Santé et dépendance : le choc des “baby-boomeurs”
La crise sanitaire a montré que le secteur du grand âge est mal préparé pour faire face à des pics de demandes de soins alertent, dans une tribune au « Monde », les économistes de la santé Francesca Colombo et Thomas Rapp, qui expliquent que
Tribune.
A bien des égards, la pandémie a testé la résilience de notre système de santé, c’est-à-dire sa capacité à absorber plusieurs chocs sans compromettre durablement le bien-être des Français. Avec quels résultats ?
Les données récemment publiées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (« The impact of Covid-19 on health and health systems » – « l’impact du Covid-19 sur les systèmes sanitaires » –, OCDE) montrent que, si la France a consacré des moyens considérables pour faire face à ces chocs, certaines déficiences ont malgré tout été aggravées.
D’un côté, trois indicateurs suggèrent que le système français a plutôt bien répondu à la pandémie.
Tout d’abord, l’écart d’espérance de vie entre les Français et les Européens, historiquement favorable à la France (+ 1,7 année), est resté stable entre 2019 et 2020.
Ensuite, entre janvier 2020 et décembre 2021, la surmortalité en France a été 10 % plus basse que celle observée dans la moyenne des pays européens de l’OCDE.
Enfin, l’accès aux soins a été maintenu grâce notamment au recours massif aux téléconsultations pendant les confinements et à l’augmentation de la capacité en lits de réanimation.
De l’autre, la crise a contribué à fortement accroître – en France comme dans d’autres pays – la prévalence des problèmes de dépression et d’anxiété, qui a notamment doublé lors du premier confinement. Et la pandémie a accru l’importance de problèmes structurels : pénurie de travailleurs, difficultés de coordination et d’intégration des soins, manque de transparence sur la qualité des soins, désinformation, problèmes de formation continue des personnels de santé, etc.
Finalement, si la France n’a pas plus mal encaissé le choc que les autres pays de l’OCDE, la crise nous a appris au moins deux leçons.
Tout d’abord, faute de ressources humaines adaptées, nous sommes mal préparés à faire face à des pics de besoins de santé.
Ensuite, nos politiques de santé sont insuffisamment centrées sur les intérêts des personnes et ne privilégient pas assez la recherche de valeur des soins.
Sous l’impulsion de l’Union européenne, le gouvernement français a répondu à ces enjeux en 2021 par un programme d’investissement massif dans le système de santé. Le plan national de relance et de résilience consacre en effet 6 milliards d’euros pour moderniser les secteurs sanitaire et médico-social, et améliorer l’offre de soins en ville et à l’hôpital.
Ce plan nous permettra-t-il de mieux nous préparer aux chocs futurs ? Cette question est centrale car notre système de santé doit anticiper un nouveau choc, celui de la transition démographique. La crise a montré que le secteur du grand âge était mal préparé pour faire face à des pics de demande de soins. Or nous entrerons dès 2030 dans une période charnière, marquée par l’entrée aux âges « critiques » (75-85 ans) des « baby-boomeurs », c’est-à-dire aux âges auxquels les risques de perte d’autonomie – et les besoins associés – augmenteront fortement.
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