» Le monde en restructuration » (Le Grand Continent )
Une analyse intéressante du livre qui souligne les incohérences provenant surtout du cloisonnement de l’analyse et de la gestion des différents champs d’activité humains. NDLR
analyse de Livre dans le « Monde ».
Jeune revue en ligne, Le Grand Continent s’est imposé en un peu plus de deux ans comme une référence dans les débats stratégiques et intellectuels d’une époque pour le moins confuse. Publié le 16 novembre 2020, le long entretien avec le chef de l’Etat, « La doctrine Macron », évoquant notamment sa vision du monde et de l’Europe n’avait pas peu contribué à la notoriété de ce projet éditorial inédit, né à l’Ecole normale supérieure de Paris, à la fois interdisciplinaire et publié dans les principales langues européennes. Avec son dernier volume, Le Grand Continent se fait livre dans la collection dirigée chez Gallimard par Gilles Kepel, actif soutien du projet depuis le début. L’ouvrage réunit les textes de vingt des intervenants de la revue pour tenter de donner du sens à ces « politiques de l’interrègne » comme les appellent dans leur introduction Gilles Gressani et Mathéo Malik, qui furent les initiateurs de cette aventure.
L’interrègne, c’est « la tendance d’un monde en pleine restructuration, mais que l’on ne parvient pas à décrire, à transformer ou à arrêter », expliquent-ils. Avec cette publication, ils veulent répondre à un triple défi : « l’affaissement du débat public, le cloisonnement de la recherche, l’inconséquence de la décision publique ou privée ». Le pari est tenu grâce à la variété des intervenants dans leurs spécialités comme dans leurs nationalités : des Français, mais aussi nombre d’Italiens, d’Allemands, de Polonais. Il y a là des philosophes comme Pierre Charbonnier ou Céline Spector, des historiens comme Maya Kandel, des économistes comme Jean Pisani-Ferry, des politistes comme Ivan Krastev, d’anciens diplomates engagés dans la lutte pour le climat telle Laurence Tubiana.
« Pour esquisser une carte, il faut l’orienter », expliquent Gilles Gressani et Mathéo Malik. C’est-à-dire lui donner un sens et donc du sens. L’ouvrage évoque certes la question climatique et les défis de la transition autant que la situation inédite créée par la pandémie, mais l’élément structurant de l’ensemble reste la nouvelle donne géopolitique mondiale et l’affrontement « entre ces deux nations-monde que sont les Etats-Unis et la Chine. » Le livre a été bouclé avant la guerre d’agression de Poutine contre l’Ukraine qui a entraîné un sursaut des Européens et le réengagement américain sur le Vieux Continent.
La véritable puissance rivale des Etats-unis n’en reste pas moins la Chine, cet « Etat du parti » comme le définit le sinologue Nathan Sperber, analysant l’émergence d’un nouvel ordre politique depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir. Un projet qui se pose en alternative à l’Occident, même si les convergences potentielles vont bien au-delà de la seule imbrication des intérêts économiques. Ainsi que le note le politologue Giuliano da Empoli, « le Parti communiste chinois et la Silicon Valley travaillent à un avenir post-humain », c’est-à-dire « à un âge où l’autonomie du sujet et la liberté auront disparu ».
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