Macron: Comme Mitterrand instrumentaliser l’extrême droite
« Jupitérien » par sa vision d’une présidence incarnée et verticale, Emmanuel Macron s’assume comme l’héritier de son lointain prédécesseur socialiste et de sa conception du pouvoir, analyse, dans une tribune au « Monde », l’historien de la presse Alexis Lévrier.
Sur son programme Macron laisse assez indifférent une très grosse majorité de Français par contre comme Mitterrand il pourra compter sur le rejet de l’extrême droite pour assurer sa victoire. Le rejet des autres comme principal soutien ! De quoi fragiliser la légitimité. NDLR
Tribune.
Lancée quelques jours après l’invasion de l’Ukraine, la campagne du candidat Emmanuel Macron ne ressemble évidemment à celle d’aucun président en exercice sous la Ve République. Mais cette situation internationale inédite n’a fait que conforter le chef de l’Etat dans sa pratique du pouvoir comme dans ses choix de communication. Plus que jamais, au moment de s’élancer vers un second mandat, il apparaît ainsi comme l’héritier assumé de François Mitterrand : la référence est même théâtralisée, puisque le président a choisi d’entrer en campagne, comme son prédécesseur en 1988, en publiant une lettre aux Français dans la presse régionale. Surtout, il s’est, lui aussi, déclaré au dernier moment et a tout mis en œuvre pour enjamber l’élection, en limitant autant que possible ses apparitions.
De manière plus générale, cette campagne éclair, en surplomb, apparaît comme l’aboutissement d’un quinquennat durant lequel Emmanuel Macron n’a cessé de s’inspirer du premier président socialiste et de sa conception du pouvoir. La dénomination « Jupiter » elle-même, qu’il a revendiquée en 2016 pour théoriser son attachement à une présidence incarnée et verticale, est du reste un emprunt direct à François Mitterrand et à son principal conseiller en communication, Jacques Pilhan.
En toute logique, ce quinquennat « jupitérien » se termine donc comme il a commencé : par une maîtrise extrême de l’image et une raréfaction de la parole du président. Mais un autre lien, moins assumé celui-là, unit le chef de l’Etat à son lointain devancier : mitterrandien, Emmanuel Macron l’a aussi été pendant cinq ans dans sa volonté d’instrumentaliser la place de l’extrême droite dans les médias. Dès le début de son premier septennat, François Mitterrand avait en effet usé de toute son influence pour que le Front National soit davantage représenté à la radio et à la télévision. Comme en témoignent des échanges de courriers officiels en juin 1982, le président était même intervenu auprès de son ministre de la communication, au nom de « l’obligation de pluralisme », pour que Jean-Marie Le Pen soit désormais invité par les chaînes de télévision.
Avant même son élection en 2017, Emmanuel Macron a, lui aussi, noué des liens paradoxaux avec la droite radicale par médias interposés. Des passerelles avec les médias du groupe Bolloré et avec Eric Zemmour ont ainsi été construites dès le début du quinquennat. Le chef de l’Etat a également cultivé des rapports singuliers avec l’équipe de l’hebdomadaire Valeurs actuelles, dont la ligne éditoriale se situe pourtant à l’opposé de ses propres convictions : après avoir reçu à l’Elysée une partie de la rédaction en avril 2019, il a accordé, quelques mois plus tard, dans des conditions privilégiées, un entretien particulièrement complaisant à Louis de Raguenel [rédacteur en chef du journal].
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