Recomposition de la mondialisation

Recomposition de la mondialisation

 

La guerre commerciale avec la Chine puis l’invasion de l’Ukraine incitent les entreprises à tenir compte du risque géopolitique pour relocaliser leur production et leur commerce, analyse le journaliste au « Monde » Arnaud Leparmentier dans sa chronique.

 

Chronique.

 

Ceux qui aiment le risque lorsqu’ils prennent l’avion peuvent prendre une correspondance serrée, sur une compagnie low cost, sans choisir leur siège, et ils s’en sortiront à bon prix. Mais qu’advienne un incident technique, une tempête de neige ou un surbooking, la bonne affaire se transforme vite en cauchemar, et l’intrépide voyageur se dit, penaud, qu’il aurait préféré un vol direct, sur une grande compagnie, pour prendre l’avion suivant et en payant sa place pour garantir son siège. C’est plus sûr, mais c’est plus cher.

Il en va de l’aviation comme de la mondialisation : tout était serré, au plus près, au plus économique, à condition que tout fonctionne. Mais que survienne une guerre commerciale avec la Chine, une pandémie telle que celle du Covid-19 ou un boycott inédit, comme celui consécutif à l’invasion russe de l’Ukraine, et plus rien ne fonctionne. On le voit dans les goulets d’étranglement, l’envolée des prix des matières premières, qui entravent la reprise économique, et les risques politiques inédits qui vont conduire à devoir s’assurer contre des risques jugés naguère inexistants.

Un des cas les plus emblématiques est sans doute la pression exercée sur Auchan pour qu’il se retire de Russie. Imaginait-on que le supermarché du coin, qui alimente les petites gens, soit menacé pour cause de conflit armé ? Dans ce contexte, rien n’est sûr, et chacun va vouloir se protéger, qu’il soit dans le camp du « bien » ou celui des « agresseurs ».

« L’invasion russe de l’Ukraine a mis fin à la mondialisation que nous avons connue au cours des trois dernières décennies, écrit à ses actionnaires Larry Fink, patron de BlackRock, premier gestionnaire d’actifs du monde. Les entreprises et les gouvernements du monde vont être incités à réanalyser leurs lieux de fabrication et d’assemblage », accélérant un phénomène initié par le Covid-19.

Pour l’instant, c’est le gaz russe qui attire l’attention, mais, selon Larry Fink, « les entreprises et les gouvernements examineront également plus largement leurs dépendances à l’égard d’autres nations ». Il prévoit des relocalisations à domicile ou dans des pays « amis », estimant que le Mexique, le Brésil, les Etats-Unis ou des centres de fabrication en Asie du Sud-Est pourraient en bénéficier. Mais tout cela à un prix : « Une réorientation à grande échelle des chaînes d’approvisionnement sera intrinsèquement inflationniste. »

Cette démondialisation, ou plutôt cette régionalisation, va conduire à deux blocs sans cesse plus séparés : celui de la Chine et celui des Etats-Unis. Et aussi à moins de concurrence, comme le déplore Adam Posen, président du Peterson Institute, think tank libéral basé à Washington : « Si les entreprises chinoises et américaines ne sont plus en concurrence, elles seront davantage susceptibles d’être inefficaces, et les consommateurs seront moins susceptibles d’obtenir autant de variété et de fiabilité qu’actuellement. Lorsque ce consommateur est le gouvernement, les entreprises nationales protégées seront encore plus susceptibles de se livrer au gaspillage et à la fraude, car il y aura moins de concurrence pour les marchés publics », met en garde M. Posen, qui voit déjà les entreprises se draper dans le nationalisme et la peur des menaces à la sécurité nationale.

0 Réponses à “Recomposition de la mondialisation”


  • Aucun commentaire

Laisser un Commentaire




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol