France: Une démocratie ratatinée ?
Au contraire des démocraties parlementaires qui nous entourent, la Ve République privilégie la désignation d’un chef à la sélection de programmes politiques, ce qui fait « douter de son caractère démocratique », estime dans une tribune au « Monde » le professeur de droit public Arnaud Le Pillouer.
Tribune. La Ve République est-elle (encore) démocratique ? Poser une telle question peut paraître inutilement provocateur, au moment où la campagne présidentielle bat son plein, et légèrement présomptueux, au regard de l’infinie variété des conceptions de la démocratie.
Prenons le risque, néanmoins. Afin d’éviter l’écueil de la signification de la démocratie, on peut d’abord opter pour une définition minimale, pour ne pas dire sommaire, de celle-ci – fondée sur l’étymologie du terme. Elle correspond alors à un système qui confère au peuple (en réalité au corps électoral) un certain pouvoir, en l’occurrence celui de peser sur la définition des politiques publiques qui lui seront appliquées. Car la démocratie ne se réduit pas à l’élection des gouvernants : cette dernière n’est qu’un moyen de parvenir à cette fin.
C’est sur de telles bases que la question mérite d’être posée : notre régime politique, qui fait de l’élection présidentielle le moment privilégié de l’expression démocratique, permet-il de conférer aux citoyens un rôle effectif dans la détermination des politiques publiques à venir ?
Il ne s’agit pas de s’interroger dans l’absolu, car cela serait un peu vain : les démocraties représentatives en général, et pas seulement la Ve République, peinent à assurer l’exercice d’un pouvoir de décision substantiel – pour toute une série de raisons qu’il n’y a pas lieu d’examiner ici. On voudrait plus modestement comparer notre régime à ceux qui l’entourent et qui sont pour l’essentiel des régimes plus classiquement parlementaires.
A première vue, on pourrait considérer que l’élection directe du président de la République en France présente quelques avantages. Après tout, les différents candidats sont porteurs de programmes politiques qu’ils défendent durant de longs mois : les citoyens n’ont-ils pas là l’occasion de choisir les politiques publiques destinées à être menées durant les cinq ans à venir ?
La réponse ne peut malheureusement être que négative, et cela tient, entre autres choses, à la procédure de l’élection présidentielle elle-même. Rappelons que l’article 7 de notre Constitution prévoit que, à moins qu’un candidat obtienne plus de 50 % des suffrages exprimés (ce qui n’est jamais arrivé), un 2nd tour est organisé, auquel sont « qualifiés » les deux candidats arrivés en tête des suffrages au 1er tour.
Pendant longtemps, la vie politique française s’est justement structurée autour de deux pôles, l’un de droite et l’autre de gauche, de sorte que le 2nd tour opposait traditionnellement un candidat de l’un, à un candidat de l’autre.
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