementaux.
« Ecologie et démocratie », de Joëlle Zask, Premier Parallèle, 232 p., 20 €, numérique 12 €.
« La Démocratie environnementale. Préserver notre part de nature », d’Eric Pommier, PUF, « L’écologie en questions », 268 p., 22 €, numérique 18 €.
analyse ( Le Monde)
C’est le tragique paradoxe de notre temps : face à l’urgence écologique, les réponses tardent à se concrétiser. Comment l’expliquer ? Depuis les années 1970, la démocratie est mise en cause, sous des angles opposés. Pour les uns, le système représentatif n’étant que le paravent des lobbys et du capital, le salut viendra d’une démocratie directe. Pour d’autres, la démocratie serait par essence incapable de prendre des mesures impopulaires : s’imposerait donc, afin d’agir efficacement, un Etat fort, sinon dictatorial.
Des travaux renouvellent ce sujet aujourd’hui. Après un colloque de Cerisy, dont les actes viennent d’être publiés (La Démocratie écologique. Une pensée indisciplinée, Hermann, 432 p., 24 €), des essais explorent le lien entre démocratie et écologie, notamment ceux d’Eric Pommier, La Démocratie environnementale, et de Joëlle Zask, Ecologie et démocratie. Différents dans leur style philosophique et leurs propositions, ils se complètent toutefois pour soutenir, contre les tentations autoritaires, qu’une démocratie bien comprise est moins le problème que la solution.
Le livre d’Eric Pommier part du constat que l’éthique environnementale, notamment celle consignée dans Le Principe responsabilité (1979 ; Cerf, 1990), du philosophe Hans Jonas (1903-1993), a échoué à transformer les sociétés dans un sens écologique. Pourtant, ce grand classique avait effectué une percée en reformulant l’éthique à l’aune des défis technologiques et de la responsabilité envers les générations futures et la nature. Sa formule reste une boussole précieuse : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur Terre. »
Sauf que sa traduction politique n’est pas évidente. Comparant les régimes démocratiques capitalistes et leurs adversaires communistes, Jonas n’offrait aucune réponse claire. Pis, on lui a reproché de justifier un Etat autoritaire chargé du long terme. Si l’exégèse de Pommier soutient que ces critiques sont en partie injustes – car une existence « authentiquement humaine », donc capable de vigilance morale, ne peut être celle de somnambules assujettis à un pouvoir tutélaire –, elle indique aussi les moyens de sortir des perplexités de Jonas.
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