Retraites: une approche comptable erronée

Retraites:  une approche comptable erronée 

 

L’économiste et syndicaliste Bernard Laurent critique, dans une tribune au « Monde », les postulats émis par Emmanuel Macron sur le dossier des retraites, pour justifier sa proposition de passer l’âge légal à 65 ans.

 

Tribune.

Le président Macron a annoncé dans son programme présenté jeudi 17 mars le recul de l’âge légal de la retraite à 65 ans. Pourtant il y a cinq ans il estimait régler le problème des retraites ce qui l’avait conduit à demander à Jean-Paul Delevoye d’organiser l’unification de l’ensemble des régimes et l’extension du système par points en vigueur pour les retraites complémentaires au régime général de base (appelée réforme systémique).

La contestation forte des bénéficiaires de régimes spécifiques (les indépendants comme les médecins, les avocats, les dentistes…) ou des régimes spéciaux (SNCF, RATP…) ont eu raison de la volonté de réforme. Avant la crise du Covid, avait été évoquée une réforme moins ambitieuse proposant le recul progressif de l’âge légal à 64 ans (réforme paramétrique).

Le très important déficit du système des retraites en 2020 (− 18 milliards d’euros) a relancé la question de l’équilibre du régime général de retraite par répartition et fait ressurgir la question du report de l’âge légal. Un examen attentif du dossier devrait nous inciter à être beaucoup moins péremptoires dans l’appel à la réforme d’un système prétendument en perdition.

Recensons quelques contrevérités. Le déficit de 2021 comme expression d’un système à bout de souffle : dans son rapport de juin 2021 le Conseil d’orientation des retraites (COR) convient lui-même d’une part que le déficit est nettement inférieur aux premières estimations – 18 milliards contre 23,5 prévus en novembre 2020 –, d’autre part que l’ampleur du déficit est due à la baisse des recettes liées à l’effondrement de la croissance (− 8 %) – à cause de la crise du Covid. En période de conjoncture habituelle, le régime sera équilibré.

L’âge légal n’est pas tenable : là encore c’est une contrevérité parce que raisonner en prenant cet élément comme variable essentielle, autour de laquelle le système doit être structuré, n’a pas de sens. Les réformes antérieures, qui lui ont substitué l’idée de durée de cotisations pour pouvoir prétendre liquider les droits d’un bénéficiaire sans pénalités, portent leur fruit.

Nous sommes passés de 37,5 années de cotisations en 1992 à 43 ans aujourd’hui, si bien que, pour les générations nées après 1975, l’équilibre du régime est assuré. Peu d’entre eux entrent sur le marché du travail avant 22 ans ce qui les conduira à travailler jusqu’à 65 ans au moins ! Reste à régler l’équilibre du système pour les générations nées avant 1980. Le paragraphe suivant donnera la réponse.

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