L’Ukraine révélateur de la vulnérabilité énergétique européenne
Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde » considère que l’Union européenne doit saisir l’occasion de cette crise pour accélérer la transition énergétique dans un cadre européen plus cohérent, défend dans sa chronique Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde ».
Chronique.
« Nous sommes convaincus que l’Europe a besoin d’une politique énergétique commune plus forte (…) qui garantisse l’accès à l’énergie à un prix stable et raisonnable, qui maintienne notre compétitivité industrielle, qui promeuve un développement durable et le passage à une société pauvre en carbone, qui mobilise l’investissement afin de stimuler les perspectives industrielles de demain et qui assure la sécurité d’approvisionnement à tous les Européens. »
Ces phrases auraient pu être prononcées en réaction à l’invasion russe en Ukraine et au choc énergétique qu’elle a provoqué. En fait, elles datent de mai 2010 et sont extraites d’une déclaration commune du Polonais Jerzy Buzek, alors président du Parlement européen, et de Jacques Delors, l’ex-président de la Commission européenne. Près de soixante ans après le lancement de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, leur idée était d’amorcer un retour aux sources en redonnant du sens au projet européen grâce à l’énergie.
La question se pose aujourd’hui de comprendre pourquoi, malgré quelques avancées, les belles intentions de l’époque ne se sont pas concrétisées et pourquoi il a fallu attendre l’agression déclenchée par Vladimir Poutine pour réaliser l’étendue de la vulnérabilité énergétique de l’UE.
« La guerre d’agression russe en Ukraine nous montre de manière dramatique à quel point la sécurité et l’approvisionnement énergétique sont étroitement liés. Nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer cela », reconnaît Patrick Graichen, le secrétaire d’Etat allemand au climat. Il était temps. Si l’aveuglement a été collectif, Berlin a joué un rôle central dans la naïveté dont l’UE a fait preuve. Ni le discours véhément de Poutine contre l’unilatéralisme occidental prononcé en 2007 à la conférence sur la sécurité de Munich, ni le coup de force contre la Géorgie en 2008 n’ont suffi pour convaincre que nos approvisionnements en pétrole et en gaz auprès de la Russie pouvaient, tôt ou tard, poser problème.
Il faut attendre 2009 et une rupture des approvisionnements à l’est de l’Europe provoquée par une brouille russo-ukrainienne sur la rente gazière pour assister au réveil de l’UE, dans lequel la Pologne joue un rôle-clé. « Varsovie peut être critiquable sur d’autres aspects de la construction européenne, mais si nous avions écouté les Polonais à l’époque, nous n’en serions certainement pas là », souligne Thomas Pellerin-Carlin, directeur du centre énergie à l’Institut Jacques-Delors. Mais la Pologne restera isolée jusqu’à ce que la Commission européenne, dans la foulée de l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, décide enfin d’accélérer la mise en place d’une union de l’énergie.
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