L’usure de la valeur égalitaire

L’usure de la valeur égalitaire

Le philosophe Florent Guénard analyse, dans un livre rigoureux et exigeant, les comportements qui rendent possible, dans une relative indifférence, l’augmentation des inégalités au sein de nos sociétés libérales contemporaines.( » Le Monde »)

 

Livre.

Quiconque a déjà eu à découper un gâteau sous le regard attentif d’une fratrie ou d’un groupe d’enfants sait les réactions viscérales que peut provoquer toute entorse au principe d’égalité. Ces passions égalitaires – colère, envie, sentiment d’injustice – ne s’évaporent pas à l’âge adulte : bien au contraire, elles ont été le moteur de bien des transformations politiques. C’est sur ces émotions, et sur la façon dont elles nous poussent à l’action, que se penche le dernier ouvrage de Florent Guénard, spécialiste de philosophie politique et morale et directeur de la rédaction de la revue La Vie des idées.

Le philosophe prend pour point de départ la situation paradoxale de nos sociétés libérales contemporaines : alors que l’égalité (politique, juridique, sociale) en est une valeur centrale et que la lutte contre les injustices de genre, de race ou de handicap gagne du terrain, les inégalités économiques grandissantes laissent l’opinion relativement indifférente. Un constat qui pousse l’auteur à se demander : le désir d’égalité, moteur des politiques égalitaristes, nous aurait-il quittés ?

Pour y répondre, l’ouvrage déroule un cheminement intellectuel aussi rigoureux qu’exigeant. Loin de prendre le désir d’égalité comme une passion monolithique, il s’attache notamment à peindre les nombreuses variables de ces aspirations, qui ne sont pas nécessairement de même nature lorsqu’elles s’expriment chez les plus riches ou chez les plus pauvres ; pas de même forme si elles naissent dans des sociétés déjà égalitaires ou encore inégalitaires ; pas de même intensité si elles prennent l’égalité comme un moyen ou comme une fin… Cette entreprise d’éclaircissement et de contextualisation permet à l’auteur de déconstruire, dans les discours passés et contemporains, à la fois le discrédit jeté sur les passions égalitaristes (jugées dangereuses et perverses) et les justifications les plus courantes des inégalités (présentées comme inévitables et bénéfiques).

Car si l’égalité est inscrite sur le fronton de nos mairies, si elle semble aller de soi quand l’inégalité réclame toujours d’être justifiée, si elle a été le moteur de tant de révolutions, notre apathie ne cesse d’étonner. L’ouvrage ne néglige aucune hypothèse, multiplie les questions et les éléments de réponse. Vivons-nous dans l’inégalité par préférence ou par ignorance ? Une demande d’égalité intéressée est-elle toujours illégitime ? Les passions cardinales de nos sociétés contemporaines – comme le désir d’autonomie ou de reconnaissance – sont-elles compatibles avec le désir d’égalité ?

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