Guerre en Ukraine : Le retour des brigades internationales
Après deux décennies de djihadisme, le conflit russo-ukrainien marque le grand retour du brigadisme. Le phénomène a toujours été une soupape et un débouché de l’émotivité des opinions publiques, estime, dans une tribune au « Monde », l’historien Edouard Sill.
Tribune.
L’appel du président Zelensky du 25 février aux « hommes libres du monde entier » à venir combattre aux côtés des forces armées ukrainiennes a été entendu ; vingt mille volontaires seraient arrivés depuis. Les modalités, le nombre des candidatures ou de pays représentés (une cinquantaine), les motivations exprimées par les volontaires comme les commentaires des observateurs : tout semble autoriser l’analogie avec les Brigades internationales qui, organisées par l’Internationale communiste entre 1936 et 1939, ont combattu aux côtés des républicains durant la guerre d’Espagne.
Cette évocation n’est pas nouvelle, elle revient à chaque fois que la présence de combattants étrangers dans un conflit est attestée. Pourtant, depuis deux décennies, le phénomène itératif du volontariat international combattant, vieux de plus de deux siècles, semblait avoir été supplanté par un avatar religieux et dénaturé. Il y avait déjà eu le désir d’assimiler les départs vers l’Irak puis vers la Syrie aux brigadistes.
La production académique anglo-saxonne avait (re) découvert le phénomène du volontaire international avec les attentats islamistes, et les « foreign fighters » (« combattants étrangers ») étaient venus recouvrir les définitions historiques. L’artifice n’a pourtant guère pris. L’incapacité de l’opinion (y compris musulmane) à s’identifier aux djihadistes comme la vocation mortifère et criminelle de la cause ont limité la popularité de l’assimilation.
Ces volontaires ont été très vite requalifiés en « foreign terrorist figthers » (« combattants terroristes étrangers ») par l’ONU. Il était bien difficile de leur faire endosser le costume traditionnel du « volontaire de la liberté », ce personnage culturel et historique commun à tout l’Occident. Nous assistons en Ukraine à la résurgence massive, surprenante mais pourtant prévisible, du volontariat international armé dans ses attributs initiaux, occidentaux.
Ce mouvement était perceptible depuis les « printemps arabes ». En 2011, un premier projet de brigade internationale pour la Libye avait été lancé sur Facebook, avant d’être rattrapé par l’intervention militaire de la coalition. En 2014, la page Facebook des Lions of Rojava facilitait le départ de volontaires contre l’Etat islamique et, l’année suivante, des bataillons internationaux étaient organisés par les Kurdes syriens.
Pourtant, après 1948 et le mouvement des mahalniks, ces volontaires venus épauler Israël, le phénomène s’était atrophié et avait pratiquement disparu. La guerre froide et le pacifisme militant avaient transposé le volontariat transnational dans le cadre humanitaire. Sous une forme allégorique et rhétorique, le brigadisme avait cependant persisté.
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