Poutine : l’homme du mensonge permanent
L’historien géorgien Lasha Otkhmezuri dénonce, dans une tribune au « Monde », les mensonges historiques de Vladimir Poutine et le relais qu’ils ont trouvé en Occident.
Tribune.
Après avoir annexé la Crimée en 2014, le président russe Vladimir Poutine a bien tenté de provoquer une rébellion sur un vaste territoire à l’est de l’Ukraine, mais seulement deux districts se sont détachés du pays, ceux de Louhansk et Donetsk. En revanche, le butin a été considérable dans les esprits occidentaux, car Poutine a réussi à nous faire parler de faits irréels, ceux dont il voulait que nous parlions.
Par exemple que l’Ukraine était un pays artificiel, que les clivages linguistiques, confessionnels ou politiques y étaient tels qu’il ne pouvait pas constituer une maison commune pour tous ses habitants. Il nous a également fait croire que les Américains avaient promis à Gorbatchev qu’il n’y aurait pas d’élargissement de l’OTAN ; que cet élargissement était dirigé contre la Russie… Bref, qu’on avait beaucoup provoqué la Russie et que, fondamentalement, les terres de l’ancien Empire russe devaient revenir aux Russes.
Or toutes ces allégations sont fausses. Qui se souvient des travaux de Mary Sarotte (professeure d’histoire à Harvard), qui a exploité les documents d’archives du ministère des affaires étrangères allemand et a montré l’inexistence de la prétendue promesse donnée à Gorbatchev sur l’élargissement de l’OTAN ?
Dans les années 1990, cet élargissement vers l’est était une réponse au risque de balkanisation sanglante du sud-est du continent, après l’éclatement de la Yougoslavie. Qui se souvient aujourd’hui que, le 21 décembre 1991, le jour même de la signature de la déclaration d’Alma-Ata sur la formation de la Communauté des Etats indépendants (CEI) entre plusieurs anciennes républiques soviétiques, Boris Eltsine a envoyé une lettre à l’OTAN déclarant que « l’adhésion de la Russie au bloc sera l’un des objectifs à long terme de [sa] politique » ? !
Et Poutine lui-même se souvient-il aujourd’hui que, après avoir remplacé Eltsine, il a répété plusieurs fois la possibilité de rejoindre directement l’OTAN, sans même passer par l’antichambre – le plan d’action pour l’adhésion (Membership Action Plan, MAP) – par lequel les autres nations avaient dû passer ?
De la même manière qu’il a réussi à occuper nos esprits, Poutine a mobilisé pendant cette « drôle de guerre » les forces de nos élites pour suivre ses injonctions : pas d’armes aux Ukrainiens et beaucoup de gaz pour l’Europe, peu de sanctions contre le Kremlin et beaucoup de plateaux télé de RT et de Sputnik pour l’establishment intellectuel. On y a répété que la maman de Poutine est survivante du siège de Leningrad, sans mentionner que le père de Viktor Iouchtchenko [président de l’Ukraine entre 2005 et 2010], survivant du camp d’Auschwitz, portait le numéro 11 369 sur son épaule…
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