Le dévoiement de la liberté

Le dévoiement de la liberté

 

« De nos jours, la liberté consiste à augmenter à l’infini les possibilités de choix, par une conquête quasi obsessionnelle des droits, dussent-ils être à l’origine d’une tyrannie. En apparence, ces droits nous rassurent. Mais comme nous craignons continuellement de les perdre, ils ne nous apportent aucun apaisement durable », estime Baudouin De Rycke ( Dans le Monde.)

 

Comment s’étonner qu’affleure l’anarchie dans nos contrées (dérives sociales, lamentations quotidiennes, dégénérescence des mœurs, augmentation régulière de la violence, des suicides, de la consommation de psychotropes…) quand se dénaturent et se tarissent, aux yeux du peuple déboussolé, la famille, l’école, la religion et l’Etat, ces laboratoires d’idées, ces éveilleurs de conscience qui éclairent et nourrissent nos choix de vie depuis des millénaires ?

Au sein de la première (la famille), les parents, plongés en permanence dans un rythme de vie dévorant, sont de moins en moins aptes à maintenir leurs enfants dans un cadre de vie strict et harmonieux, leur santé nerveuse se dégradant au fil du temps, au détriment de leur écoute et de leur disponibilité. Au sein de la deuxième (l’école), l’éducation morale est devenue anecdotique sous la pression des sacro-saintes compétences.

L’anticléricalisme forcené des dernières décennies est venu quasiment à bout de la troisième (la religion), qui désormais se vit essentiellement dans l’ombre ou la solitude pour les uns, dans l’arrogance, la crainte et parfois même la honte, pour ceux dont la religion est plus ostensiblement contestée. Les préceptes d’amour, d’humilité et de respect que martelaient les Anciens, croyants ou incroyants, ont peu à peu cédé la place à des formes de bien-être qui n’auraient certes rien de répréhensible si le nihilisme ambiant et le matérialisme triomphant ne les pervertissaient.

Enfin, les appels de l’Etat aux devoirs civiques sont devenus quasiment inaudibles. Avec le temps et les « affaires » répétées, plus sordides les unes que les autres et relayées dans un temps record par la presse, la crédibilité des politicien(ne)s s’est érodée aussi profondément que celle des guides spirituels et des professeurs, un nombre croissant d’individus se référant désormais à leurs propres lois et semblant n’avoir pour seule ambition que la jouissance de leurs sens et le contrôle de leur santé financière : programme de vie un peu court dans le cadre d’une déshumanisation sans précédent et d’une paix sociale continuellement en péril…

En réalité, ces quatre sources de vie s’enlisent peu à peu dans une vision utopique de la liberté. De nos jours, comme nous le fait comprendre Bertrand Vergely dans un ouvrage récent (La vulnérabilité ou la force oubliée, Le Passeur, 2020), celle-ci consiste à augmenter à l’infini les possibilités de choix, par une conquête quasi obsessionnelle des droits, dussent-ils être à l’origine d’une tyrannie. En apparence, ces droits nous rassurent. Mais comme nous craignons continuellement de les perdre, ils ne nous apportent aucun apaisement durable. Être sans cesse sur le qui-vive nous épuise. Ne nous sentant jamais libres d’esprit – obsédés que nous sommes par notre liberté –, nous sombrons peu à peu dans la mélancolie.

La vraie liberté est intérieure, nous rappelle encore ce même auteur. Elle consiste à se sentir libre, même quand on ne l’est pas objectivement. Ce genre de liberté vient de la sagesse et de rien d’autre… Là me paraît être le bon sens. Et de m’appliquer à comprendre pourquoi ce dernier nous échappe me réconcilie personnellement avec la vie, que nous avons la malhonnête habitude d’incriminer, quand nous devrions avant tout nous livrer à une sévère, lucide et courageuse analyse critique de nos propres comportements.

Baudouin De Rycke, Montigny-le-Tilleul (Belgique)

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