DMA: Contre la dictature des Gafam
L’historien Laurent Warlouzet se réjouit, dans une tribune au « Monde », de l’avancée du Digital Market Act (DMA) qui vise à rétablir les règles de la concurrence face aux positions dominantes des multinationales américaines du numérique
Tribune.
Le Digital Market Act (DMA), législation européenne controversée sur le contrôle des géants du numérique, est sur les rails. Un accord politique entre la Commission, le Parlement européen et le conseil des ministres est intervenu dans la soirée du 24 mars, ce qui permet d’envisager une adoption rapide.
Ce texte ambitieux vise à surveiller les géants du secteur qui dominent outrageusement certains marchés : Google pour les moteurs de recherche, Amazon pour la vente en ligne, Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp, etc.) pour les réseaux sociaux, Microsoft pour les systèmes d’exploitation.
Ces entreprises sont considérées comme des « contrôleurs d’accès » : leur puissance est telle qu’ils peuvent bloquer l’entrée de nouveaux concurrents s’ils le souhaitent, et s’étendre facilement sur de nouveaux segments – par des ventes liées ou des rachats de concurrents notamment. D’où la nécessité d’une surveillance particulière, établie par cette législation.
Immédiatement, l’accusation de protectionnisme est brandie, car la principale cible de la législation sont les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) américains. Pourtant, l’Union européenne ne condamne pas la domination d’un marché, mais l’abus de cette position dominante. Le DMA établit donc une liste de comportements interdits ou particulièrement surveillés. Quelques entreprises européennes, comme l’allemand SAP ou le français Vivendi, seraient de ce fait également visées par la législation, ce qui permettrait d’éviter les foudres de Washington (« Which platforms will be caught by the Digital Markets Act ? The ‘gatekeeper’dilemma », Mario Mariniello et Catarina Martins, « Bruegel Blog », 14 décembre 2021). Les tensions sont récurrentes entre les deux côtés de l’Atlantique, depuis les poursuites de la Commission contre IBM pour « abus de position dominante » en 1984 jusqu’aux contentieux actuels avec les Gafam, en passant par les procès Microsoft menés par le dynamique commissaire à la concurrence Mario Monti (1999-2004).
nsuite, les Gafam ne sont pas désignés comme cible unique, sinon la législation serait en effet condamnée comme discriminatoire, puisqu’elle ne viserait qu’un seul pays. Le texte établit donc des critères, par exemple de chiffres d’affaires ou de nombre d’utilisateurs, permettant de déterminer qui seraient ces « contrôleurs d’accès » à surveiller particulièrement.
Signe de son importance, le DMA a suscité une coalition d’opposants. Certaines des entreprises visées, comme Google, l’ont vilipendé en estimant qu’il allait affecter l’innovation et la qualité du service rendu au consommateur. Pour de nombreux spécialistes du droit de la concurrence, le texte est suspect, car il établit une législation d’opportunité, visant seulement certaines entreprises, et certains comportements.
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