Afrique : réhabiliter les farines locales
Le Camerounais Téguia Bogni, auteur et spécialiste culinaire, rappelle dans le Monde l’importance du pain sur le continent, alors que le prix du blé atteint des sommets.Le blé tendre en particulier est passé d’environ 200 € à 400 € la tonne. Une évolution facteur de crise alimentaire et sociale dans les pays pauvres
L’augmentation du prix du pain peut conduire à la déstabilisation d’un pays. Il n’existe, a priori, aucun lien direct mais il faut reconnaître que la hausse du prix des denrées dites de première nécessité fait courir le risque d’un choc social chez les couches les plus défavorisées, notamment dans les pays pauvres du monde.
En Afrique, par exemple, de nouvelles « émeutes de la faim », après celles de 2008, pourraient menacer les pouvoirs en place, voire les renverser. A l’inverse, la bouche qui mange ne parle pas. Aussi, les Etats intègrent-ils des outils pour maîtriser les prix de vente de certains produits alimentaires de base tels que le riz, la farine, le lait, le sucre ou l’huile.
On consacre une attention particulière au pain fait à base de farine (de blé), qui constitue, depuis plusieurs décennies, l’une des principales composantes des rations alimentaires de nombreuses populations. Dans la rue et sous les chaumières, le pain se décline sous toutes les formes : associé à la viande, au poisson, aux œufs durs ou frits, à l’avocat, au miel, aux tartines, aux sauces ou encore aux salades. Le pain est omniprésent et le « pain chargé » est devenu une institution telle, au Cameroun par exemple, qu’on oublierait presque que la culture du blé est peu répandue en Afrique.
Le Cameroun est justement de ces pays qui ne lésinent pas sur les moyens pour désamorcer toute contestation d’humeur en rapport avec le pain. En avril 2021, le ministère du commerce signait un énième accord avec le Syndicat patronal des boulangers pour le maintien du pain de 200 g au prix de 125 francs CFA (0,19 euro). A la faveur de la crise sanitaire mondiale, le prix de la farine avait en effet connu une hausse importante.
En Côte d’Ivoire aussi, en décembre 2020, une rumeur persistante annonçait plus du doublement du prix du pain. Il se disait alors qu’il passerait de 150 à 350 francs CFA (0,23 à 0,53 euro). Le ministère du commerce et de l’industrie avait vite fait de trouver des solutions pour éviter le soulèvement social annoncé. Tout s’était joué, là aussi, sur la réduction des marges bénéficiaires des boulangers, distributeurs et commerçants. Avec ces rapports de force, le pain figure au palmarès des aliments de grande consommation dont les prix ont le moins augmenté ces dix dernières années.
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